Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sonate (suite)

Entre-temps, la distinction entre sonata da chiesa et sonata da camera, établie en 1637 depuis Tarquinio Merula (v. 1595-1665), se précise : les danses, nombreuses dans la forme da camera (da ballo dira Giovanni Maria Bononcini [1642-1678]), disparaissent généralement dans la forme da chiesa au profit de mouvements fugués et de titres abstraits aux polyphonies plus sévères.

A. Corelli*, résumant les essais de ses précurseurs, illustre clairement les deux aspects de la sonate en son célèbre opus 5 : on rencontre uniquement deux danses (gigues) dans la première partie, da chiesa, alors que les suites de la seconde partie, da camera, sont, après un prélude initial, entièrement chorégraphiques.

La sonate de clavier apparaît parallèlement à celle qui est destinée au violon. Confiée à l’orgue au xviie s. (en 1605 par Adriano Banchieri [1568-1634], en 1625 par Tarquinio Merula), Johann Kuhnau (1660-1722) l’introduit au clavecin en 1700, suivi par Bernardo Pasquini (1637-1710), Azzolino Bernardino Della Ciaja (1671-1755), Alessandro Scarlatti*, Baldassare Galuppi (1706-1785). Benedetto Marcello (1686-1739) écrit des sonates en un seul mouvement comme Domenico Scarlatti*. Ce dernier marque une étape dans l’évolution formelle en utilisant parfois un second thème caractérisé.

J.-M. Leclair* le fera aussi dans certains mouvements de ses sonates de violon. Introduite en France par F. Couperin* en 1692, la sonate trouve chez lui une perfection formelle alliée à la virtuosité. Elle est aussi illustrée par Jean Féry Rebel (1666-1747), Jean-Baptiste Senallié (1687-1730), Louis (v. 1692-1745) et François (1698-1787) Francœur... Soulignons l’importance de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville*, qui, dès 1734, écrit des Pièces de clavecin en sonates avec accompagnement de violon, formule inhabituelle alors, qui diffère des sonates pour clavecin concertant et un soliste (violon, flûte, violoncelle) que J.-S. Bach*, dès 1720, porte à un point de perfection en y adoptant l’écriture en trio de ses sonates pour orgue. Remarquons le nombre inusité de sonates pour un instrument sans basse (violon, flûte, viole de gambe), que nul n’a pu égaler, sinon, peut-être, Francesco Geminiani (1687-1762) au violon. Sur le plan formel, Bach n’est pas un novateur, mais souvent il reprend le thème initial pour conclure selon la forme dite « ternaire » qui se répand alors.

Favorisée par l’évolution de la facture, la sonate pour instruments à vent se multiplie en 1708 avec Johann Mattheson (1681-1764), puis G. P. Telemann*, J. J. Quantz*, Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755), Michel Blavet (1700-1768), Jacques Christophe Naudot († 1762). On écrit dès lors pour « violon, flûte ou hautbois » comme le fait Händel* dans ses deux recueils de sonates en trio et A. Vivaldi* dans les sonates du Pastor Fido (pouvant aussi s’adapter à la vielle et à la musette). Vivaldi consacre quatre autres livres de sonates au violon ; on conteste l’authenticité de ses sonates de violoncelle, instrument auquel le xviiie s. destine de nombreux recueils avec Boismortier (en 1729), Willem de Fesch (1687-1761), F. Geminiani, B. Marcello, L. Boccherini* ou Jean-Pierre (1741-1818) et Jean-Louis (1749-1819) Duport et Jean-Baptiste Bréval (1753-1823).

La sonate avec basse continue se prolonge au-delà de 1750 avec les Italiens Pietro Antonio Locatelli (1695-1764), Giovanni Battista Somis (1686-1763), Giuseppe Tartini (1692-1770), Gaetano Pugnani (1731-1798), Giovanni Battista Viotti (1755-1824) ; les Français Louis Gabriel Guillemain (1705-1771), Antoine d’Auvergne (1713-1797), Jean-Pierre Guignon (1702-1774), Pierre Gaviniès (1728-1800) ; les Allemands Johann Stamitz (1717-1757), Franz Benda (1709-1786) et les fils de J.-S. Bach : mais ces derniers, comme leurs contemporains, utilisent fréquemment un clavecin concertant à la place de l’ancienne basse continue.

L’expression sonate de clavecin ou pianoforte avec accompagnement de violon (ou flûte) est utilisée par presque tous les compositeurs, et Mozart* l’emploie pour ses seize premières sonates avec violon. Bientôt, l’accompagnement est ad libitum et ces sonates se confondent avec la sonate pour clavier seul, qui connaît un grand essor. À côté de Carl Philipp Emanuel, Wilhelm Friedemann et Johann Christian Bach*, Johann Schobert (v. 1740-1767), Johann Gottfried Eckard (1735-1809), Friedrich Wilhelm Rust (1739-1796), Domenico Cimarosa*, Pietro Domenico Paradies (1707-1791) et Leopold Mozart participent à son évolution et nous lèguent des œuvres de grand intérêt.

La forme se précise : l’allégro initial (dit « de forme sonate ») utilise deux thèmes exposés, développés et réexposés pour conclure. Le second mouvement, lent, peut être un récitatif, un lied (une romance en France) et parfois un air varié. On l’écrit au ton voisin ou au relatif. Il précède soit un menuet varié conclusif (formule en vigueur depuis 1720), soit un menuet doublé d’un trio. Dans ce cas, un allégro final en forme de rondeau peut lui succéder.

Cependant, ce schéma formel est rarement suivi : si C. P. E. Bach généralise l’usage du second thème, il écrit par ailleurs des sonates formées de mouvements de danses. Johann Christian Bach se contente souvent de deux allégros, comme Mozart d’ailleurs...

Haydn*, à travers ses sonates de violon, de baryton et surtout ses soixante-deux sonates pour clavier seul (dont plusieurs ont disparu), accorde une grande place à l’expression tonale ; mais c’est Beethoven* qui apparaît comme la charnière principale de toute l’évolution de la sonate. Il donne un souffle inusité au premier allégro par l’opposition des deux thèmes (rythmique et mélodique), âprement confrontés dans le divertissement et dont la réexposition n’est plus textuelle ; il utilise la variation ou le récit dramatique dans ses adagios, préfère au menuet le scherzo, plus vif, renouvelle le rondo final par des structures complexes. Il transforme le cadre ancien par la fugue, la variation amplificatrice et l’usage de rappels cycliques. Formes géniales, uniques, qui résument le passé et fécondent l’avenir.