Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Strasbourg (suite)

L’industrialisation

Au xviiie s., les manufactures de tabac, les brasseries étaient installées dans la vieille ville. On comptait trente-sept brasseries en 1784 : petit à petit, au cours du xixe s., elles devaient être transférées vers l’extérieur (Schiltigheim, Bischheim, Cronenbourg). L’essor de l’imprimerie traduit alors le rôle intellectuel de la cité. Quant aux industries alimentaires, elles étaient déjà importantes (foie gras, meuneries, distilleries), et l’industrie du cuir animait le quartier des tanneurs (Petite France).

Le xixe s., à la suite du développement ferroviaire, voit la naissance de la métallurgie de transformation : ateliers de construction de matériel ferroviaire à Bischheim, de locomotives, d’abord, de matériel d’équipement, ensuite, à Illkirch-Graffenstaden. À Kœnigshoffen, c’est l’industrie mécanique, et à Neudorf l’industrie automobile (Mathis) qui s’installent. Vers la fin du siècle, d’importantes entreprises allemandes s’implantent dans l’agglomération.

La période 1918-1945 marque un arrêt presque total de l’industrialisation : l’antagonisme franco-allemand fait du Rhin une frontière stratégique qui repousse les investissements.

Il faudra attendre la réconciliation franco-allemande pour que se produise le redémarrage économique et que de nouvelles zones industrielles soient dès lors aménagées.

Au port du Rhin, à côté d’entreprises plus anciennes (centrale thermique, cellulose), est venue s’installer en 1967 une usine de la General Motors. Au nord de la ville, à Reichstett et Herrlisheim, dans le Ried, se sont implantées deux raffineries de pétrole, alimentées par l’oléoduc sud-européen. À La Wantzenau, une usine canadienne fabrique du caoutchouc synthétique. Une autre zone, plus spontanée, s’est développée au sud en direction de Graffenstaden-Fegersheim : elle abrite l’industrie légère. L’industrie a ainsi tendance à quitter la ville pour les communes périphériques de l’agglomération.

Aujourd’hui, la métallurgie de transformation (automobile, équipement, machines) domine très largement. L’évolution se fait au profit des grands établissements industriels, alors que, traditionnellement, l’entreprise de moyenne importance l’emportait. L’après-guerre a été également caractérisé par la pénétration des capitaux étrangers.

Parmi les facteurs favorables à l’industrialisation, il faut citer l’épargne régionale. C’est après 1871 que se sont développées quelques banques, qui, après 1918, ont dû prendre des participations parisiennes : Crédit industriel d’Alsace et de Lorraine, Société Générale alsacienne de banque. Les fusions successives font oublier la multiplicité bancaire de jadis. Avec, en plus, la Banque populaire, le Crédit mutuel (banque fédérative rurale) et la Caisse d’épargne, Strasbourg est une place bancaire originale et d’une puissance que beaucoup de villes françaises peuvent lui envier. L’assurance, qui mobilise des capitaux importants, a aussi des racines profondes dans la ville (Rhin-et-Moselle).

Enfin, le port du Rhin, grâce à l’aménagement du Rhin (grand canal d’Alsace), est un instrument économique précieux. Avec ses annexes, en aval et en amont de Strasbourg, il totalise un trafic de 14,6 Mt, dont 90 p. 100 aux sorties (potasse, graviers, céréales, carburants).


L’expansion récente

La ville est à l’étroit dans son périmètre traditionnel, et l’urbanisation a envahi les communes suburbaines. Les faubourgs du sud, Neudorf et Neuhof, de même que les communes au nord, Schiltigheim, Bischheim et Hœnheim, se sont développés d’une manière anarchique. Récemment, quelques opérations importantes ont été entreprises à la Meinau (La Canardière avec 3 000 logements), à la Montagne-Verte (1030), à la cité de l’Ill (1522), à Cronenbourg. Dans ce dernier faubourg, l’opération « Haute-Pierre », qui porte sur 230 ha, doit comporter au stade final 7 000 logements, abritant 30 000 habitants. À proximité de la vieille ville, l’opération « Esplanade » vise à gagner à l’habitation des terrains et des édifices militaires : blocs et tours implantés sur 74 ha y offriront 4 000 logements ; en outre, on y a déjà construit les nouvelles facultés de droit, des lettres et l’École supérieure de chimie ; un centre commercial y a été installé. Mais les grandes surfaces commerciales n’ont cessé de gagner la périphérie : « BAG » est au sud, à Illkirch, et Carrefour au nord, à Mundolsheim, favorisant la suburbanisation. La rocade ouest, reliant la pénétrante sud à la pénétrante nord, oriente l’urbanisation. Mais la faiblesse du réseau autoroutier est en net contraste avec le proche pays de Bade, de l’autre côté du Rhin.


L’essor démographique

Au milieu du xviiie s., la ville compte 50 000 habitants. Avec 76 000 habitants en 1851, elle passe pour une ville déjà importante. Malgré les pertes dues à l’annexion, la population croît rapidement : elle atteint 135 000 habitants en 1895 et 179 000 en 1910. L’entre-deux-guerres est marqué par un ralentissement : 193 000 habitants en 1936. L’après-guerre, par contre, enregistre une croissance rapide : 201 000 habitants en 1954 et 250 000 en 1975. Cependant, la ville proprement dite ne comptait, en 1968, plus que 110 000 personnes, les faubourgs de La Robertsau (18 000), de Neudorf (36 000), de Meinau (20 000), de Neuhof (25 000), de Cronenbourg (19 000), de Kœnigshoffen (13 000), de Montagne-Verte (12 000) accaparant l’essentiel. L’agglomération (définition I. N. S. E. E.) de 300 000 habitants en 1962 est passée à 370 878 en 1975.

Les communes périphériques ont, désormais, tendance à croître plus vite que la ville (commune de Strasbourg : en 1962, 234 000 hab. ; en 1975, 257 000).

Une loi du 31 décembre 1966 a créé la communauté urbaine de Strasbourg, qui englobe vingt-sept communes, d’une superficie totale de 30 925 ha (Strasbourg, 7 825 ha), et réunit (1975) une population de 390 407 habitants.

La démographie urbaine est largement excédentaire : en 1971, le taux de natalité s’élevait à 19,25 p. 1 000 et le taux de mortalité à 8,85 p. 1 000. Il est rare de trouver un tel dynamisme démographique parmi les grandes villes. Enfin, la population étrangère se chiffre à moins de 10 p. 100 du total.