Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sol (suite)

Le schéma qui vient d’être donné de celui-ci est plus didactique que pratique. En effet, dans la réalité, les différents chaînons sont couplés de façon assez étroite, et leur métabolisme est intriqué. C’est ainsi que l’on peut grouper sous le nom de nitrammonification les chaînons d’ammonification et de nitrification. L’équilibre de l’importance de ces deux processus est fonction à la fois du pH et du potentiel d’oxydoréduction du sol. En effet, les germes ammonifiants sont beaucoup plus tolérants que les germes nitrifiants aux variations de pH ou de potentiel d’oxydoréduction. C’est dire que, si le pH est acide, par exemple, la nitrification se trouvera bloquée, alors que l’ammonification, elle, persistera. De même, si le potentiel d’oxydoréduction est bas, c’est-à-dire si l’aération du sol est mauvaise, la nitrification sera faible, alors que l’ammonification gardera toute son intensité. Le niveau relatif du taux d’azote sous forme ammoniacale et sous forme nitrique dans le sol est donc fonction, au sein du phénomène de nitrammonification, du pH du sol et de son aération. Dans les bons sols de culture, l’oxydation de NH3 formée est si rapide que l’on n’en trouve pas de trace à l’analyse, alors que les nitrates sont abondants. Dans les sols de pelouses (très denses) et dans ceux de tourbières (denses et acides), c’est NH3 qui domine.

De même, l’équilibre des réactions de nitrification et de dénitrification dépend essentiellement du potentiel d’oxydoréduction. Dans les sols bien aérés — les sols de grandes culture en bon état —, la nitrification est intense, car il s’agit d’un phénomène essentiellement aérobie, et la dénitrification est minime. Au contraire, dans des sols de potentiel d’oxydoréduction bas, saturés d’eau — et en particulier dans certains sols, comme les sols de rizières —, la dénitrification est intense, et les nitrates disparaissent du sol au fur et à mesure de leur formation.


Cycle des éléments minéraux

À côté des cycles de l’azote et du carbone, qui viennent d’être décrits et qui sont de beaucoup les plus classiques, il en existe bien d’autres. On peut dire que tous les éléments minéraux du sol passent par un stade organique lorsqu’ils se trouvent incorporés dans les tissus végétaux ou animaux, ou encore dans des réserves humiques du sol, et par un stade minéral. On ne peut envisager ici tous les cycles biologiques de ces éléments minéraux ; les plus classiques sont ceux du phosphore, du soufre, du fer, mais on pourrait en décrire également pour le molybdène, le manganèse, le nickel, le cobalt, etc. On donnera le schéma essentiel auquel ils peuvent presque tous être ramenés et on en décrira deux plus en détail.

Comme il vient d’être dit, ces éléments se trouvent sous forme organique dans les tissus végétaux, animaux et l’humus. Des micro-organismes du sol sont capables de les minéraliser c’est-à-dire de les amener à la forme de sels. Si ce processus a lieu en aérobiose dans un sol bien aéré, on obtiendra l’élément sous sa forme minérale oxydée. Si, au contraire, la minéralisation se fait sous l’influence d’une microflore anaérobie, en sol lourd saturé d’eau, on obtiendra la forme minérale réduite. Presque toujours, au sein du sol, on trouve des micro-organismes capables, en fonction des conditions variables du milieu, selon les saisons ou selon des variations climatiques de plus courte durée, d’oxyder la phase réduite ou, au contraire, de réduire la phase oxydée. Selon l’élément minéral considéré, c’est tantôt la phase oxydée, tantôt la phase réduite qui est soluble. Or, il est bien évident que le végétal puisera dans le sol cet élément lorsqu’il est sous sa forme soluble. Par conséquent, c’est tantôt la phase réduite, tantôt la phase oxydée qui sera utilisée pour sa nutrition. On voit, par conséquent, que l’ensemble de tous ces cycles peut être ramené à un schéma triangulaire où pratiquement toutes les réactions sont réversibles. Comme corollaire, il apparaît également que ce sont les micro-organismes du sol qui sont, par leur métabolisme, entièrement responsables de la nutrition minérale des végétaux.

À titre d’exemple, les cycles du soufre et du fer, dont l’importance agronomique est particulièrement grande, vont être décrits avec plus de précision.

• Cycle du soufre. Les réactions y sont beaucoup plus complexes et intriquées que dans les cycles du carbone et de l’azote. Très schématiquement, trois grands types de réactions doivent être envisagés : la minéralisation du soufre organique, l’oxydation des composés minéraux réduits, la réduction des composés minéraux oxydés.

Le soufre organique, lié aux tissus végétaux et animaux ainsi qu’aux réserves humiques, est minéralisé par un très grand nombre de micro-organismes peu spécialisés (de même que cela a été pour l’ammonification) ; si cette minéralisation est réalisée en aérobiose (sols bien travaillés et aérés de grande culture), elle aboutit à la forme sulfate qui peut être directement assimilée par la plante ; en anaérobiose, au contraire (sols lourds, tourbières), le terme final est SH2, après une série de corps intermédiaires du type des mercaptans ; tous peuvent être plus ou moins toxiques pour les végétaux. Le soufre métalloïdique, les hyposulfites, les sulfites sont oxydés en sulfate dans le sol essentiellement par les Thiobacilles, micro-organismes cocco-bacillaires, longtemps considérés comme autotrophes stricts et dont on sait maintenant qu’ils ne le sont que de façon facultative. Les Thiobacilles sont extrêmement ubiquitaires : on les trouve dans tous les sols ; ils sont particulièrement nombreux dans les sols traités par le soufre (bouillie bordelaise par exemple), employé comme anticryptogamique. Les deux espèces les plus répandues sont Thiobacillus thiooxidans et T. thioparus. Les Thiobacilles tirent, en règle générale, leur énergie de l’oxydation du soufre élémentaire ou, plus souvent, d’un composé réduit de ce corps, SH2, S2O3, SO, selon les formules suivantes :

étant respectivement de – 137,6, – 253,6 et 186,7 Kcal/moles.

On voit que la formation d’acide sulfurique est constante, ce qui, surtout pour T. thiooxydans, abaisse le pH du milieu de culture jusqu’à pH = 1 et peut amener celui des sols à 3, avec de graves conséquences pour leur fertilité.