Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Smith (Adam) (suite)

L’ensemble de l’évolution économique dépend du travail*, alors que les physiocrates attribuaient ce rôle à la terre. Comme cette dernière échappe en grande partie au pouvoir de l’homme, Adam Smith la considère comme un élément limité. Au contraire, le travail est une puissance presque illimitée : à partir de ce moment, on a fondé le progrès de l’humanité sur une puissance pratiquement sans bornes. Smith fait donc l’apologie du travail : « Le travail annuel d’une nation est le fonds primitif qui fournit à sa consommation annuelle toutes les choses nécessaires et commodes à la vie ; et ces choses sont toujours, ou le produit immédiat de ce travail, ou achetées des autres nations avec ce produit. » Mais, s’il fait du travail le véritable élément déterminant de la croissance, Smith essaie d’en préciser le rôle par l’adjonction d’autres facteurs (division du travail, marché, liberté économique).

À partir d’observations concrètes (le travail dans une manufacture d’épingles), il montre l’influence de la division du travail sur la croissance par plusieurs voies. Grâce à la division du travail, l’habileté et la dextérité des ouvriers augmentent, et l’on obtient dans les entreprises une économie de temps ; de plus, la division du travail provoque l’emploi de machines.

En outre, le marché résulte de la division du travail. En effet, celle-ci a pour origine un penchant, une propension : le penchant des hommes à trafiquer, à faire des échanges. Les échanges se matérialisent sur un marché. Celui-ci est facteur de croissance : « La certitude de pouvoir troquer tout le produit de son travail qui excède sa propre consommation, contre un pareil surplus du produit du travail des autres qui peut lui être nécessaire, encourage chaque homme à s’adonner à une occupation particulière et à cultiver et perfectionner tout ce qu’il peut avoir de talent et d’intelligence pour cette espèce de travail. » Ainsi, la division du travail sera d’autant plus grande que le marché sera plus étendu. Si le marché est étroit, il n’y a pas de place pour les échanges et par conséquent pour la division du travail. Par contre, au fur et à mesure que le marché s’étend, il y a place pour les échanges et donc pour la division du travail.


L’éloge de la liberté

C’est à la suite d’une critique du mercantilisme ou du système corporatif que Smith découvre que la liberté favorise la croissance. Grâce à la liberté, les individus peuvent poursuivre leur propre intérêt ou « tendance de chaque homme à améliorer sans cesse son sort ». Lorsque l’individu conforme sa conduite économique à la libre recherche de l’amélioration du sort individuel, il s’établit des institutions et des comportements qui réalisent spontanément un ordre conforme à la nature (conception de la main invisible).

Ainsi, en poursuivant son propre intérêt, il sert souvent d’une manière bien plus efficace l’intérêt de la société que s’il avait réellement pour but de le servir. Pour que le plus grand intérêt de la société soit réalisé, il convient de s’abstenir de toute réglementation, de toute mesure préférentielle en faveur d’une activité ou d’une catégorie quelconque d’individus. Dans ce système où l’homme suit son intérêt, le souverain (c’est-à-dire l’État) n’a que trois devoirs à remplir : il défend la société contre les actes malveillants d’autres sociétés indépendantes ; il protège chaque membre de la société contre l’injustice ou l’oppression de tout autre membre ; il érige certains ouvrages publics en institutions dans le cas où ces ouvrages ne peuvent pas procurer de profit à un particulier. Ainsi, Smith évolue vers une conception beaucoup plus abstentionniste de l’État qui annonce l’« État-gendarme » des libéraux absolus.

G. R.

➙ Économique (science).

 G. H. Bousquet, Adam Smith (Dalloz, 1950). / R. Goetz-Girey, Croissance et progrès à l’origine des sociétés industrielles (Montchrestien, 1966).

Smith (David)

Sculpteur américain (Decatur, Indiana, 1906 - Bolton Landing, État de New York, 1965).


Rien ne pouvait faire prévoir que ce descendant d’une famille de pionniers, né dans un milieu totalement à l’écart des courants artistiques, deviendrait, avec Calder*, l’un des premiers sculpteurs des États-Unis à jouir d’une renommée internationale. En 1921, sa famille s’installe dans l’Ohio et il fréquente pendant une année l’université avant de revenir dans l’Indiana, où il est riveur dans une usine Studebaker. Sa formation artistique commence à Washington et se poursuit dans des conditions difficiles à New York, où il s’installe en 1926. Il suit les cours du soir de l’Art Students League en faisant tous les métiers : marin, charpentier, chauffeur de taxi, etc. Il étudie la peinture avec John Sloan (1871-1951) et surtout Jan Matulka, qui lui fait connaître l’art européen d’avant-garde, en particulier Kandinsky, Mondrian et Picasso. En 1930, il est un peintre aux confins du surréalisme, du cubisme et de l’abstraction et fréquente Jean Xceron (1890-1967), John Graham (1881-1961) et Stuart Davis (1894-1964).

C’est alors qu’il commence à introduire des morceaux de bois dans ses surfaces peintes, puis réalise des assemblages où entrent du bois peint, du corail, du plomb fondu. L’hétéroclite des éléments risquait de l’amener à des effets faciles, mais, en 1933, il adopte ce qui deviendra son matériau de prédilection : le métal soudé, fer puis acier. « Il n’y avait pas tellement longtemps que je peignais lorsque je tombai, dans les Cahiers d’art, sur des reproductions d’œuvres de Picasso* et de González* qui me firent prendre conscience que l’artiste pouvait utiliser le fer » (David Smith, « Julio González, First Master of the Torch », article paru dans Arts, février 1956). En 1936, Head as a Still Life combine la fonte, l’acier et le bronze et présente toutes les caractéristiques formelles que l’artiste développera dans ses œuvres ultérieures. De 1937 à 1940 se place une incursion dans le domaine de la médaille : les quinze « Médailles du déshonneur » reflètent son goût pour les antiquités du Moyen-Orient ainsi que ses préoccupations concernant certains aspects de la société américaine. Mais c’est après 1945, pendant les vingt années qui précèdent sa mort, que David Smith produit ses œuvres les plus significatives, certaines atteignant une dimension monumentale.