Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sous-marin (suite)

• En Grande-Bretagne, on aurait désiré la suppression du sous-marin, dont la flotte britannique avait tant souffert, et les Britanniques ont insisté vainement dans ce sens lors des discussions du traité naval de Washington en 1922. Entre les deux guerres, la Royal Navy ne construit finalement qu’une quarantaine de sous-marins, en se contentant de standardiser les équipements. En 1939, une quinzaine d’unités est sur cale.

• Les Allemands, qui ont dû livrer tous leurs « U-Boot » en 1919 et n’ont plus le droit d’en construire, obtiennent, après l’avènement de Hitler, que la question soit reconsidérée. Par l’accord du 18 juin 1935, Londres, sans consulter Paris, leur accorde la parité sous-marine avec la Royal Navy, si bien qu’au 1er janvier 1939 la marine allemande possède 71 sous-marins en service ou en construction, dont 24 de 500 t.

• L’Italie a fait un énorme effort, et, en 1939, sa marine aligne 119 sous-marins, représentant plus de 90 000 t. La marine soviétique possède au même moment de 130 à 150 unités de faible tonnage, qui ne se manifesteront guère de 1941 à 1945. Quant à la marine américaine, elle compte 112 sous-marins en 1939, mais prépare un programme d’une ampleur sans précédent, tandis que le Japon semble ne pas avoir dépassé les 70 unités.

Les performances de tous ces bâtiments sont similaires : le tonnage varie de 600 t (type côtier) à 1 500 ou 2 000 t (type océanique). Ces sous-marins donnent de 18 à 20 nœuds en surface et 10 nœuds en plongée. Leurs rayons d’action sont faibles en plongée (environ 20 heures à 4 nœuds) ; ils dépassent 6 000 milles marins en surface. Armés de 4 à 12 tubes lance-torpilles, les sous-marins ont des équipages de 30 à 60 hommes composés de spécialistes volontaires et d’un très bon niveau professionnel. Les accidents sont rares, et l’on signale comme des faits exceptionnels les disparitions, en 1939, du Phénix français, de la Thetis anglaise et du Squalus américain. Les souvenirs de la guerre sous-marine se sont estompés, les moyens d’écoute sont encore rudimentaires, et l’on imagine mal les ravages que les « U-Boot » exerceront de nouveau dans le conflit qui s’annonce.

La guerre sous-marine dans les deux conflits mondiaux

1914-1918

En 1914, l’Allemagne ne compte que 25 « U-Boot » et, comme ses partenaires, ignore à peu près tout de leur emploi dans la guerre navale. Ce sont les exploits de leurs équipages (dès le 22 septembre, l’« U-9 » coule en une heure 3 croiseurs anglais) qui feront découvrir à l’amirauté de Berlin le parti qu’on pouvait tirer du sous-marin, notamment pour répondre au blocus naval mis en place par les Alliés. C’est de cette façon très empirique que naît, au début de 1915, la guerre sous-marine contre le trafic commercial allié. Pour ne pas trop heurter l’opinion mondiale, l’action des sous-mariniers, est très vite freinée : il faut faire évacuer les équipages des cargos avant de les couler. L’irritation américaine, après le torpillage du Lusitania par l’« U-20 » en mai 1915, amena les Allemands à limiter en 1916 l’action de leurs sous-marins. Quand, en janvier 1917, le Reich déclare la guerre sous-marine sans restriction, dont il espère la décision du conflit, il est trop tard. Après des pertes terribles, les Alliés ont mis au point le système des convois groupant de 30 à 50 navires de commerce, éclairés et protégés par des destroyers et des patrouilleurs ; ce système fait baisser le nombre des navires coulés de 5,45 p. 100 en juin 1917 à 1,21 p. 100 en mai 1918 et permet le transport sans perte de l’armée américaine en Europe. À la fin d’une guerre où les sous-marins allemands auront coulé 11,750 millions de tonneaux de navires marchands aux Alliés, ces derniers emploient dans la lutte anti-sous-marine 4 200 patrouilleurs et 2 000 avions contre la cinquantaine d’« U-Boot » qui tiennent encore la mer.

Sur le plan technique, les prototypes encore hésitants de 1914 se sont perfectionnés ; les moteurs Diesel atteignent 1 200 ch en 1916, 1 750 ch en 1918, et le rayon d’action passe de 1 600 milles à 5 nœuds à 2 500 milles à 8 nœuds. À côté des petits sous-marins côtiers (ou « UB ») et mouilleurs de mines (« UC ») apparaissent en 1916-1918 dans la marine allemande les sous-marins de croisière de 725 à 880 t et les croiseurs sous-marins de 1 200 à 1 900 t (« U-139 » à « U-141 »), qui, en marchant à 7 nœuds en surface, peuvent franchir 10 000 milles.

1939-1945

En 1939, la France possède 76 sous-marins, la Grande-Bretagne 58, les États-Unis 87 et l’Allemagne 43. Durant la Seconde Guerre mondiale, la guerre sous-marine ressemblera beaucoup à celle de 1914-1918 et sera, de la même façon et pour les mêmes objectifs, conduite par l’amirauté allemande, qui, jusqu’en 1945, construira 1 098 sous-marins, dont 781 seront mis hors de combat. Au début du conflit, tandis que Britanniques et Français organisent des convois analogues à ceux de 1918, les sous-mariniers allemands reçoivent de leur chef, l’amiral Dönitz*, des consignes humanitaires très strictes pour ne pas indisposer les pays neutres. Après l’entrée en guerre des États-Unis (déc. 1941), Dönitz mènera la lutte avec acharnement, spécialement dans l’Atlantique en levant peu à peu toutes les interdictions imposées aux commandants d’« U-Boot ». Contre les convois, l’amirauté allemande met au point la tactique des meutes : dès qu’un « U-Boot » rencontre un convoi, il le suit sans l’attaquer, mais en alertant tous les sous-marins allemands du secteur. Tous réunis, ils attaquent en surface, de nuit, puis se dérobent en plongée.

Sur le plan technique, cette lutte sera marquée par plusieurs innovations. Du côté allié, la plus importante est la mise en service en 1940 de l’« ASDIC » (Allied Submarine Detection Investigation Committee), appareil britannique de détection par ultrason permettant aux bâtiments de surface de repérer des sous-marins en plongée. Concurremment avec les radars équipant les avions à long rayon d’action du Costal Command, l’« ASDIC », ancêtre du sonar, rendra la vie très difficile aux sous-marins allemands. D’autre part, à partir de 1943, ces derniers seront équipés du schnorchel, tube rétractable de 8 à 10 m de long, monté sur le kiosque et groupant un conduit d’aspiration d’air frais ainsi qu’un conduit d’échappement des moteurs Diesel. Cet équipement permettra aux « U-Boot » de vivre en plongée périscopique et, en laissant seule émerger la tête du schnorchel, de faire route sans être vu avec leur diesel. Naviguant sous l’eau, le sous-marin voit toutefois sa vitesse tomber de 15 à 6 nœuds, ce qui augmente la durée des relèves et diminue finalement l’efficacité de l’arme sous-marine.