Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Spinoza (Baruch de) (suite)

En outre, ce qui vaut pour l’individu vaut pour la société ; ce qui est vrai pour la morale le sera aussi pour le droit. « L’impuissance de l’homme à gouverner et à contenir ses passions, je l’appelle servitude », écrit Spinoza. Et la servitude règne sous d’autres espèces que la passion : la superstition religieuse en est une forme, le régime monarchique une autre. « C’est donc la servitude et non pas la paix qui est favorisée par le transfert de tout le pouvoir à un seul homme ; car la paix [...] ne consiste pas dans l’absence de guerre, mais dans l’union des âmes, c’est-à-dire la concorde » (Traité politique).

Le dessein du philosophe demeure constant : la joie intérieure ne peut être dissociée de la démocratie. « Cela fait partie de mon bonheur de donner mes soins à ce que beaucoup d’autres comprennent comme moi, de sorte que leur Entendement et leurs désirs s’accordent avec mon Entendement et mes désirs » (Traité de la réforme de l’entendement). Si l’on veut construire la « béatitude », il faut, en même temps, édifier une société qui rende possible et garantisse la liberté. Loin de Spinoza le projet d’un modèle social utopique ; il faut viser à la pratique et à sa réalisation en tenant compte des imperfections et des mauvaises dispositions des individus avant leur libération intérieure. À cette fin, les passions de chacun seront mises au service de tous. La première initiative proposée est, en conséquence, l’utilisation de la contrainte et d’institutions coercitives pour obtenir une conduite sociable, raisonnable et juste des individus. Le pouvoir légitime appartiendra à une assemblée démocratique qui, pour faire persévérer dans l’être le groupe social qu’elle incarne, s’efforcera d’instaurer des relations de « paix et d’amitié » entre les hommes également législateurs. La terre deviendra propriété collective, et chaque citoyen sera susceptible, quel que soit son rang, de servir sous les drapeaux : car « rien n’est plus utile à l’homme qu’un autre homme vivant sous la conduite de la Raison » , et enfin « il est plus libre dans l’État que dans la solitude » (Éthique).

« Le bien que tout partisan de la vertu poursuit pour lui-même, il le désirera aussi pour les autres, et cela d’autant plus qu’il a une plus grande connaissance de Dieu » (Éthique). Se comprendre ainsi, c’est se connaître par la connaissance du troisième genre, grâce à laquelle nous « éprouvons une Joie accompagnée de l’idée de Dieu comme cause éternelle [...]. Et si la Joie consiste dans le passage à une perfection plus grande, la Béatitude consiste alors pour l’esprit à posséder la perfection même » (Éthique). Cette béatitude se confond avec la libre unification de soi-même et du monde, jointe à l’amour intellectuel de Dieu. Alors, nous expérimentons notre âme, non comme immortelle, mais comme éternelle ; l’idée que nous formons de nous-mêmes n’est plus que le reflet de celle que Dieu pense « sous l’espèce de l’éternité ». « L’Amour intellectuel de l’Esprit envers Dieu est l’Amour même par lequel Dieu s’aime lui-même, non en tant qu’il est infini mais en tant qu’il peut s’expliquer par l’essence de l’esprit humain considéré sous l’aspect de l’éternité ; c’est-à-dire que l’Amour intellectuel de l’Esprit envers Dieu est une partie de l’amour infini par lequel Dieu s’aime lui-même » (Éthique).

Est-il utile d’ajouter qu’une doctrine aussi subversive que peu orthodoxe ne recueillit guère les faveurs des philosophes en son temps ? Malebranche, Fénelon, Leibniz, Bayle s’en prirent à elle. « Nul n’est prophète en son pays. » Spinoza fit toujours l’expérience de cette règle. Au cours des xviiie et xixe s., l’herméneutique perdit en clairvoyance ce qu’elle gagna en bienveillance. Comme firent les romantiques allemands, les interprètes tentèrent une réduction du système tantôt à une pure ontologie, tantôt, à la manière de Jabobi, de Schelling et de Hegel, à une simple philosophie de la nature. On a déjà indiqué que les pensées spinoziste et nietzschéenne étaient parentes dans leur effort de transvaluation des valeurs établies. N’appartient-il pas au premier chef à la philosophie et à la science contemporaines de reconnaître leur dette à l’égard d’une réflexion dont on voudrait suggérer qu’elle subsiste tout entière au service de l’univocité et de la lucidité, de l’être, du produire, du connaître et du langage ?

M. D.

 L. Brunschvicg, Spinoza (Alcan, 1894 ; 3e éd., Spinoza et ses contemporains, 1923). / V. Delbos, le Spinozisme (Soc. fr. d’impr. et de libr., 1916). / P. Vernière, Spinoza et la pensée française avant la Révolution (P. U. F., 1954 ; 2 vol.). / R. Misrahi, « le Droit et la liberté politique chez Spinoza », dans Mélanges de philosophie et de littérature juives (P. U. F., 1957) ; le Désir et la réflexion dans la philosophie de Spinoza (thèse, Paris, 1959) ; Spinoza (Seghers, 1964). / S. Zac, l’Idée de vie dans la philosophie de Spinoza (P. U. F., 1963) ; Spinoza et l’interprétation de l’Écriture (P. U. F., 1965). / H. G. Hubbeling, Spinoza’s Methodology (Assen, 1964). / G. Deleuze, Spinoza et le problème de l’expression (Éd. de Minuit, 1968) ; Spinoza (P. U. F., 1970). / M. Guéroult, Spinoza (Aubier-Montaigne, 1968-1974 ; 2 vol.). / A. Matheron, Individu et communauté chez Spinoza (Éd. de Minuit, 1969) ; le Christ et le salut des ignorants chez Spinoza (Aubier-Montaigne, 1971). / J. Moreau, Spinoza et le spinozisme (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1971). / J. Préposiet, Bibliographie spinoziste (les Belles Lettres, 1974). / P. Moreau, Spinoza (Éd. du Seuil, 1975).

spirochétoses

Maladies infectieuses dues à des Bactéries spiralées, mobiles, de l’ordre des Spirochætales, que l’on nomme communément Spirochètes.


Il existe trois genres de Spirochètes parasites, différents par la morphologie et par les maladies qu’ils provoquent.

• Le genre Spirocheta, ou Borrelia, est responsable des fièvres récurrentes, ou borrelioses, maladies à rechutes dont le germe est transmis par un Pou ou par un Tique (elles sont les seules pour lesquelles le terme de spirochétoses soit employé dans son sens propre).

• Le genre Leptospira est responsable des leptospiroses ictéro-hémorragiques (avec jaunisse et hémorragies) ou anictériques (sans jaunisse).

• Le genre Treponema est responsable de maladies exotiques telles que le carate (ou mal del Pinto) et le pian, mais surtout de la syphilis, ces maladies étant groupées sous le terme de tréponématoses (v. syphilis).