Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

structural (relief) (suite)

Les influences lithologiques

On a reconnu très tôt que les formes du terrain se différencient suivant la nature des roches : qui n’a observé par exemple le contraste entre les plateaux tertiaires du centre du Bassin parisien, dont les assises calcaires constituent des plates-formes rigides, et les molles ondulations crayeuses de la plaine champenoise ? Chaque roche conditionne par ses propriétés l’action des processus morphogénétiques qui la modèlent. Cette influence est parfois si marquée que le paysage présente des formes caractéristiques : ainsi, le modelé karstique est spécifique des calcaires.

Cependant, une même roche, suivant les lieux où on l’observe, n’offre pas partout le même modelé. Qu’on compare les « ballons » vosgiens aux aiguilles du massif du Mont-Blanc, aux pains de sucre de la baie de Rio de Janeiro et aux collines en demi-orange de Guyane, et on réalisera la diversité d’aspect des roches granitiques. C’est que le comportement des roches diffère selon les milieux morphoclimatiques, puisque l’efficacité des processus varie considérablement d’un système morphogénétique à un autre.

Le modelé apparaît donc comme la résultante d’une double influence, structurale et climatique : les propriétés physiques des roches favorisent l’action de certains processus, mais les systèmes morphogénétiques, en privilégiant tel ou tel processus, exploitent plus ou moins ces facilités. D’une façon générale, dans les milieux biostasiques, où prédominent les processus chimiques, la lithologie influe peu sur le modelé, car un voile d’altérites masque presque complètement les roches ; mais un œil attentif y observera des nuances dans la pente et la forme des versants, et remarquera des différences dans la densité du réseau hydrographique qui trahissent le rôle du facteur lithologique. Au contraire, dans les milieux à processus physiques prépondérants et à couverture végétale discontinue, les roches affleurent à nu et commandent par leurs propriétés le détail des formes du modelé.

Les roches meubles, dont les éléments sont aisément mobilisables, sauf s’ils sont grossiers, donnent généralement des reliefs effacés : les sables s’éboulent, les argiles imbibées d’eau glissent, de sorte que les versants entièrement façonnés dans ces roches ont des pentes toujours faibles. L’imperméabilité des argiles favorise d’autre part le ruissellement des eaux, ce qui explique la densité du réseau hydrographique en pays humide et les ravinements finement ramifiés en pays sec que l’on observe sur ces roches.

Les roches cohérentes donnent généralement des formes plus vigoureuses, sauf si elles sont très sensibles à l’arénisation ou à l’argilisation, ou ont été rendues très friables par le concassage que leur ont fait subir les efforts tectoniques. Les formes de détail y sont commandées par les surfaces de discontinuité, qui guident le travail des processus morphogénétiques : joints, plans de stratification, plans de schistosité, clivages, diaclases. Les formes engendrées par ces discontinuités dépendent de leur agencement dans la roche : tantôt ce sont des bastions, tourelles, pinacles, pitons ou aiguilles, découpés le long de diaclases verticales orthogonales ; tantôt ce sont des dômes convexes, parfois surbaissés (ruwares), parfois très énergiques (pains de sucre), qui s’effeuillent littéralement le long de diaclases courbes ; tantôt, enfin, ce sont des blocs débités dans un réseau de diaclases verticales, horizontales et courbes, qui constituent des reliefs ruiniformes (castle kopjé) ou chaotiques (tors, compayrés) parfois branlants. Toutes ces formes s’estompent dès qu’un manteau d’altérites recouvre la roche ; pourtant, l’influence des surfaces de discontinuité reste sensible dans la disposition du réseau hydrographique qui exploite les lignes de faiblesse de la roche et présente de ce fait des tronçons rectilignes se recoupant sous des angles constants.

L’hétérogénéité de la roche peut aussi être à l’origine de formes de détail caractéristiques. Cette influence se manifeste à diverses échelles, depuis la mise en saillie de quelques millimètres de minéraux peu sensibles à la météorisation ou le creusement d’alvéoles en nid d’abeilles profond de quelques centimètres sur les parois rocheuses cristallines ou gréseuses jusqu’aux reliefs ruiniformes à pinacles résiduels façonnés dans les dolomies. En roche meuble hétérométrique, le ravinement tend à mettre en relief les gros blocs que le ruissellement ne peut déplacer et donne naissance à ces « cheminées de fées » qui attirent l’attention des touristes.

Enfin, les roches facilement solubles, comme les calcaires et les gypses, présentent, quand elles sont suffisamment pures et épaisses, des surfaces burinées de lapiés, taraudées de dolines et d’avens, creusées de vallées sèches, minées de réseaux de galeries souterraines..., qui sont les traits spécifiques du modelé karstique (v. calcaire [relief]).


Les influences tectoniques

Les déformations tectoniques des roches exercent une influence sur le relief de deux manières : soit directement, les formes du terrain se calquant sur les déformations ; soit indirectement, l’érosion défonçant les structures créées par le jeu de la tectonique et mettant en valeur les roches résistantes par excavation des roches tendres. Dans le premier cas, les formes sont dites « originelles » (ou « primitives »). Dans le second cas, le relief ne dépend plus que de la répartition des roches inégalement résistantes : les formes sont dites « dérivées » si elles restent, dans l’ensemble, conformes aux données de la tectonique, c’est-à-dire si les parties soulevées restent en saillie et les parties affaissées en creux ; elles sont dites « inversées » dans le cas contraire.

Toutefois, il importe de noter que les formes structurales originelles, dont les formes dérivées ou inversées semblent les héritières, n’ont pas nécessairement existé : les déformations tectoniques s’échelonnant sur un temps très long, l’érosion attaque les structures naissantes au fur et à mesure de leur genèse, de sorte que, lorsque leur mise en place s’achève, les formes structurales peuvent être déjà très évoluées, voire inversées. D’autre part, l’inversion du relief n’est possible qu’à la condition que l’érosion puisse creuser profondément dans des roches tendres de grande épaisseur ; elle n’est donc pas l’aboutissement nécessaire d’une longue évolution, mais le résultat de conditions structurales favorables.

Les reliefs structuraux combinent de façon plus ou moins complexe un certain nombre de formes structurales élémentaires.