Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

spéléologie (suite)

• La topographie souterraine. Presque tous les spéléologues établissent le plan des grottes qu’ils découvrent. Les topographes, en d’interminables séances, prennent la direction des galeries à la boussole, calculent leur pente au clisimètre et en mesurent le développement soit au décamètre, soit avec un « topofil », boîtier muni d’un compteur et débitant un fil perdu fixé aux extrémités des segments relevés. Les topographies de cavernes authentifient les records, permettent d’établir des inventaires de cavités (celui de la France est détenu par le Bureau de recherches géologiques et minières) et sont exploitées en vue d’une meilleure connaissance scientifique du monde souterrain (morphologie des conduits surtout).

• Les méthodes spéciales. Les moyens mis en œuvre au cours des investigations ne sont pas limités. Les spéléologues peuvent gravir des cheminées à la façon des alpinistes ou à l’aide d’agrès spéciaux appelés araignées ; il leur arrive d’utiliser les explosifs pour élargir certains boyaux ; pour les séjours prolongés, ils recourent au camping souterrain dans des tentes isothermiques (comme chaque année au gouffre Berger) ou des hamacs. Afin de localiser le lieu de résurgence des eaux souterraines, ils procèdent parfois à leur coloration à la fluorescéine ; pour abaisser les plans d’eau qui forment siphon, ils emploient des pompes ; etc.


Les applications

L’utilisation la plus courante des découvertes souterraines est incontestablement touristique.

L’aménagement des cavernes (ascenseurs, passerelles, rambardes, projecteurs, etc.) permet au public de visiter sans effort et sans risque l’univers minéral des stalagmites, colonnes, draperies, cristallisations et concrétions de toutes formes et toutes couleurs. Dans certaines régions arides et pauvres, l’intérêt économique de l’exploitation de telles curiosités naturelles est capital (le gouffre de Padirac ou l’aven Armand dans les Causses, la célèbre grotte de Postojna en Yougoslavie, celle de Han-sur-Lesse en Belgique).

Dans le domaine hydro-électrique, les explorations souterraines sont souvent indispensables ; ainsi, lors du captage des eaux du cirque de Lez (Ariège), un tunnel creusé sur les indications de Casteret a permis de récupérer dans un gouffre l’eau d’un torrent qui aurait échappé aux turbines de la centrale. Des recherches spéléologiques servent, en outre, à déceler d’éventuelles pertes de charge avant la construction de barrages en terrain calcaire (Sainte-Croix sur le Verdon ou Cernon-Menouille dans le Jura).

L’alimentation en eau potable peut être tributaire de découvertes spéléologiques : la Société des eaux de Marseille doit aux explorateurs de la résurgence de Port-Miou la possibilité de capter cette rivière souterraine suffisamment loin de la mer pour qu’elle soit dessalée.

Enfin, à la suite de l’expérience de survie souterraine de Michel Siffre en 1962, des recherches sont menées dans des cavernes américaines, dans le cadre d’études sur l’adaptation de l’organisme humain aux conditions des vols spatiaux (isolement, perte de la notion du temps, etc.).

J. D.

 H. P. Guérin, Spéléologie. Manuel technique (Susse, 1944) ; Spéléologie, le matériel et son emploi (Vigot, 1951). / R. de Joly, la Spéléologie (Elzévir, 1947). / F. Trombe, Traité de spéléologie (Payot, 1952) ; la Spéléologie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1956 ; 3e éd., 1973). / B. Gèze, la Spéléologie scientifique (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1965). / P. Minvielle, la Conquête souterraine (Arthaud, 1967). / M. Sifre, Dans les entrailles de la terre (Flammarion, 1975).

Spencer (Herbert)

Philosophe britannique (Derby 1820 - Brighton 1903).


Formé par son père et son oncle, tous deux maîtres d’école, il doit à une volonté tenace, malgré sa santé très fragile, de se former très vite une opinion personnelle : il refuse de se rendre à l’université et, plus tard, ne voudra jamais accepter ni distinction ni titre honorifique. Il reste également libre de toute attache politique et religieuse, et écarte même le mariage. La culture elle-même lui semble un danger pour sa liberté, et il restreindra ses lectures.

Après quelques années de journalisme (lettres sur The Proper Sphere of Government, publiées en 1842 dans le Nonconformist, qui traite des limites de l’autorité de l’État), il vient à la métaphysique en lisant le Système de logique de Mill* et les Observations sur le sentiment du beau et du sublime de Kant*. Ingénieur des chemins de fer, puis rédacteur à l’Economist, il se consacre totalement, à partir de 1853, à une activité de réflexion. Se sentant chargé d’une mission, il veut donner une interprétation du monde, s’appuyant à la fois sur la science et sur la raison. Il va passer trente-six années à tenter de mener à bien ses desseins malgré une santé précaire et des difficultés financières. Un Américain, Edward L. Youmans, lui vient heureusement en aide, de sorte que ses œuvres seront révélées aux États-Unis avant d’être connues et appréciées en Grande-Bretagne. Jusqu’en 1870, ce sera Youmans qui assurera la parution de ses œuvres.

En 1894 a lieu la grande controverse de Spencer avec le biologiste allemand August Weismann. Après la parution du dernier tome des Principes de sociologie (The Principles of Sociology), en 1896, Spencer est enfin célébré et reconnu à sa juste valeur. Il peut se considérer comme le plus célèbre philosophe de son école et le maître du positivisme*. En 1898, il accomplit deux longs voyages en Europe et aux États-Unis.

Mais l’engouement qu’a provoqué le positivisme décline, et de nouvelles philosophies idéalistes commencent à l’emporter, de sorte que Spencer voit pâlir son étoile, lorsqu’il meurt le 8 décembre 1903.

Ses œuvres majeures constituent les onze volumes du System of Synthetic Philosophy, à quoi il faut ajouter une Autobiography (1904) et de très nombreux essais.

Spencer conçut le vaste projet d’expliquer le devenir de toutes les formes de vie — y compris sociales — par un principe unique, la loi de l’évolution. La loi universelle du devenir social était pour lui celle du passage continu de l’homogénéité à l’hétérogénéité et d’une intégration de plus en plus grande des parties dans le temps ; l’inverse, c’est-à-dire la dissolution, pouvait, admettait-il, se produire dans certains cas.

Ainsi l’évolution de sociétés suit-elle pour Spencer une direction et des phases bien définies, avec parfois des retours en arrière.

Par exemple. Spencer expliquait la formation des croyances religieuses par l’élaboration progressive de l’animisme des sociétés primitives.

On peut dire qu’il lui appartient, comme à L. H. Morgan*, d’avoir structuré, en même temps que radicalisé (en l’étendant à la sphère sociale), l’idée d’évolution lancée par Darwin*.

D. C.

➙ Évolutionnisme.

 E. Thouverez, Herbert Spencer (Bloud et Gay, 1905). / D. Duncan, The Life and Letters of Herbert Spencer (Londres, 1908). / M. Absi, la Théorie de la religion chez Spencer et ses sources (Impr. catholique, Beyrouth, 1953).