Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

socialisme (suite)

Ainsi s’amorce un rapprochement que facilite dans une certaine mesure la disparition de Staline, survenue en 1953. Mais, en 1956, les socialistes s’élèvent contre l’intervention des troupes soviétiques en Hongrie. En 1958, devant l’écroulement de la IVe République et le retour au pouvoir du général de Gaulle, les socialistes se divisent et les communistes, eux, restent unanimement hostiles ; aux élections de novembre 1958, les socialistes ne perdent que 1 p. 100 des suffrages (les communistes, 5 p. 100).


Le programme commun de juin 1972

La coexistence pacifique a succédé à la guerre froide, et cette nouvelle conjoncture internationale ne peut pas ne pas réagir sur les rapports entre socialistes et communistes. Le parti communiste n’est plus le même qu’à l’époque de Staline. Mais le parti socialiste a changé, lui aussi, dans son contenu et dans ses équipes dirigeantes, par l’afflux après le congrès d’Épinay (juin 1971) de jeunes intellectuels et d’adhérents venus des milieux chrétiens et ruraux. En 1969, Guy Mollet est remplacé par Alain Savary (né en 1918), qui démissionne en 1971. La charge de premier secrétaire du parti est alors confiée à François Mitterrand, venu du groupe charnière de l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (U. D. S. R.), constitué en mai 1945 et qui a pris la tête d’une coalition désireuse d’un renouvellement axé sur la gauche.

C’est dans cette conjoncture que, le 26 juin 1972, socialistes et communistes, après de longues négociations, aboutissent à la signature d’un programme commun de gouvernement, auquel adhèrent les radicaux de gauche. Socialistes, communistes et radicaux de gauche présentent ensemble un programme de gouvernement aux élections de mars 1973, en un rassemblement qui n’est pas sans rappeler par certains côtés celui de 1936. Mais ils ne peuvent parvenir à renverser la majorité sortante. Le grand fait de la consultation électorale est la remontée électorale du parti socialiste, qui, par le nombre de voix recueilli au premier tour, talonne désormais le parti communiste. S’il en résulte aussi une montée du nombre des adhérents du parti socialiste, le parti communiste, qui déclare 400 000 adhérents, surclasse toujours en ce domaine le parti socialiste, auquel on en attribue 150 000.

Aux élections présidentielles de mai 1974, F. Mitterrand, soutenu par l’ensemble des forces de gauche, frôle de peu la victoire. Enfin, les élections municipales de mars 1977 sont marquées par des succès considérables pour les socialistes, comme, d’ailleurs, pour leurs alliés communistes : les uns et les autres emportent de nombreuses et importantes municipalités.

Au cours des dernières années, deux faits nouveaux se sont produits. Depuis 1920, les socialistes et les communistes s’étaient rassemblés en deux partis. Aucune tierce formation n’avait pu constituer une force véritable, ni l’union socialiste-communiste de L. O. Frossard, après son départ du parti communiste en 1923, ni le parti socialiste d’unité prolétarienne de Jean Garchery après 1929, ni le parti socialiste de France de Marcel Déat en 1933, ni le parti socialiste ouvrier et paysan de Marceau Pivert en 1938. Cependant, en 1960, sous la direction d’Édouard Depreux, qui a quitté la S. F. I. O., se constitue un parti socialiste unifié (P. S. U.) qui va représenter une tendance originale. On le croyait d’abord destiné à s’insérer entre parti communiste et parti socialiste. Son attitude lors des événements de mai 1968 amène à penser qu’il tend au contraire à se situer à gauche du parti communiste. Son programme affirme une sympathie marquée pour le socialisme autogestionnaire. En 1974, cependant, certains de ses membres (dont Michel Rocard et Robert Chapuis) ont rejoint le parti socialiste.

L’autre fait est, à partir de 1968, la présence active d’éléments gauchistes. Certains ne sont pas socialistes, tels les anarchistes. Mais d’autres continuent à se réclamer du socialisme, ainsi les différents mouvements trotskistes et les groupes maoïstes.

Cet émiettement, très sensible parmi les jeunes, n’empêche pas les perspectives unitaires auxquelles nombre de socialistes demeurent sentimentalement attachés.

Extrait du programme de gouvernement du parti socialiste (1972)

Le but des socialistes est que cesse l’exploitation de l’homme par l’homme. Pour eux, le socialisme est une libération. Ils savent qu’avant eux, dans le cours de l’histoire, il y eut d’autres justes causes. Mais ils considèrent qu’à notre époque il est vain de libérer l’homme si l’on ne brise pas d’abord les structures économiques qui ont fait du grand capital le maître absolu de notre société.

La Révolution de 1789 a fondé la démocratie politique en France. Le socialisme de 1973 jettera les bases de la démocratie économique.

La démocratie économique existera quand les richesses appartiendront à ceux qui les créent, quand les hommes partout où ils se trouvent seront maîtres des décisions qui les concernent, quand la satisfaction des besoins de tous primera le profit de quelques-uns.

[...] Un vaste secteur privé poursuivra librement ses activités et se développera. Un secteur mixte (qui existe déjà dans toute économie moderne, capitaliste ou socialiste) sera nettement défini. Quant aux grands moyens de production, ils feront l’objet d’appropriations collectives tandis qu’un plan démocratique exprimera l’ensemble des besoins sociaux et des choix économiques.

François Mitterrand

Il naît à Jarnac en 1916. Ses études (lettres, droit et sciences politiques) le destinent au journalisme et au barreau. Prisonnier de guerre, il s’évade à trois reprises et participe activement à la Résistance. Fondateur du « Mouvement national des prisonniers », il est, en août-septembre 1944, secrétaire général aux Prisonniers de guerre dans le gouvernement Charles de Gaulle. Député (1946-1958 et depuis 1962) ou sénateur (1959-1962) de la Nièvre, conseiller général de Montsauche (1949-1967), maire de Château-Chinon depuis 1959, F. Mitterrand devient président de l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (U. D. S. R.) en 1953. Plusieurs fois ministre sous la IVe République (1947-1957), il est, en 1958, l’un des hommes de la gauche non communiste à contester la légitimité du régime instauré par le général de Gaulle. Adversaire de ce régime, il pose sa candidature à la présidence de la République le 9 septembre 1965 et fonde le 10 septembre la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (F. G. D. S.). Soutenu par la F. G. D. S. et le parti communiste, il est le « candidat unique de la gauche », et met le général de Gaulle en ballottage, obtenant au premier tour de scrutin (5 déc.) 31,72 p. 100 des suffrages exprimés. Au second tour (19 déc.), il s’incline devant son prestigieux adversaire, mais obtient 44,80 p. 100 des suffrages exprimés.