Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Strindberg (August)

Écrivain suédois (Stockholm 1849 -id. 1912).



Une vie

C’est le 22 janvier 1849 que naît Johan August Strindberg, au sein d’une famille déjà nombreuse et qui connaît des moments difficiles. Son père, d’origine bourgeoise, est épicier, puis commissionnaire maritime ; se mère, issue d’un milieu pauvre, a auparavant servi comme bonne. À sa mort, le jeune August, qui fait preuve d’une sensibilité très vive, est âgé de treize ans. Au sortir du lycée, il commence à l’automne de 1867 des études de médecine à l’université d’Uppsala, mais rentre au printemps de 1868 à Stockholm, où il trouve une place de précepteur : il lui faut gagner sa vie. L’année suivante, il se découvre une vocation d’auteur dramatique et renonce à la carrière médicale. Deux autres séjours à Uppsala, en 1870 et en 1871, ne lui rapportent aucun titre universitaire. À partir de 1872, Strindberg s’établit à Stockholm, où il est employé comme journaliste. En décembre 1874, il est nommé assistant à la Bibliothèque royale et le sera jusqu’en 1882.

Il fait la connaissance et tombe amoureux de Siri von Essen (1850-1912), baronne Wrangel, en 1875. Après avoir obtenu le divorce, celle-ci fait ses débuts au théâtre ; Strindberg l’épouse le 30 décembre 1877. Les premières années de mariage sont heureuses ; Strindberg a deux filles, Karin et Greta. Son premier grand drame, Maître Olof (1872), dont il écrit une seconde version en vers en 1876, et surtout le roman de critique sociale la Chambre rouge (1879) lui ont apporté la célébrité. Mais les critiques ne se font pas faute de l’attaquer, et bientôt sa susceptibilité maladive le force à fuir la Suède, brisant ainsi la carrière dramatique de sa femme. En 1883, Strindberg part pour la France avec sa famille ; l’année suivante, il s’installe en Suisse, où naît un fils : Hans. La parution de la première partie de Mariés (1884) lui attire un procès, et il doit se rendre à Stockholm, incident qui le laisse empreint d’une profonde amertume. Il vient s’établir au Danemark en 1887, où il vit avec sa famille dans des conditions économiques de plus en plus précaires, et il rentre en Suède en 1889, dans un climat de folie et de discorde : le divorce sera finalement prononcé en 1891.

La production littéraire de Strindberg s’intensifie : autobiographie, qu’il intitule le Fils de la servante (1886) ; romans, parmi lesquels Gens de Hemsö (1887) et Au bord de la mer (1890) ; théâtre, avec les grands drames naturalistes : le Père (1887), Mademoiselle Julie (1888) et Créanciers (1888).

En septembre 1892, Strindberg part pour Berlin, où il rencontre Frida Uhl (1872-1943), journaliste autrichienne de vingt et un ans. Ils se marient au mois de mai 1893 à Helgoland et font un voyage de noces en Angleterre. Puis ils séjournent en Allemagne et en Autriche. Une petite fille, Kerstin, naît de leur union. En août 1894, Strindberg vient à Paris et sombre de nouveau dans la misère et la folie. Sa femme rompt avec lui, mais ce n’est qu’en 1897 que sera acquis le divorce.

Pendant son séjour à Paris, Strindberg entre dans la période de crises qu’il décrira dans Inferno (1897) : cinq crises de névrose de juillet 1894 à novembre 1896. Il revient ensuite en Suède et, après un bref voyage en Autriche, s’installe à Lund, où il restera jusqu’en 1899.

Sa production littéraire s’est renouvelée : les trois parties du drame allégorique intitulé le Chemin de Damas (1899-1904) sont surprenantes. Mais Strindberg se tourne essentiellement vers les drames historiques, dont le plus célèbre est sans conteste Gustave Vasa (1899).

En 1899, il a cinquante ans : la prospérité lui est enfin revenue, et il peut définitivement venir vivre à Stockholm. Il s’éprend d’une jeune actrice norvégienne, Harriet Bosse, qu’il épouse le 6 mai 1901. Mais leur bonheur est de courte durée, malgré la naissance d’une fille, Anne-Marie, l’année suivante. Ils divorcent en 1904.

Solitaire une fois encore, Strindberg rédige non sans fureur Drapeaux noirs (1904), puis monte en 1907 son Théâtre-Intime (Kammarspel), ce dont il rêvait depuis longtemps. Il meurt le 14 mai 1912.


L’œuvre autobiographique

La vie et l’œuvre de Strindberg ne font qu’un : toute sa création artistique est, pour ainsi dire, une confession. Mais l’écrivain dépeint en outre une bonne part de son existence dans une série d’ouvrages qui, réunis, constituent une autobiographie unique dans l’histoire de la littérature suédoise.

C’est à partir de 1886 qu’il en compose les quatre premiers livres : le Fils de la servante, Fermentation, Dans la chambre rouge et l’Écrivain. Il se fait le disciple de Rousseau, présente le contexte social de son évolution, mais insiste davantage sur la réalité psychologique : le premier volume porte un sous-titre révélateur, « Histoire du développement d’une âme ». Voyage par contrainte (1885) décrit le procès de Mariés : Strindberg s’en prend à divers critiques et aux féministes. Il réunit sous le nom de Lui et elle les lettres qu’il a adressées à sa future épouse, Siri von Essen, en 1875-76. D’un tout autre ton sont les attaques qu’il lui lance en 1887 dans le Plaidoyer d’un fou, rédigé en français ; on y trouve la première expression de sa misogynie, sentiment d’ailleurs doublé d’une sorte de vénération pour la femme idéalisée. Également écrit et publié en français, Inferno (1897) est le récit que l’écrivain donne lui-même de ses douloureuses expériences psychiques qui l’ont mené au bord de la folie. Délire de la persécution, sentiment de culpabilité, heurts entre le rêve et la réalité, tout un bouillonnement de pensées l’ont agité dans cette période de crises, traversée de contradictions, d’angoisses et de souffrances. Légendes (1898) et le Combat de Jacob (1898) font suite à Inferno et exposent les mêmes épreuves : ses visions l’entraînent sur le chemin de la religion, il satisfait son besoin de surnaturel par la lecture de Swedenborg, participe aux recherches des occultistes, et le catholicisme l’attire pour un temps. Mais Strindberg finira par adopter, en matière religieuse, une position modérée de tolérance. Le Deuxième Récit du Maître de quarantaine, qui fait partie de Baie de beauté, détroit de honte (1902), est l’histoire à peine romancée de son mariage avec Frida Uhl, tel qu’il le voit après Inferno et quatre ans de séparation. Enfin, dans Seul (1903), Strindberg raconte la vie solitaire qu’il mène à Stockholm et dans l’archipel, avant son troisième mariage.