Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

stéroïdes (suite)

Les acides biliaires sont normalement absents de l’urine, sauf dans les ictères*, où ils peuvent apparaître avant les pigments biliaires ; on peut les y déceler grâce à leurs propriétés tensioactives (la « fleur de soufre » flotte sur un liquide contenant des sels biliaires). Dans le sang, le taux des acides biliaires (cholalémie) est très faible, mais il est considérablement augmenté dans les ictères. On dose la cholalémie par colorimétrie ou spectrophotométrie des réactions décrites plus haut ou par fluorescimétrie. En thérapeutique, on utilise les sels biliaires (acides cholique et désoxycholique) ou la bile « dépigmentée » : par la voie orale ils servent de cholagogues et d’adjuvants de la digestion des lipides (l’acide chénodésoxycholique est un solvant des calculs biliaires) ; par la voie rectale, les sels biliaires sont administrés en suppositoires ou en lavements comme laxatifs mécaniques, en raison des contractions intestinales qu’ils provoquent. Dans l’industrie pharmaceutique, les sels biliaires et la bile ont un débouché important dans la préparation des hormones stéroïdes.


Les hormones* stéroïdes

Nombre d’hormones sécrétées par les glandes génitales ou les corticosurrénales sont constituées par des molécules calquées sur celles du cholestérol ; aussi, pour cette raison, sont-elles dénommées hormones stéroïdes. On peut les considérer comme dérivant de trois hydrocarbures synthétiques :
— l’œstrane, à 18 atomes de carbone, méthylé en C13 ;
— l’androstane, à 19 atomes de carbone, méthylé en C13 et en C10 ;
— le prégnane, à 21 atomes de carbone, méthylé en C13 et en C10, avec une chaîne latérale en C17.

Cette classification chimique des hormones stéroïdes rend assez bien compte de leur action physiologique ou médicamenteuse : à l’œstrane correspondent l’œstrone, ou folliculine, et les œstrogènes ; à l’androstane, la testostérone et les androgènes ; au prégnane, la progestérone, les progestatifs ainsi que les corticostéroïdes : minéralocorticoïdes et glucocorticoïdes.

La connaissance de la structure chimique des hormones stéroïdes, en permettant leur synthèse et celle de nombreuses substances voisines, a profondément transformé la thérapeutique, en même temps qu’étaient introduits de nombreux corps, tels que les anabolisants, les progestatifs, les associations progestatif-œstrogène, qui constituent les contraceptifs oraux.


Les vitamines* « D »

Les vitamines du groupe D, vitamines liposolubles antirachitiques, peuvent être obtenues par l’irradiation aux rayons ultraviolets de certains stéroïdes naturels constituant des provitamines. Elles sont au nombre de quatre :
— la vitamine D2, ou calciférol, ou ergostérol irradié, obtenue par irradiation de l’ergostérol ;
— la vitamine D3, ou cholécalciférol, obtenue par irradiation du déhydro-7-cholestérol ;
— les vitamines D4 et D5, inemployées, qui dérivent du déhydro-22-ergostérol et du déhydro-7-sitostérol.

L’irradiation aux rayons ultraviolets effectuée sur l’ergostérol ou dans l’organisme a pour effet d’ouvrir le noyau B de la molécule suivant le schéma suivant :

À côté des vitamines D, il faut mentionner un stéroïde utilisé en thérapeutique pour la fixation du calcium : le dihydrotachystérol, ou AT IO. (Les propriétés des vitamines D seront étudiées à l’article vitamines.)

La cortisone

Isolée dès 1935 de la corticosurrénale sous le nom de composé E de Kendall, la cortisone n’a pu être utilisée qu’à partir de 1949, quand furent maîtrisées les techniques permettant sa synthèse, à partir des sels biliaires ou de certains hétérosides des Strophantus. Les procédés extractifs ne permettent, en effet, que l’obtention de faibles quantités d’hormone, à peine suffisantes pour la recherche.

Biochimie

Comme toutes les hormones corticosurrénales, la cortisone est construite sur le noyau cyclopentanophénanthrénique du cholestérol. Ces hormones sont douées de propriétés variables : œstrogènes (folliculine), progestatives (progestérone), androgènes (testérone), antidiurétiques (aldostérone). Elles ne diffèrent entre elles que par l’existence de doubles liaisons, notamment entre les sommets 1 et 2, et l’existence de radicaux alcooliques ou cétoniques, notamment aux sommets 11 et 19.

Emplois thérapeutiques

La cortisone constitue le chef de file d’une nouvelle série de corticoïdes doués de propriétés anti-inflammatoires (v. inflammation) ; elle a actuellement un intérêt assez théorique. Utilisée à l’origine pour le traitement des maladies rhumatismales, en particulier la polyarthrite chronique évolutive, elle est aujourd’hui abandonnée dans le traitement de ces maladies en raison de sa toxicité et de la difficulté qu’elle présente pour la conduite des traitements. En revanche, elle demeure utilisée pour le traitement de la maladie d’Addison (v. surrénales). Dans la lutte contre l’inflammation, on utilise actuellement des dérivés synthétiques plus maniables, qui se distinguent essentiellement de la cortisone par la présence d’une double liaison en 1-2 (série Δ), d’un atome de fluor en 9 ou par ces deux particularités. Les composés ainsi obtenus, notamment les dérivés fluorés, sont moins toxiques aux doses thérapeutiques.

R. D.


Les savants qui ont étudié les stéroïdes


Konrad Bloch,

biochimiste américain d’origine allemande (Neisse 1912). Il a le mérite d’avoir élucidé le mécanisme de la synthèse du cholestérol par l’organisme. Il a également démontré comment le cholestérol est la base de la formation de tous les autres stéroïdes. Il a partagé le prix Nobel de physiologie et de médecine en 1964 avec Feodor Lynen (né en 1911) pour leurs travaux sur le métabolisme du cholestérol et des acides gras.


Philip Showalter Hench,

V. surrénales (capsules).


Edward Calvin Kendall,

biochimiste américain (South Norwalk, Connecticut, 1886 - Princeton 1972). Après avoir isolé la thyroxine (v. thyroïde), il a été à l’origine de l’isolement des différentes hormones stéroïdes de la corticosurrénale (désoxycorticostérone, cortisone, etc.) et de la corticotrophine hypophysaire. Il a partagé le prix Nobel de physiologie et de médecine en 1950 avec P. S. Hench et T. Reichstein.


Tadeusz Reichstein,

biochimiste suisse d’origine polonaise (Włocławek 1897). Il a étudié la structure des hormones stéroïdes, et particulièrement celle de la cortisone. Il a partagé le prix Nobel de physiologie et de médecine en 1950 avec P. S. Hench et E. C. Kendall. V. aussi biochimie.


Heinrich Wieland,

chimiste allemand (Pforzheim 1877 - Munich 1957). Il a étudié la structure des stérols et reçu le prix Nobel de chimie en 1927 pour ses recherches sur la composition des sels biliaires et du venin de crapaud.


Adolf Windaus,

chimiste allemand (Berlin 1876 - Göttingen 1959). Il a isolé la vitamine D, dont il a étudié la structure. Ces travaux lui ont valu le prix Nobel de chimie en 1928. Il étudia ensuite la composition de l’ergostérol (précurseur de la vitamine D).