Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sondage (suite)

Introduction

L’échantillon est choisi suivant certaines règles de façon à être représentatif de la population, afin que les résultats obtenus sur l’échantillon puissent être valablement étendus à la population avec une marge d’erreur connue.

Le souci d’étendre à l’ensemble d’une population les résultats d’une enquête partielle remonte à la fin du xviie s., époque à laquelle Vauban* avait tenté de déterminer la superficie des terres cultivables en étendant à l’ensemble du pays les résultats obtenus sur de petites régions considérées comme représentatives des diverses provinces. Cependant, le xviiie et le xixe s., malgré les progrès importants du calcul des probabilités*, ne furent marqués par aucun développement particulier de la théorie et de la pratique des sondages. Ce n’est qu’au début du xxe s. que l’Institut international de statistique s’intéressa à l’emploi de la méthode représentative définie en 1925 par le Danois Adolph Jensen (1866-1948) comme l’ensemble de deux méthodes :
— la méthode de choix au hasard, les unités soumises à l’enquête étant choisies de façon que chaque unité de l’ensemble ait la même chance d’appartenir à l’échantillon ;
— la méthode de choix raisonné de certains groupes d’unités présentant globalement les mêmes moyennes et proportions que la population dont ils proviennent, relativement à certains caractères déjà statistiquement connus.

Depuis cette époque, les enquêtes* par sondages se sont développées dans de nombreux domaines : enquêtes d’opinion, enquêtes socio-économiques, contrôle statistique des fabrications, biométrie, statistique médicale, etc. Dès 1936, date de la création de l’Institut américain d’opinion publique (Institut Gallup), le développement des enquêtes d’opinion, et en particulier celui des enquêtes de prévisions électorales, fut particulièrement rapide et spectaculaire aux États-Unis. Parallèlement, les services statistiques des administrations fédérales des États-Unis mirent au point les techniques nécessaires pour une utilisation systématique des enquêtes par sondages.

En France, le Service national des statistiques (devenu depuis Institut national de la statistique et des études économiques, I. N. S. E. E.) créa en 1943 une division « sondages » chargée d’étudier les bases théoriques de la méthode des sondages et les modalités de son emploi dans diverses enquêtes socio-économiques. À la même époque fut créé l’Institut français d’opinion publique (I. F. O. P.) ; son champ d’action, comme celui de divers autres organismes (Société d’économie et de mathématique appliquée, organismes spécialisés dans les études de marché*), s’étend d’ailleurs à d’autres domaines de recherches d’informations pouvant servir de base à des décisions sur le plan national ou dans le cadre d’entreprises industrielles ou commerciales.

Le panel

Cette technique d’observation directe a été mise au point par le sociologue américain Paul Lazarsfeld* et illustrée par l’étude des élections présidentielles de 1940 dans le comté d’Erie, en Ohio (étude publiée en 1944 sous le titre de The People’s Choice [le Choix du peuple]). Elle consiste essentiellement à interroger un groupe de personnes ou un échantillon représentatif d’une population donnée par des entretiens ou questionnaires répétés à divers intervalles, dans le dessein de cerner l’évolution de leurs opinions et de leurs attitudes.

Les règles du panel sont simples : elles reposent sur la répétition des mêmes questions à des intervalles réguliers et sur le fait que les entretiens portent sur les mêmes personnes ou sur un groupe qui reste homogène pendant toute la durée de l’enquête. On interroge le groupe étudié à intervalles réguliers (par exemple une fois par mois) pour obtenir une série d’instantanés de ses opinions. La comparaison de ces « photographies » permet de préciser l’évolution. Les entretiens doivent étudier aussi bien les attitudes que les éléments (tels les moyens de communication de masse) susceptibles de les faire évoluer. Le rythme de la répétition et la durée des entretiens répétés varient avec la nature de l’étude et la composition des groupes interrogés.

Dans l’enquête de Lazarsfeld, les entretiens ont été répétés six fois à un mois et demi d’intervalle. Dans une autre étude portant sur le cheminement des idées amenant les étudiants à choisir une carrière future, les entretiens se sont étalés sur une période de deux ans. La limite principale de cette technique est la difficulté de maintenir longtemps un échantillon homogène. En effet, on l’applique dans deux cas différents : soit à un groupe donné, soit à un échantillon représentatif d’une population. Or, dans un cas comme dans l’autre, un certain nombre de transformations risquent de modifier la composition du groupe ou de l’échantillon et par conséquent de fausser l’expérience au bout d’un certain temps : il en est ainsi du départ temporaire ou définitif de certains membres du groupe, de leur lassitude à répondre aux mêmes questions, etc. C’est pourquoi Lazarsfeld précise bien que sa méthode ne permet d’étudier l’évolution des opinions et le changement social qu’à court terme.

Mais il est une autre difficulté à cette méthode, qui provient de l’effet déformateur de la répétition. Les questionnaires sont généralement conçus pour que la succession des questions n’entraîne pas d’effet de contamination d’une question par l’autre, la réponse à la première influençant la réponse à la seconde ; or, dans le cas du panel, les personnes interrogées connaissent dès la deuxième passation du questionnaire l’ensemble des questions ; ils peuvent ainsi avoir tendance à préparer leurs réponses, à réfléchir de plus en plus aux problèmes posés, et, à partir d’un certain degré de préparation des réponses, on ne sait plus si le panel enregistre vraiment l’évolution des opinions ou simplement l’évolution des opinions que lui-même provoque. Pour le vérifier, il faudrait mettre sur pied des séries de groupes témoins (ayant une composition identique à celle du panel), que l’on n’interrogerait chacun qu’une seule fois, aux différentes étapes du panel ; cela reviendrait en fait à changer de technique ou à en comparer deux, celle du panel en groupe constant et celle de sondages d’opinion répétés à échantillons identiques, mais différents, à chaque sondage. De toutes façons, l’étude des effets déformateurs est intéressante en elle-même. D’autre part, on peut distinguer l’étude des petits groupes de l’étude des populations. Le panel, dans le cas de l’étude des petits groupes, permet d’analyser en profondeur l’attitude d’une communauté si on utilise l’interview et non plus le questionnaire. Enfin, l’étude de l’effet déformateur de la répétition révèle de nombreux aspects importants de la consistance, de l’élaboration, de la nature et de l’évolution des opinions ; c’est d’ailleurs un biais classique de la science et de la connaissance que l’étude des conséquences de l’intervention du chercheur sur l’objet étudié.