Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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spéléologie (suite)

Avec un autre Français, Robert de Joly (1887-1968), s’accomplit entre 1926 et 1938 une véritable révolution des méthodes et du matériel d’exploration : l’invention des échelles souples en câbles d’acier et en barreaux d’électron, ultra-légères et peu encombrantes permet de s’attaquer avec succès aux grands gouffres verticaux, tel le chourum Martin, dans le Dévoluy, que Martel n’avait pu vaincre avec les agrès inadaptés de puisatier. Robert de Joly, créateur des techniques de la spéléologie moderne, explorateur de l’aven d’Orgnac, en Ardèche, aujourd’hui aménagé pour la visite touristique, est de plus le fondateur, en 1936, de la Société spéléologique de France, dont l’évolution aboutira à la Fédération française de spéléologie.

Après la Seconde Guerre mondiale, des groupes de spéléologues bien financés et outillés, aux effectifs nombreux, organisent des expéditions de grande envergure avec parfois le concours d’explorateurs chevronnés, jadis isolés, comme Casteret. C’est le cas de l’expédition du Spéléo-Club de Paris au gouffre de la Henne-Morte en 1947. La presse se fait l’écho des exploits et des drames qui se déroulent sous terre, achevant ainsi de vulgariser, au risque d’en donner une fausse image, un sport dont la pratique s’étend chaque année davantage. La tragique conquête, entre 1952 et 1955, du nouveau record du monde de profondeur au gouffre de la Pierre-Saint-Martin (– 726 m) est à cet égard significative.

Parallèlement, au contact du milieu des alpinistes, les techniques d’exploration connaissent une nouvelle mutation en France, en Italie et en Autriche. Pierre Chevalier, au réseau souterrain de la dent de Crolles (Grande-Chartreuse), adapte aux cavernes les méthodes d’escalade, l’emploi des cordes de Nylon et la descente en rappel. Sur ses traces, en 1956, la jeune équipe du Club alpin français de Grenoble fait brusquement irruption sur la scène spéléologique en dépassant au gouffre Berger (Vercors) la profondeur fatidique de 1 000 m. La profusion des découvertes souterraines en montagne annonce le stade de la « spéléologie alpine », que caractérisent les équipes légères et rapides, un matériel très élaboré (« descendeurs » pour le rappel, « freins » pour les remontées solitaires, pitons autoforants, etc.) et une technique à la recherche d’une efficacité toujours accrue, qu’enseigne aujourd’hui l’École française de spéléologie. Le Spéléo-Groupe de La Tronche (Isère), qui, en 1969 et 1970, explore deux gouffres de plus de 700 m, est le principal instigateur de cette forme de spéléologie, maintenant largement répandue (en Belgique, en particulier).

Ces dernières années, grâce à la spéléologie nord-américaine, aux plongées en scaphandre dans les galeries noyées et aux expéditions lointaines, la conquête souterraine s’accélère : en 1972, les membres de la Cave Research Foundation (États-Unis) réalisent la jonction entre Flint Ridge System et Mammoth Cave (Kentucky), qui forment désormais le réseau souterrain le plus étendu du monde (240 km) ; l’Association for Mexican Cave Studies utilise la technique de l’ascension au jumar pour venir à bout du plus haut à-pic souterrain connu, 410 m (gouffre del Barro) ; l’Allemand J. Hassenmayer franchit le siphon suisse de la source de la Rinquelle, long de 930 m ; une expédition anglaise en Iran découvre un gouffre dépassant 700 m de profondeur.


Matériel et techniques


L’équipement individuel

Le spéléologue est habillé d’un sous-vêtement lui permettant de supporter le froid et l’humidité (Nylon aluminisé), et revêt une combinaison et des gants en plastique imperméables, qui le protègent de la douche glaciale des cascades. Grâce à des bottes en caoutchouc, il progresse, les pieds au sec, dans certaines laisses d’eau. Pour s’aventurer dans des bassins plus profonds, il utilise la « pontonnière », pantalon de latex englobant les pieds et montant jusque sous les bras. Le casque qu’il porte pour se préserver des chocs et des chutes de pierres est muni d’un système d’éclairage frontal, souvent double, c’est-à-dire comportant un faisceau électrique et une flamme alimentée par un générateur d’acétylène. L’explorateur est, de plus, équipé d’une ceinture d’encordement et d’un baudrier « cuissard » assez proches de ceux des alpinistes.


Le matériel et les méthodes d’exploration

• Les gouffres verticaux. Dans les à-pics, les spéléologues utilisent encore les échelles souples et légères ; mais de plus en plus, ils descendent le long des cordes de Nylon par glissades contrôlées et, au heu de faire assurer leur remontée par un aide situé en haut du puits, ils se relient à une corde fixe par un « autobloqueur » qui, en ne coulissant que dans le sens de l’ascension, enraye tout début de chute. Avec le développement de la « spéléologie alpine », les échelles et même les treuils pour les grandes verticales disparaissent au profit d’un système de remontée sur corde par coincements successifs de deux autobloqueurs.

• Les rivières souterraines et les galeries noyées. Sur les lacs, les spéléologues naviguent dans des canots pneumatiques gonflables ; ils parviennent à surmonter les chutes d’eau en appuyant contre la paroi un « mât d’escalade », le long duquel pend une échelle souple. Lorsque le plan d’eau rejoint la voûte, formant siphon, ils recourent à l’emploi du scaphandre autonome. La pratique de la plongée souterraine a pris récemment une extension telle qu’elle devient un secteur spécialisé de la spéléologie : on explore les galeries noyées à grande profondeur sous terre (– 1 122 m au gouffre Berger en 1968) et les sources où ressortent les rivières souterraines (résurgences comme la fontaine de Vaucluse). Ainsi, aux États-Unis, dans la fontaine de Lost Spring, les plongeurs-spéléologues descendent à 95 m sous la surface ; le Groupe d’études et de plongées souterraines de Marseille explore dans la résurgence sous-marine de Port-Miou, près de Cassis, 1,4 km de galeries noyées, parfois sous 50 m d’eau. Quelques-unes des dernières grandes découvertes spéléologiques sont le fait des plongeurs : un réseau souterrain de plus de 9 km dans la Meuse, derrière le siphon du Rupt-du-Puits ; un autre de 10 km au-delà des 230 m de couloir ennoyé de la résurgence du Verneau (Doubs). Les plongeurs en siphon utilisent des scaphandres spéciaux, généralement à air comprimé, comportant plusieurs appareils identiques et indépendants, car, en raison de l’absence de la surface libre au-dessus d’eux, toute défaillance de matériel serait fatale. En progressant, ils déroulent un fil d’ariane qui leur permet de trouver le chemin du retour lorsque la visibilité est troublée par l’argile que soulève le mouvement des palmes.