Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Aude. 11

Départ. de la Région Languedoc-Roussillon ; 6 232 km2 ; 272 366 hab. (Audois). Ch.-l. Carcassonne. S.-préf. Limoux et Narbonne.


L’Aude assure la transition entre le Midi méditerranéen et le Bassin aquitain par sa double appartenance au vignoble de masse du bas Languedoc et au secteur de polyculture qui caractérise les marges du Lauragais ; le reste du territoire, par son économie de type montagnard, se rattache au Massif central ou aux Pyrénées. Le relief et la répartition des densités humaines permettent de définir plusieurs grands ensembles.

Les Corbières forment un quadrilatère de hautes terres inscrites entre les vallées de l’Agly et de l’Aude sur la moitié du département. Elles s’ordonnent autour du massif primaire du Mouthoumet, d’Alet à Durban-Corbières, et de ses enveloppes calcaires du Jurassique et du Crétacé. L’ensemble est isolé entre les deux voies de circulation périphériques, vers le Bassin aquitain par la vallée de l’Aude et vers la plaine du Roussillon par le pas de Salses (ou Salces). La végétation xérophile, typiquement méditerranéenne, laisse peu à peu vers l’ouest la place au domaine du chêne à feuilles caduques. Les densités varient entre 5 et 20 habitants au kilomètre carré selon les communes.

Au nord et au sud de l’Aude, deux zones montagnardes sont tout aussi vides : le rebord méridional de la Montagne Noire, malgré la présence du secteur minier du Cabardès ; le pays de Sault et le Razès, à l’ouest d’une verticale Limoux-Quillan. La forêt et les herbages gagnent ces moyennes montagnes, qui deviennent peu à peu des zones de loisir pour les citadins.

Les confins du Lauragais appartiennent déjà au monde aquitain par la dispersion de la population rurale et leur économie agraire, fondée sur la polyculture, mais restent en étroite liaison avec le bas Languedoc grâce aux voies de communication : rail, nationale 113, canal du Midi. En effet, en dehors du secteur situé à l’amont de Limoux et surtout du bassin de Quillan (défilés de Saint-Georges et de Pierre-Lys), la vallée de l’Aude regroupe les densités humaines les plus fortes sur la grande zone de passage entre le littoral méditerranéen, Toulouse et Bordeaux. Du Narbonnais au Carcassès et au Lauragais, les villes du vignoble jalonnent l’axe du vieil isthme gaulois par le seuil de Naurouze.

Mais deux villes seulement comptent plus de 30 000 habitants : Carcassonne et Narbonne. La première, à l’ombre de sa cité médiévale, constitue une étape touristique ; la seconde, fière de son passé de capitale romaine, souffre de la proximité de Béziers, mais espère retrouver un regain d’activité grâce à la mise en valeur du littoral. Castelnaudary (10 847 hab.) est un marché qui vit au rythme des campagnes du Lauragais ; Limoux (11 713 hab.) est un centre viticole — dont la réputation repose sur la production de la « blanquette », vin blanc mousseux —, comme Lézignan-Corbières (7 431 hab.), qui commercialise les vins rouges des Corbières et du Minervois. Les noms de Quillan et d’Espéraza restent liés à la fabrication des chapeaux, puis des panneaux de bois agglomérés. De part et d’autre de Port-la-Nouvelle, dont le trafic annuel atteint 1 Mt, deux stations touristiques nouvelles sont en cours d’aménagement à Gruissan et Leucate-Barcarès.

Le département n’a pas gagné 10 000 habitants entre 1962 et 1968 et il en a perdu un nombre presque égal entre 1968 et 1975. La montée de la population a été régulière durant tout le xixe s., mais cette population baisse régulièrement ensuite jusqu’en 1946 pour se stabiliser vers 1950 et enregistrer une reprise vers 1960 avant le recul récent. Le dynamisme biologique étant quasiment nul pour une population vieillie, les gains sont dus au seul bilan migratoire, mais l’Aude est le moins dynamique des départements du littoral languedocien. La progression enregistrée s’effectue au bénéfice du couloir audois, qui pourrait prolonger vers l’ouest l’axe urbain en cours d’élaboration entre la côte languedocienne et la vallée du Rhône.

Malgré ces déséquilibres, l’économie audoise repose sur des productions de qualité. Les 110 000 hectares du vignoble de masse ne doivent point faire oublier les crus renommés (Corbières, Minervois...), la production fruitière et céréalière. Les industries de la haute vallée de l’Aude comptent des établissements dynamiques : chaussures à Limoux, panneaux de revêtement Formica à Quillan. L’aménagement du littoral, enfin, valorise le vieux village de pêcheurs de Gruissan, dont le futur port abritera un millier de bateaux de plaisance, ainsi que le site remarquable du massif de la Clape, en cours de reboisement, et les plages sableuses bordant l’étang de Leucate aux confins des Pyrénées-Orientales. L’Aude joue désormais la carte du tourisme sur son littoral ensoleillé et son arrière-pays chargé d’histoire.

R. D. et R. F.

➙ Carcassonne / Languedoc / Narbonne.

Auden (Wystan Hugh)

Écrivain anglais, naturalisé américain (York 1907 - Vienne 1973).


Les premières œuvres de jeunesse d’Auden, Poems (1930) et The Orators (1932), reçoivent dès leur parution un accueil très favorable d’une partie de l’élite intellectuelle anglaise. Elles séduisent par leurs symboles, la puissance des images, des rythmes et les raffinements de l’écriture. Mais c’est peut-être plus encore — pour obscur et confus qu’il puisse paraître souvent au lecteur d’aujourd’hui —, leur contenu politique qui reçoit l’adhésion d’écrivains comme MacNeice, Spender ou Day Lewis. L’Angleterre se trouve alors en pleine période de récession économique, le chômage sévit, le capitalisme semble à bout de souffle et la paix apparaît menacée par la poussée d’idéologies totalitaires opposées. Certains alors, comme Auden, rêvent de changer radicalement un monde dont les structures ne satisfont pas plus leur cœur que leur raison. C’est ainsi que tout naturellement aux yeux de la critique se trouve constitué l’« Auden group », dont l’existence faisait d’ailleurs dire à Day Lewis : « Nous ne savions pas que nous formions un mouvement avant que les critiques ne le disent. » Pourtant, quoique le poète se sente en parfaite communauté de pensée avec ces esprits avides d’« ouverture sociale », il ne peut demeurer longtemps l’homme d’une chapelle. Il aspire à une large audience et espère l’obtenir par le théâtre (Paid on Both Sides : A Charade, 1930 ; The Dance of Death, 1933). Non un théâtre d’évasion, mais, à la manière de Brecht, dont il subit profondément l’influence, un théâtre d’enseignement et de formation politique des masses. Seul ou en collaboration, surtout avec Isherwood, Auden cherche à « faire apparaître l’urgence de l’action et la clarté de sa nature ». Cette préoccupation didactique ne semble pas contradictoire dans son esprit avec les subtilités de la pensée et les effets d’un brillant virtuose dans les formes et les styles les plus différents (The Dog beneath the Skin, 1935). Ses pièces se différencient encore du théâtre brechtien par une certaine légèreté du ton dans la satire, la part plus importante des chœurs et des chants, qui les rendent proches de la comédie musicale. Bon musicien, auteur de livrets d’opéras et d’un oratorio, Auden prend place parmi les maîtres modernes de l’« art song » et du « popular song » (For the Time Being. A Christmas Oratorio, 1944 ; The Rake’s Progress, 1948).