Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

stalinisme (suite)

Le point de vue chinois

Le P. C. C. a toujours considéré que Staline a commis un certain nombre d’erreurs qui ont une source ou idéologique ou sociale et historique. La critique des erreurs de Staline, celles qui effectivement furent commises par lui et non pas celles qu’on lui attribue sans aucun fondement, est chose nécessaire lorsqu’elle est faite à partir d’une position et par des méthodes correctes. Mais nous avons toujours été contre la critique de Staline lorsqu’elle est faite d’une façon incorrecte, c’est-à-dire à partir d’une position et par des méthodes erronées. [...]

Dans certains problèmes, la méthode de pensée de Staline s’écarta du matérialisme dialectique pour tomber dans la métaphysique et le subjectivisme, et, de ce fait, il lui arriva parfois de s’écarter de la réalité et de se détacher des masses. Dans les luttes menées au sein du parti comme en dehors, il confondit, à certains moments et dans certains problèmes, les deux catégories de contradictions de nature différente — contradictions entre l’ennemi et nous, et contradictions au sein du peuple — de même que les méthodes différentes pour la solution de ces deux catégories de contradictions. Le travail de liquidation de la contre-révolution, entrepris sous sa direction, permit de châtier à juste titre nombre d’éléments contre-révolutionnaires qui devaient l’être ; cependant, des gens honnêtes furent aussi injustement condamnés, et ainsi il commit l’erreur d’élargir le cadre de la répression en 1937 et 1938. Dans les organisations du parti et les organismes de l’État, Staline ne fit pas une application pleine et entière du centralisme démocratique du prolétariat ou y contrevint partiellement. Dans les rapports entre partis frères et entre pays frères, il commit aussi des erreurs. Par ailleurs, il formula, au sein du mouvement communiste international, certains conseils erronés. Toutes ces erreurs ont causé des dommages à l’Union soviétique et au mouvement communiste international.

Les mérites que Staline s’était acquis durant sa vie aussi bien que les erreurs dont il fut l’auteur sont un fait objectif de l’histoire. Si l’on met en parallèle ses mérites et ses erreurs, ce sont ses mérites qui prédominent. [...]

Au lieu de faire une analyse complète, historique et scientifique de l’œuvre accomplie par Staline tout au long de sa vie, ils [les membres du comité central du P. C. U. S.] l’ont répudiée en bloc sans distinguer le vrai du faux.

Au lieu de traiter Staline en camarade, ils le traitent comme l’on traite l’ennemi.

Au lieu d’adopter la méthode de la critique et de l’autocritique, de faire le bilan des expériences et d’en tirer des leçons, ils rejettent toutes les erreurs sur Staline ou bien lui imputent des « erreurs » inventées à loisir.

Au lieu de raisonner, les faits à l’appui, ils s’en prennent à la personne de Staline, en usant d’un langage insidieux et démagogique. [...]

La répudiation totale de Staline fournit à l’impérialisme et à toute la réaction des munitions antisoviétiques et anticommunistes qu’ils ne sont que trop heureux d’obtenir. Aussitôt après que le XXe Congrès du P. C. U. S. eut clôturé ses travaux, l’impérialisme utilisa le rapport secret de Khrouchtchev contre Staline pour déclencher dans le monde une vaste campagne antisoviétique et anticommuniste. [...]

La répudiation totale de Staline par la direction du P. C. U. S. a été faite sous l’enseigne de la « lutte contre le culte de la personnalité ».

La « lutte contre le culte de la personnalité » formulée par la direction du P. C. U. S. ne tend nullement, comme elle le proclame, à rétablir ce qu’elle appelle les « principes léninistes de la vie intérieure et de la direction du parti ». Tout au contraire, elle contrevient à la doctrine de Lénine concernant les rapports entre les chefs, le parti, les classes et les masses, et au principe du centralisme démocratique du parti.

Les marxistes-léninistes soutiennent que pour devenir un véritable état-major de combat du prolétariat, le parti révolutionnaire du prolétariat doit résoudre correctement les rapports entre les chefs, le parti, les classes et les masses et s’organiser selon le principe du centralisme démocratique. Un tel parti doit avoir un noyau dirigeant relativement stable. Celui-ci doit être constitué par des chefs éprouvés, des chefs qui sachent unir la vérité universelle du marxisme-léninisme à la pratique concrète de la révolution. [...]
Sur la question de Staline. À propos de la lettre ouverte du Comité central du P. C. U. S. (13 sept. 1963).


La base sociale du stalinisme

Que disent les partisans de la première hypothèse ? La propriété privée des moyens de production est abolie, remplacée par la propriété sociale des producteurs eux-mêmes ; d’autre part, l’État n’est jamais qu’un instrument au service de la classe dominante. La nature du régime social n’est donc pas concernée par les défauts de l’appareil qui gère la production, par son caractère hypertrophié, bureaucratique et parasitaire. Tel est le sens de la formule lancée en 1920 par Lénine et reprise jusqu’aujourd’hui par le courant trotskiste : « L’Union soviétique est un État ouvrier et paysan à déformation bureaucratique. » On peut critiquer la bureaucratie, mais l’infrastructure, elle, est au-dessus de tout soupçon.

Cette thèse repose exclusivement sur un principe juridique, sur l’article de la Constitution qui déclare les travailleurs collectivement propriétaires des instruments de production. Car la propriété juridique n’est pas la possession réelle, et le droit, ici, masque le fait : seul l’appareil d’État a le pouvoir sur les moyens de production, sur les objectifs du plan, sur l’organisation du travail, sur le niveau des salaires, sur la répartition de la plus-value, sur la totalité de la production et de la consommation. Le salariat n’est pas aboli tant que les prolétaires sont contraints de vendre leur force de travail, même si l’acheteur est un État qui prétend les représenter. La propriété socialisée d’un État qui s’est rendu indépendant et maître de la société porte à son comble « la séparation entre les instruments de production et les producteurs », qui, pour Marx, est la marque de la domination, de l’exploitation et de l’aliénation des travailleurs. C’est au-dessus de leurs têtes qu’une volonté étrangère décide du plan, de l’unité, du sens de leur travail et de la répartition de ses produits.