Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

socialisme (suite)

Mais il convient de noter qu’au lendemain de la scission on a cru sans doute de part et d’autre que celle-ci serait éphémère ou provisoire. Léon Blum et ses amis ont pensé que le parti communiste ne durerait pas et que, les uns après les autres, ses militants reviendraient à la « vieille maison » qu’ils s’efforceraient de rebâtir sur les statuts de 1905, pieusement conservés. Les dirigeants du parti communiste, formé en Section française de l’Internationale communiste (S. F. I. C.), ont cru, eux, que les « dissidents » n’arriveraient pas adonner à leur parti une consistance durable et qu’ils se décomposeraient comme le parti républicain socialiste constitué après 1905 et le parti socialiste français constitué après 1919.

Les uns et les autres se sont trompés. Le parti socialiste n’est pas venu à bout des communistes. Les communistes ne sont pas venus à bout des socialistes.

Extraits des 21 conditions posées pour l’adhésion à la IIIe Internationale et acceptées par la majorité du congrès de Tours (1920)

La propagande et l’action quotidienne doivent avoir un caractère effectivement communiste et se conformer au programme et aux décisions de la IIIe Internationale.

[...] Dans presque tous les pays de l’Europe et de l’Amérique, la lutte de classe entre dans la période de guerre civile. Les communistes ne peuvent, dans ces conditions, se fier à la légalité bourgeoise. Il est de leur devoir de créer partout, parallèlement à l’organisation légale, un organisme clandestin capable de remplir, au moment décisif, son devoir envers la révolution...

Le devoir de propager les idées communistes implique la nécessité absolue de mener une propagande et une agitation systématique et persévérante parmi les troupes. Là où la propagande ouverte est difficile, par suite des lois d’exception, elle doit être menée illégalement.

[...] Tout parti désireux d’appartenir à l’Internationale communiste doit poursuivre une propagande persévérante et systématique au sein des syndicats, des coopératives et des autres organisations des masses ouvrières. Des noyaux communistes doivent être formés dont le travail opiniâtre et constant conquerra les syndicats au communisme...

Les partis appartenant à l’Internationale communiste doivent être édifiés sur le principe de la centralisation démocratique. À l’époque actuelle de guerre civile acharnée, le parti communiste ne pourra remplir son rôle que s’il est organisé de la façon la plus centralisée, si une discipline de fer, confinant à la discipline militaire, y est introduite, et si son organisme central est muni de larges pouvoirs, exerce une autorité incontestée, bénéficie de la confiance unanime des militants.


Première période d’affrontement entre socialistes et communistes (1920-1934)

Lorsque le parti socialiste se désunit à Tours, il compte environ 130 000 adhérents ; 100 000 demeurent au parti, qui adhère à l’Internationale communiste, avec Marcel Cachin, L. O. Frossard, Paul Vaillant-Couturier (1892-1937). Les deux minorités exclues — l’une derrière Léon Blum, Alexandre Bracke (1861-1955) et Pierre Renaudel, l’autre derrière Paul Faure, Jean Longuet et Adrien Pressemane (1879-1929) — se réunissent pour essayer de reconstituer un parti socialiste ; ces leaders ne disposent au début que de 30 000 adhérents ; mais la majorité du groupe socialiste à la Chambre des députés et les grandes municipalités conservées ou acquises lors des précédentes élections municipales sont demeurées avec eux. En revanche, l’audience de l’Humanité, restée entre les mains des leaders du parti communiste, est, au départ, plus large que celle du Populaire de Paris, dirigé par Léon Blum.

Au bout de quelques années, le rapport des forces se trouve inversé. Affecté par diverses scissions, le parti communiste tombe à 30 000 adhérents ; le parti socialiste monte à 100 000.

Aux élections de mai 1924, le parti communiste rassemble 876 000 voix ; on peut évaluer les voix du parti socialiste à 1 500 000 environ. En avril 1928, le nombre des suffrages communistes est de 1 069 000 ; celui des voix socialistes de 1 700 000. L’écart se creuse en 1932 ; les socialistes montent à 1 932 000 voix, alors que les communistes retombent à 763 000. Déclin d’autant plus notable que la crise économique a commencé d’affecter la France. Il semble que le parti communiste ait subi le contrecoup de la tactique électorale, dite « classe contre classe », qui l’amène à maintenir au second tour son candidat contre un candidat socialiste mieux placé pour battre le candidat de droite.


Le rapprochement des socialistes et des communistes dans le Front populaire

En novembre 1933, le parti socialiste est affaibli par le départ d’un certain nombre de socialistes, partisans d’une éventuelle participation ministérielle, qui fondent le parti socialiste de France. Si, parmi les leaders de ce dernier parti, certains peuvent à bon droit se réclamer de Jaurès, comme Pierre Renaudel et Paul Ramadier (1888-1961), d’autres, comme Marcel Déat (1894-1955), sont tentés par un « néo-socialisme » influencé par le climat européen de l’époque et cherchent à mettre sur pied un socialisme autoritaire où les classes moyennes auraient sans doute une place plus importante que la classe ouvrière traditionnelle.

L’avènement de Hitler en janvier 1933 et les événements de février 1934 en France amènent le parti communiste à reconsidérer sa tactique dans la stratégie internationale du communisme. Jusque-là, il parlait volontiers du social-fascisme que constituait à ses yeux la social-démocratie, et le front unique qu’il offrait ne s’adressait qu’aux adhérents de base. À partir du 27 juillet 1934, le pacte d’unité d’action conclu entre S. F. I. O. et S. F. I. C. unit, dans une commune volonté de lutte contre le fascisme, les chefs des deux formations naguère si violemment dressées l’une contre l’autre. En octobre 1934, l’union s’étend aux radicaux et aux socialistes indépendants (Union socialiste républicaine), dans le Front* populaire. Une centaine d’organisations de gauche participent aux manifestations du 14 juillet 1935. Un programme commun est établi ; sur la base de ce programme, les gauches unies emportent la majorité au soir du 3 mai 1936.

Socialistes et communistes vont-ils associer leur action au gouvernement ? Non. Le parti communiste décline l’offre de participation que lui adresse Léon Blum, leader du parti socialiste S. F. I. O., chargé de former le gouvernement. Il se bornera à pratiquer le soutien.