Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

société (suite)

Typologie des sociétés

Mais — Durkheim* le soulignait dans ses Règles de la méthode sociologique (1894) — le sociologue se satisfait mal d’une analyse des sociétés dans leur individualité, leur unicité. Il exige, commodité incontestable et effet heuristique, la construction de types et la classification. Ainsi parlera-t-il, selon le déterminant qu’il privilégiera, de « société industrielle », de « société de masse », de « société de consommation », etc.

Les typologies sont nombreuses et relèvent de critères extrêmement variés. On peut en donner deux exemples significatifs : la typologie de Marx* et celle de Gurvitch*.

On trouve chez Marx (et plus encore chez Engels*) une typologie qui ordonne les formations sociales à partir de la structure de leur instance économique (leur mode de production). On a ainsi, distribués sur un axe historique ascendant, les types suivants :
— la communauté primitive, fondée sur la possession commune du sol (ou son absence de possession), sur les liens de parenté et sur une économie d’occupation de la nature (pêche, chasse, cueillette) ;
— le mode de production asiatique, qui caractérise les sociétés constituées en empires, unies dans les grands travaux d’irrigation et qui sont ainsi la première forme du despotisme bureaucratique ;
— le mode de production antique, qui achève le passage de la communauté primitive aux sociétés fondées sur la propriété privée des moyens de production.

Suivent le mode de production germanique, le mode de production féodal, le mode de production capitaliste, le mode de production socialiste.

G. Gurvitch propose une classification qu’il veut plus exhaustive et intégrant une plus grande différenciation entre les sociétés. Ainsi, distinguant les sociétés archaïques (dont s’occupe l’ethnologue) et les sociétés historiques, il décrit les types constituant cette seconde catégorie : les théocraties charismatiques (prédominance de l’État-Église sur les autres groupements ; exemple : l’Égypte pharaonique), les sociétés patriarcales (prédominance du groupe domestico-familial ; exemple : la société française du pré-Moyen Âge), les sociétés féodales, les sociétés dirigistes, les sociétés fascites techno-bureaucratiques, les sociétés du collectivisme étatique centralisateur, les sociétés du collectivisme pluraliste décentralisateur, etc.


Caractéristiques d’une société

En dehors de cette entreprise, qu’on peut contester et qui consiste à bâtir des typologies, le sociologue peut, par analyse, cerner les caractéristiques essentielles de toute société. Quelles sont-elles ?


Une mentalité collective

Les hommes membres d’une société entretiennent entre eux des relations dont l’intensité est supérieure à celle de leurs relations avec l’extérieur. Ils reconnaissent leur commune identité et la fondent soit dans un mythe expliquant les origines de la tribu et des hommes qui la composent, soit dans d’autres systèmes symboliques qui légitiment les pratiques communes, ou bien — c’est là ce qui domine dans les sociétés modernes — dans une histoire commune, un passé partage et des symboles collectifs chargés d’affect (le drapeau, telle petite musique, etc.). Ils ont une langue commune.

Comme l’écrit R. K. Merton (Éléments de théorie et de méthode sociologique) : « C’est bien parce que le comportement des individus est modelé sur les valeurs fondamentales de la société que l’on peut parler d’une masse d’hommes comme d’une société. Sans un fonds de valeurs communes à un groupe d’individus, il peut y avoir des relations sociales, des échanges désordonnés entre les hommes, mais pas de société. »


Une unité sociale globale

Au niveau politique, la société exerce le pouvoir d’administration des groupes et des individus qui la composent. Elle est source du droit (ou du moins son seul porte-parole légitime) et, surtout, seule détentrice de la violence légitime (police et guerre). Au niveau économique, la société affirme son autonomie en organisant la production, la circulation et la consommation des biens. Au niveau culturel, elle est créatrice des modèles de comportements et organisatrice des systèmes d’éducation.

Tout indique que, lorsque la pensée philosophique définissait la société comme une unité de volonté, c’est-à-dire comme l’effort explicite pour intégrer dans un tout la diversité sociale et donc comme de nature fondamentalement politique, elle visait juste. La société se situe au niveau du « conscient » social. Elle est l’incarnation d’une image : celle qui transforme des déterminismes hétéroclites et divergents en des fonctions sociales constitutives d’un « organisme ».

Pour le sociologue, la notion de société, en dehors de son usage contingent pour une classification utile mais sans rigueur, est le simple index d’une catégorie de problèmes : comment interfèrent des champs phénoménaux soumis à des lois structurales et des temporalités différentes pour produire l’illusion (ou la réalité) d’une unité globale.

A. A.

société

Au plan juridique, l’article 1832 du Code civil définit la société comme « un contrat* par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun dans le but de partager le bénéfice qui pourra en résulter ». Cette définition est incomplète, car la société n’est pas seulement un contrat, mais aussi un être moral auquel le contrat donne naissance. Les biens apportés par chaque associé sont réunis pour former un patrimoine séparé de celui des associés ; ce patrimoine est affecté à l’exploitation convenue et devient la propriété de la société, personne morale.



Historique

Le concept de société est très ancien, car de tout temps les hommes se sont réunis afin de parvenir à réaliser des entreprises durables et importantes. Certains types de sociétés existaient déjà en droit babylonien, en droit grec et surtout en droit romain. En France apparaissent, au cours du Moyen Âge, la société en nom collectif et la commandite ; au xviie s., les compagnies royales au capital divisé en actions ; et, enfin, au xviiie s., les compagnies privées par actions.