Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sol (suite)

À côté de ces sulfo-oxydants essentiellement telluriques, il faut, cependant, citer des germes aquatiques, qui ont la même propriété, mais qui sont des phototrophes possédant des pigments verts ou pourpres (Thiorhodaceæ et Chlorobacteraceæ) oxydant SH2 avec formation de granules de soufre dans leur cytoplasme (Beggiatoa, Chromatium, Chlorobium, Rhodomicrobium).

Le soufre oxydé SO4 peut être réduit, en anaérobiose, jusqu’au terme SH2 par des Bactéries très spécialisées, les Desulfovibrio (espèce type : D. desulfuricans) ; ces Bactéries gram –, que l’on a longtemps crues sporulées (d’où le nom ancien de Sporovibrio), sont très ubiquitaires ; elles sont présentes dans tous les sols (en particulier les sols humides et lourds) ainsi que dans les eaux. Leur métabolisme est souvent couplé à celui des réducteurs du fer, avec formation des « vases noires », riches en sulfate de fer.

• Cycle du fer. Le cycle du fer présente de nombreuses analogies avec celui du soufre.

Ici encore, on trouve de nombreuses Bactéries, très peu spécifiques, minéralisant le fer organique lié aux tissus végétaux, animaux et à l’humus. De même, selon les conditions du milieu (et en particulier le potentiel d’oxydoréduction), le fer minéral apparaît sous forme oxydée ou réduite. Comme on l’a vu plus haut, s’il y a minéralisation réductrice concomitante du soufre, c’est du sulfure de fer noir qui s’accumule. Sinon, c’est un sel ferreux soluble, jaune verdâtre, ou un oxyde de fer insoluble rougeâtre (horizon de gley, ou marmorisation de certains sols plus ou moins hydromorphes et à un niveau variable de la nappe phréatique).

Les Bactéries oxydantes du fer réduit (et, assez souvent, du manganèse) sont les plus intéressantes. Ce sont classiquement des chimiotrophes tirant leur énergie de cette oxydation :

Les deux premiers groupes, Bactéries filamenteuses (Chlamydobactériales, genres Sphærotilus et Leptothrix) et Bactéries pédiculées (Caulobactériales, genre Gallionella), ne sont plus reconnus actuellement comme des chimiotrophes stricts. Il s’agit, d’ailleurs, plutôt de Bactéries des eaux ; elles accumulent le fer (et souvent le manganèse) oxydé dans leurs graines (filamenteuses) et sur leurs pédicules (Caulobactériales), qui les fixent sur un support solide.

Le troisième groupe est constitué de Bactéries de petite taille, très voisines des Thiobacilles et classées sous les étiquettes de Thiobacillus ferrooxidans et Ferrobacillus ferrooxidans. Les trois groupes ont de telles affinités que certains auteurs hésitent à leur donner une individualité propre. De toute façon, ce sont essentiellement des Bactéries du sol.

Les Bactéries réduisant le fer oxydé agissent en anaérobiose ; elles sont fort peu spécifiques et appartiennent à de nombreux groupes de la systématique.

En fait, le rôle écologique de toutes ces Bactéries du cycle du fer est difficile à établir, car, aux pH normaux, oxydation et réduction peuvent relever de phénomènes purement physico-chimiques.


Les humus


La litière végétale

Ainsi qu’il a été dit antérieurement, le sol — comme tout organisme vivant — est capable de faire la synthèse de substances de réserve, les substances humiques. Cette synthèse est extrêmement complexe et, pour la rendre compréhensible, il est nécessaire de rappeler quelques phénomènes qui ont lieu en dehors du sol, car, en réalité, c’est tout le cycle de la matière organique dans la biosphère qui se trouve impliqué. Les feuilles des arbres, qu’il s’agisse des feuilles caduques, tombant annuellement, ou des feuilles persistantes, qui restent sur l’arbre pendant plusieurs années, avant même de faire retour au sol, commencent à être attaquées par des micro-organismes, en particulier par des Champignons et quelques Bactéries. Lorsqu’elles tombent sur le sol, elles forment avec les débris de branchages ou d’écorces ce que l’on appelle la litière, l’horizon superficiel de tous les sols forestiers en particulier. Cette litière est encore une matière organique peu métabolisée, ayant gardé une structure. D’un point de vue chimique, elle contient des fractions très labiles, facilement métabolisables, comme les sucres solubles ou certaines hémicelluloses, et des fractions dont l’attaque est plus lente, comme la cellulose, qui nous a servi d’exemple dans le cycle du carbone. Enfin, on y trouve des fractions extrêmement résistantes à toute action chimique ou bactériologique : au premier rang de celles-ci se trouvent les lignines et, accessoirement, les tanins. Quoi qu’il en soit, cette litière va être peu à peu dégradée par des micro-organismes — Bactéries, Champignons et Actinomycètes — et surtout par la faunule du sol, qui va broyer cette substance organique qui a encore sa structure, et, lors du passage dans le tube digestif de ces micro-animaux, l’attaque bactérienne va se trouver beaucoup plus intense.


Formation de l’humus

C’est essentiellement la lignine qui joue un rôle dans la constitution et la synthèse de l’humus. Sans entrer dans le détail chimique de la structure de cette lignine, on peut la considérer essentiellement comme un noyau de polyphénol. Lors de sa dégradation lente par les Champignons, les noyaux vont se trouver partiellement dépolymérisés. Sur ces noyaux modifiés vont venir se fixer, le plus souvent par voie chimique, des substances azotées, et en particulier des polypeptides et des peptides de synthèse, qui se forment lors de la fixation de l’azote atmosphérique.

À côté de ces substances azotées, et toujours sur les mêmes noyaux phénoliques, viennent également s’insérer des groupements glucidiques de poids moléculaire relativement élevé, et en particulier les polyosides, que l’on a vu plus haut se former lors de la dégradation bactérienne aérobie de la cellulose, c’est l’énorme molécule constituée par la fixation de ces groupements azotés et glucidiques sur le noyau polyphénolique qui forme en réalité ce que l’on appelle l’humus. C’est là le mécanisme le plus classique et le mieux connu de la formation de l’humus. En réalité, il en existe d’autres, peut-être accessoires quantitativement, mais d’un grand intérêt théorique, processus de synthèse directe de substances que l’on a d’abord appelées para-humiques, mais dont on doit reconnaître maintenant qu’elles sont presque identiques aux humus provenant de la matière organique des sols. En effet, à partir de sucres simples et surtout de noyaux benzéniques, donc de cycles déjà fermés, de très nombreux micro-organismes sont capables de faire la synthèse de phénols et de polyphénols qui vont jouer le rôle des produits de dégradation de la lignine dans la synthèse de l’immense molécule humique.