Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Spaak (Paul Henri)

Homme politique belge (Schaerbeck 1899 - Bruxelles 1972).



De la bourgeoisie libérale au socialisme extrémiste

Paul Henri Spaak est issu d’une grande famille libérale. Il est le petit-fils du leader Paul Janson et le neveu de l’ancien Premier ministre Paul Émile Janson. Sa mère a siégé au Sénat. Malgré la consonance flamande, son nom est celui d’une famille suédoise installée en Belgique à une époque ancienne.

À dix-sept ans, pendant la Première Guerre mondiale, P. H. Spaak essaie de franchir la frontière néerlandaise pour rejoindre l’armée belge qui combat sur l’Yser. Arrêté par les Allemands, il est interné. Les hostilités terminées, il mène à bien des études de droit à l’université de Bruxelles et s’inscrit au barreau de Bruxelles, où il est l’avocat des objecteurs de conscience.

Dès 1920, il adhère au parti ouvrier belge et enseigne à l’École ouvrière supérieure d’Uccle, que dirige alors Henri de Man. Celui-ci exerce sur lui une influence qui sera décisive pendant deux décennies.

Mais P. H. Spaak se situe alors beaucoup plus à gauche. Il est le leader du groupe d’extrême gauche du parti ouvrier belge et, plus d’une fois, il a maille à partir avec le Conseil général du parti, qui lui reproche de semer l’indiscipline par les articles publiés dans l’Action socialiste. Peu à peu, il va s’assagir. En 1925, il devient chef adjoint du cabinet du ministre socialiste du Travail, Joseph Wauters ; en 1932, il est élu député socialiste de Bruxelles ; en 1935, il devient ministre des Transports, des Postes, des Téléphones et des Télégraphes du premier cabinet Van Zeeland (Henri de Man souhaitait qu’il fût dans le gouvernement plutôt qu’à l’extérieur).

Plus il avancera en âge et plus son front carré, son nez court, ses grosses lunettes, ses épaules de lutteur le feront ressembler à Winston Churchill ; il ne détestera pas cette comparaison. Mais, en cet avant-guerre, il est aux antipodes de l’homme d’État britannique.


Ministre des Affaires étrangères

Le 13 juin 1936 Paul Van Zeeland nomme P. H. Spaak ministre des Affaires étrangères dans le second cabinet qu’il constitue. Il l’a préféré à des parlementaires plus anciens et alors plus connus, comme Émile Vandervelde, qui en marquent quelque agacement. C’est que Van Zeeland et Henri de Man veulent engager la Belgique dans la voie d’une politique indépendante — certains diront bientôt neutraliste —, moins alignée sur Londres et sur Paris. « Je ne veux qu’une chose, une politique étrangère exclusivement, intégralement, belge » (P. H. Spaak 20 juill. 1936). Plus tard, P. H. Spaak expliquera que cette politique lui paraissait la seule à pouvoir non seulement maintenir la Belgique hors d’un conflit, mais encore assurer le maximum de cohésion nationale. Il y reste fidèle jusqu’au 10 mai 1940, date à laquelle la brutale agression de Hitler ruine tous ses efforts. Entre-temps, il a été Premier ministre à moins de quarante ans (15 mai 1938 - 9 févr. 1939).

Devant la défaite de la Belgique et de la France, il avoue avoir été tenté de demeurer près du roi Léopold III, comme l’a fait Henri de Man. Finalement, avec les autres membres du gouvernement Pierlot, il gagne l’Angleterre, où il demeure pendant toute la guerre ministre des Affaires étrangères d’un gouvernement en exil. Dès cette époque, il est acquis à l’idée d’une union des nations d’Europe occidentale, qu’Anthony Eden juge alors dangereuse.


Homme d’État de dimension mondiale

Son expérience gouvernementale de 1935 l’avait convaincu qu’il était plus fait pour le gouvernement que pour la révolution. Le second conflit mondial lui révèle qu’il peut agir de manière efficace sur un théâtre plus vaste que celui de la Belgique. Après avoir été l’un des négociateurs des textes qui aboutissent à la création du Benelux*, Spaak est élu le 20 janvier 1946 président de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies. Un gouvernement socialiste homogène constitué par lui le 13 mars 1946 ne dure que quinze jours ; un gouvernement socialiste-social-chrétien, formé sous sa présidence le 20 mars 1947, tombe le 11 août 1949. Partisan à la fois de l’Union européenne et du pacte atlantique, Spaak est, du 16 août 1949 au 11 décembre 1951, président de l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe. À partir de 1954 il reprend dans divers gouvernements la direction des Affaires étrangères dans un sens européen, très déçu par l’attitude de Pierre Mendès France devant le problème de la communauté européenne de défense de son pays. Le 16 mai 1957, il abandonne son portefeuille pour devenir secrétaire général de l’O. T. A. N. ; à ce titre, il doit intervenir dans l’épineuse question de Chypre, qui oppose deux États adhérents de l’Alliance. Les réalisations ne sont pas, dans l’ensemble, à la hauteur de ses espérances, et Spaak se trouve alors souvent en désaccord total avec la politique du général de Gaulle, dont il fait échouer le plan présenté par Christian Fouchet.

Finalement, le 1er février 1961, il annonce son intention de reprendre un rôle actif dans son pays. Le 31 mars de la même année, il quitte son poste de l’O. T. A. N. et, le 25 avril, revient au ministère des Affaires étrangères. C’est bientôt l’époque de la crise congolaise, où il joue un rôle actif et modérateur, plaidant avec éloquence la cause de la Belgique lorsqu’elle envoie des parachutistes. Spaak abandonne les Affaires étrangères au début de 1966, quand le parti socialiste quitte le gouvernement.

Peu à peu, son prestige a diminué. Lorsque, le 15 juin 1966, il défend devant le Conseil général du parti socialiste la thèse de l’implantation du SHAPE en Belgique, il est battu, mais le parti socialiste ne peut empêcher cette installation. Le 16 juin 1966, Spaak prend la parole pour la dernière fois à la Chambre. Est-ce la fin de son rôle politique ? Non. Spaak sort de sa retraite aux élections de 1971 pour soutenir les francophones de Bruxelles. La solution au malaise linguistique lui paraît être un fédéralisme à trois (Flandre, Wallonie, Bruxelles).