Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

soufre (suite)

Le soufre liquide est formé de molécules S8 (cycle de huit atomes) ; il est encore appelé soufre λ ou cyclo-octosoufre à sa température de fusion. Mais, lorsque la température s’élève, des chaînes d’atomes se forment, et ces molécules assez longues et déformables (soufre μ ou caténapolysoufre) accroissent la viscosité du liquide. Ce dernier devient de plus en plus visqueux lorsque la température s’élève et passe vers 180 °C par un maximum de viscosité tel que le liquide ne s’écoule plus que très lentement. La vapeur de soufre est, elle aussi, formée de diverses molécules : on y a décelé des molécules à huit atomes, d’autres à quatre, certaines à deux atomes et même des molécules monoatomiques à très haute température (près de 65 p. 100 à 2 000 °C). Les proportions de ces différentes molécules varient avec la température, l’élévation de température favorisant la présence des molécules à petit nombre d’atomes.

On a rassemblé dans le tableau suivant un ensemble de propriétés physiques du soufre en les comparant à celles des corps simples homologues : oxygène, sélénium, tellure et polonium.

Le soufre donne naissance à de nombreuses réactions. Il se combine à beaucoup d’autres corps simples ; cela est possible tant avec des éléments plus électronégatifs, comme l’oxygène et les halogènes, qu’avec des corps simples plus électropositifs tels que de très nombreux métaux.

Le soufre brûle spontanément dans le fluor en formant l’hexafluorure gazeux SF6. Ce dernier corps est très inerte ; on connaît toutefois ses réactions avec l’hydrogène sulfuré, ce qui produit une libération de soufre :
SF6 + 3 H2S → 6 HF + S.

On connaît aussi les fluorures S2F2, S2F10 et SF4, préparés par voie indirecte.

En faisant barboter du chlore dans du soufre fondu, on obtient le chlorure S2Cl2, mais, en saturant ce chlorure par le chlore à la température ordinaire, on obtient le dichlorure SCl2, qui se décompose dès sa température normale d’ébullition. À – 22 °C, le chlore donne avec S2Cl2 le tétrachlorure SCl4, liquide rouge très peu stable.

On connaît les oxydes S2O, S2O2, SO2, SO3, SO4.

Le soufre fondu s’enflamme dans l’air vers 360 °C, et vers 280 °C dans l’oxygène, en formant essentiellement du dioxyde SO2 et un peu de trioxyde (qui crée de fines particules en suspension dans le gaz formé) : S + O2 → SO2. Ce dioxyde s’oxyde en trioxyde : SO2 + 1/2 O2 → SO3. Cette dernière réaction est pratiquée à grande échelle industriellement en présence d’un catalyseur (oxydes de vanadium ou parfois platine) vers 450 à 500 °C. Le soufre réagit au rouge (vers 900 °C) sur le carbone en formant du sulfure de carbone CS2 :
C + 2 S → CS2.

Avec de nombreux métaux, on a des réactions vives ; c’est le cas avec les métaux alcalins, alcalino-terreux, l’aluminium et le fer lorsque la réaction a été amorcée à haute température en un point du mélange. Le sodium comme le potassium brûlent dans la vapeur de soufre, et le soufre réagit avec l’aluminium pour former un sulfure qui est complètement hydrolyse par l’eau. Avec le fer, on peut réaliser l’expérience du volcan de Lémery (du nom de Nicolas Lémery, 1645-1715), où une température un peu inférieure à 100 °C suffit à amorcer la réaction, dont le développement porte à l’état de vapeur l’eau qui a été introduite dans le mélange intime de soufre et fer à une température peu inférieure à sa température d’ébullition.

De nombreux sulfures métalliques existent à l’état naturel et constituent souvent des minerais importants de certains métaux (Pb, Cu, Ni, etc.). L’argyrose Ag2S est un sulfure d’argent. La galène, ou sulfure de plomb PbS, est le plus important minerai de plomb ; on en extrait le plomb par grillage, puis par réduction de l’oxyde. La galène fut plus souvent utilisée que la stibine Sb2S3 pour constituer le pigment noir du fard pour les yeux des élégantes de l’Antiquité. La blende ZnS est le principal minerai de zinc. Le cinabre est le sulfure naturel rouge de mercure HgS ; on en extrait le mercure par grillage. On fabrique aussi un autre sulfure rouge de mercure également de formule HgS : le vermillon. La millérite est le sulfure naturel NiS, mais le plus important minerai sulfuré industriel de nickel est la pentlandite de l’Ontario (Ni, Fe)S, qui contient environ 22 p. 100 de nickel. Le mispickel est la pyrite arsenicale FeAsS isomorphe de la pyrite FeS2. Les sulfures naturels d’arsenic : le réalgar As2S2 et l’orpiment As2S3, étaient connus des Anciens. Le réalgar, l’orpiment et le cinabre étaient des pigments minéraux utilisés dès l’Antiquité.

La molybdénite MoS2 fut souvent confondue autrefois avec la plombagine, et on les appelait plombs de mer ; Scheele en a montré en 1778-79 les caractères distinctifs. On sait d’ailleurs aujourd’hui que ces deux substances de composition différente ont des structures lamellaires très analogues.

Un certain nombre de sulfures métalliques peuvent ne pas être stœchiométriques ; ainsi, le sulfure ferreux a toujours un excès de soufre correspondant à FeS1–x, et non à FeS.

Le soufre bouillant réagit avec l’hydrogène pour former réversiblement de l’hydrogène sulfuré :
2 H2 + S2 ⇄ 2 H2S.

Le soufre réagit aussi avec des corps composés et manifeste des propriétés réductrices. Il réduit l’acide sulfurique chaud, avec dégagement de dioxyde de soufre, et l’acide nitrique ; il est un des constituants de la poudre noire (S, C, KNO3).

Le soufre réagit sur les magnésiens :
R—MgX + S → R—SMgX
d’où un thiol peut être libéré par un acide dilué :
R—SMgX + HCl → MgXCl + RSH,
et à cette réaction se superposent des réactions de persulfuration ; on obtient aussi des polysulfures RS2H et des dithioéthers RS2R.