Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

statistique (suite)

Les statistiques en physique

On adopte un point de vue statistique en physique dès que l’on veut expliquer l’état d’un système macroscopique à l’échelle de nos appareils de mesure à partir de ses très nombreux constituants microscopiques à l’échelle atomique. Historiquement, c’est au milieu du xixe s. que le point de vue statistique s’est introduit avec le développement de la théorie cinétique des gaz : on explique la force de la pression exercée par un gaz sur une paroi par les chocs que cette paroi reçoit de la part des molécules du gaz ; mais les molécules contenues dans un litre, par exemple, sont si nombreuses qu’il ne saurait être question de calculer individuellement le choc de chacune d’elles. On est donc conduit à calculer le choc en fonction de la vitesse de la molécule, puis à étudier la répartition statistique des diverses valeurs de la vitesse parmi les molécules du gaz.

On peut calculer théoriquement cette répartition statistique en faisant seulement des hypothèses simples propres aux phénomènes de hasard et en appliquant les lois du calcul des probabilités. Mais il faut les raisonnements subtils et les calculs délicats de la thermodynamique statistique pour tirer parti de ces hypothèses simples ; leur idée directrice est la suivante : on peut modifier les données caractérisant chaque constituant atomique d’un système (position, vitesse, orientation, etc., de chaque atome) sans modifier pour autant l’état global macroscopique du système. On voit facilement qu’un très grand nombre d’états microscopiques différents correspondent au même état macroscopique, et les hypothèses faites permettent de compter le nombre de tous ces états microscopiques. On admet encore que l’état d’équilibre macroscopique d’un système est son état le plus probable, c’est-à-dire celui qui correspond au nombre maximal d’états microscopiques possibles.

Ce sont ces raisonnements qui ont conduit à la loi statistique classique de Boltzmann : la donnée la plus importante pour caractériser l’état microscopique de particules atomiques est leur énergie W ; mais il existe d’autres données qui permettent de distinguer des états microscopiques différents correspondant à la même énergie. Soit g1 le nombre des états microscopiques possibles pour une particule caractérisée par une valeur d’énergie W1, g2 le nombre des états microscopiques correspondant à l’énergie W2, etc. (on dit encore que g1, g2, etc., sont les poids statistiques des niveaux d’énergie W1, W2, etc.). Lorsqu’un système physique composé de particules identiques est en équilibre thermique, à la température absolue T, ces particules se répartissent entre les valeurs d’énergie possibles W1, W2, W3, etc., selon les nombres N1, N2, N3, etc., obéissant à la formule de Boltzmann

La constante universelle k est appelée constante de Boltzmann, et sa valeur a pu être confirmée par un grand nombre d’expériences indépendantes.

En conséquence de cette loi, les atomes sont plus nombreux dans les états dont les énergies sont les plus basses. Cette loi est générale en physique : les états d’énergie minimale sont les plus stables. Si la différence d’énergie W2 – W1 est très petite par rapport à l’« énergie thermique » kT, les nombres N1 et N2 sont très voisins (on dit que les niveaux d’énergie W1 et W2 sont presque également peuplés, ou encore que leurs populations N1 et N2 sont presque égales). Si, au contraire, la différence d’énergie W2 – W1 est très grande devant kT, la population N2 du niveau d’énergie supérieure W2 est presque nulle. Les physiciens utilisent souvent les basses températures pour créer des différences de population appréciables entre des états qui, à température ordinaire, sont presque également peuplés (avec l’hélium liquide sous basse pression, on descend au-dessous de 2° absolu ; par démagnétisation adiabatique, on atteint un centième de degré absolu).

La statistique classique de Boltzmann ne s’applique que dans des conditions où les populations N1, N2, etc., sont beaucoup plus petites que les poids statistiques g1, g2, etc. Dans le cas contraire, il faut modifier les calculs de Boltzmann, et l’on est conduit, suivant le type de particule, à l’une ou l’autre des deux lois statistiques quantiques.

• La statistique quantique de Bose-Einstein s’applique aux particules qui peuvent se retrouver simultanément, en nombre quelconque, dans n’importe quel état quantique. Ces particules sont, pour cette raison, appelées bosons. À l’équilibre thermique, à la température absolue T, elles se répartissent entre les niveaux d’énergie W1, W2, etc., suivant les populations N1, N2, etc., telles que

Dans cette formule, on retrouve la constante universelle k de Boltzmann ; mais la constante A dépend de la collection de particules étudiée.

Cette statistique s’applique en particulier aux photons et permet de calculer l’énergie lumineuse rayonnée dans le phénomène d’émission thermique (loi de Planck). Elle s’applique aussi aux atomes d’hélium 4 et permet d’expliquer les propriétés très spéciales de ce fluide aux très basses températures.

• La statistique quantique de Fermi-Dirac s’applique aux particules qui ne peuvent jamais se trouver simultanément dans le même état quantique. Ces particules sont, pour cette raison, appelées fermions. À l’équilibre thermique, à la température absolue T, elles se répartissent entre les niveaux d’énergie selon des populations obéissant à la formule

(pour A et k, cf. plus haut). Cette statistique s’applique en particulier aux électrons et permet d’expliquer à l’intérieur d’un métal le comportement des électrons libres, responsables de la conduction électrique et de la conduction calorifique. Elle explique aussi les propriétés des corps semi-conducteurs.

En définitive, les deux statistiques quantiques permettent d’expliquer de nombreux phénomènes inexplicables en statistique classique ; mais il est facile de montrer qu’elles redonnent les mêmes résultats que la statistique de Boltzmann dès que les populations N sont très faibles devant les poids statistiques g (termes plus ou moins négligeables, parce que la constante A est alors extrêmement grande).

B. C.