Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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steppes (art des) (suite)

À l’est de l’Ienisseï, autour du lac Baïkal, naissent, à l’époque néolithique, des cultures de chasseurs-pêcheurs que caractérisent, outre le matériel lithique, les vases à fond pointu décorés de traits obliques incisés. On note également l’existence de sculptures et de gravures rupestres, l’exploitation du jade, l’usage de l’ocre pour le rituel d’inhumation. Ces cultures baïkaliennes s’épanouissent à l’époque chalcolithique pour former la culture de Glaskovo (1700-1200 av. J.-C.), marquée par une poterie ovoïde peinte ou incisée, une large utilisation du jade, le travail de l’os et quelques objets en cuivre et en bronze.

Dans les hautes vallées du Zagros, l’actuel pays des Lurs, ont été retrouvées de nombreuses nécropoles contenant un important matériel de bronze et de fer (armes, vases, objets de parure). On y a reconnu les vestiges du peuple kassite*, entré en contact vers 1800 avant notre ère avec les civilisations mésopotamiennes. La production artistique, connue sous le nom d’art du Luristān (v. Iran), semble s’être développée entre le milieu du IIe millénaire et le viie s. avant notre ère. Les armes, les pendeloques, les épingles y sont ornées d’animaux, surtout de cervidés.

Dans la seconde moitié du IIe millénaire, la région du Talych, le long de la côte occidentale de la mer Caspienne (entre l’Iran et l’U. R. S. S.), autre centre du bronze situé à la limite du monde transcaucasien et du monde oriental, joue également un rôle important.

Au début du Ier millénaire avant notre ère, le développement de l’économie d’élevage (surtout celui du cheval) entraîne de nombreux changements. La nécessité de trouver des pâturages de plus en plus riches commande le nomadisme et l’usage du cheval comme animal de monte. Tous les éléments de harnais apparaissent de façon généralisée au viiie s. avant notre ère. Le nomadisme entraîne des contacts de plus en plus nombreux entre ceux qui s’y livrent et crée de nouveaux circuits d’échanges. Les opérations de rapine s’intensifient ; grâce à elles, se constituent, dans ces royaumes nomades, des trésors qui, devant être facilement transportés, sont constitués essentiellement de bijoux. Les agrafes apparaissent avec le harnachement ; les ornements en pâte de verre, l’ambre, un type particulier d’outillage et d’armes (hache à douille, poignard à lame courte, lances), tels sont les apports du continent eurasiatique.

Ainsi constitué, l’art des steppes, qui comprend les créations de plusieurs centres culturels dispersés sur toute l’étendue de l’Eurasie, se caractérise par son style animalier. Des représentations d’animaux réels ou fantastiques se retrouvent sur tous les objets d’usage (pièces de harnachement, armes, vaisselle, bijoux...). Ces animaux, principalement des cervidés, des chevaux, des sangliers, des tigres, des oiseaux de proie, sont figurés soit isolés, soit par groupes. Le combat de deux ou de plusieurs animaux apparaît très fréquemment, surtout sur des plaques de ceinture.

Dans la première moitié du Ier millénaire avant notre ère s’épanouit en Ciscaucasie occidentale la culture kobanienne (du village de Koban, en Ossétie du Nord). Le matériel funéraire provenant des tombes à sarcophage en pierre comprend des haches, des poignards, des mors, des boucles de ceinture, des bijoux ainsi que des récipients aux anses en forme d’animaux. Cette culture, qui était en rapport avec le Talych et le Luristān, essaime au milieu de ce Ier millénaire jusque sur la Volga, le Don et le Dniepr et influence dès le viie s. avant notre ère l’art scythe.

À cette époque, en effet, sur les bords de la mer Noire, des tribus scythes* s’arrogent le pouvoir. Cette culture scythe (v. 700-200 av. J.-C.), avec des variantes locales, présente un caractère iranien, auquel s’ajoutent des influences helléniques, prépondérantes à partir du ve s. av. J.-C. À la fin du Ier millénaire, les Scythes sont à leur tour renversés par les Sarmates (v. 200 av. - 200 apr. J.-C.). Les œuvres d’orfèvrerie sarmate s’écartent de la tradition réaliste scythe et deviennent de plus en plus décoratives. Cet esprit de stylisation, joint au goût des incrustations, marque, sur tout le domaine des steppes, le passage du style scythe au style sarmate et sera transmis par l’intermédiaire des Goths à l’Europe occidentale (v. Barbares).

La culture d’Andronovo, répandue sur toute la Sibérie méridionale au IIe millénaire avant notre ère, est remplacée à la fin de ce millénaire, dans le bassin de Minoussinsk, par la culture de Karassouk. Une série de couteaux à manche orné de motifs animaliers caractérisent les bronzes de cette culture. À partir de 700 avant notre ère, à la culture de Karassouk, déjà marquée par des influences chinoises, succède la culture de Tagar, qui dure jusqu’aux environs de notre ère.

Contemporain de la culture de Tagar est le complexe de l’Altaï (700-100 av. J.-C.). Dans les grandes sépultures (kourganes) de la région de Pazyryk ont été trouvés de nombreux objets en bois, en corne, en cuir et en feutre conservés intacts. Des chevaux avec tout leur harnachement étaient enterrés dans les tombes royales. Ce harnachement comprenait de magnifiques ornements en bois sculpté de motifs d’animaux, dont le dynamisme est souligné par des courbes et des lignes ondulées.

La région de l’Ordos et du Suiyuan (Souei-yuan) occupe la majeure partie de la Chine septentrionale au-delà de la Grande Muraille. Cette vaste zone, qui recevait des motifs du bassin de Minoussinsk et profitait des leçons des bronziers chinois, voit, aux environs de notre ère, le style animalier de ses bronzes perdre peu à peu son réalisme au profit de la stylisation et du goût pour l’ornementation.

Ainsi, les liens entre l’Occident et l’Extrême-Orient par l’intermédiaire de l’Ordos, sensibles à l’époque de Karassouk, prennent une extension si large à l’époque de Tagar qu’un même style semble inspirer tout l’art des steppes du fleuve Jaune jusqu’au Danube.

M. P.-t’S.