Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Slovaquie (suite)

Le conflit avec Novotný s’aggrave brusquement lors de l’été 1967. Au cours d’une visite à la Slovenska Matice, à Turčiansky Svätý Martin, Novotný offense ses hôtes par son mépris envers la culture slovaque. Il écarte catégoriquement toute idée de fédération. Aussi, à la fin de 1967, une coalition des Slovaques (Bilák, Dubček) avec des libéraux tchèques met Novotný en minorité au Comité central. À la surprise générale, c’est un Slovaque, Alexander Dubček, qui devient le 5 janvier 1968 premier secrétaire du parti communiste tchécoslovaque.


Le « printemps de Prague »

Dubček fait élire comme successeur à la tête du parti slovaque son ami Vasil Bilák (né en 1917), un Slovaque d’origine ukrainienne. L’atmosphère à Bratislava est différente de celle de Prague : les revendications nationales passent avant la libéralisation, et il y a peu de changements dans les organisations du parti et des syndicats. En avril 1968, Gustáv Husák fait sa rentrée politique comme vice-président du gouvernement tchécoslovaque.

Satisfactions sont données aux revendications slovaques. Le 28 février 1968, une loi reconnaît officiellement Bratislava comme la capitale de la Slovaquie. En mai, le Parlement décide que la fédéralisation de l’Étal sera réalisée avant le 28 octobre 1968, date anniversaire du cinquantenaire de la fondation de l’État tchécoslovaque.

Lors de l’invasion russe d’août 1968, les Slovaques sont comme les Tchèques unanimes dans la résistance.


La normalisation

Dès la conclusion des accords de Moscou, le 26 août 1968, Gustáv Husák apparaît comme l’homme d’État du nouveau régime. Le 28 octobre 1968, l’Assemblée nationale tchécoslovaque approuve la fédéralisation. Désormais, il y aura deux gouvernements, deux Parlements pour les pays tchèques et pour la Slovaquie ; au-dessus d’eux, un gouvernement et un Parlement fédéral. La fédéralisation, préparée par le « printemps de Prague », réalise une égalité apparente entre les peuples tchèque et slovaque.

En avril 1969, Husák remplace Dubček comme premier secrétaire du parti communiste tchécoslovaque. Mais, même dans une atmosphère de dure normalisation, l’épuration est plus mesurée à Bratislava qu’à Prague. Les hommes mis en place dans les années 60 gardent en général leurs fonctions.

B. M.


L’industrialisation

Pendant longtemps, la part de la Slovaquie dans l’ensemble de l’économie tchécoslovaque a été élevée dans les domaines des minerais (80 p. 100 du total), du textile (35 p. 100), du bois (30 p. 100), mais elle restait très faible dans la population industrielle globale (8 p. 100 seulement en 1937 ; 16 p. 100 en 1956).

Ces conditions ont changé. Depuis 1945 et surtout depuis 1968, la création d’emplois, la fondation d’usines, le traitement des minerais sur place, la « déruralisation » de la population des campagnes constituent les leitmotive des transformations économiques du pays. C’est ainsi qu’en 1970 la Slovaquie concentrait plus de 40 p. 100 des investissements industriels de la Tchécoslovaquie et de la valeur de la production chimique d’ensemble : son indice de développement économique est passé de 100 en 1967 à 144,6 en 1971. Le plan 1971-1975 tend encore à accélérer ce démarrage assez rapide, puisque l’ensemble du territoire se trouve traversé par l’oléoduc Amitié et le gazoduc Fraternité, le long desquels s’implantent des usines nombreuses (utilisant le gaz naturel) de caoutchouc synthétique, d’engrais, de matières plastiques et de résines synthétiques.

Des développements plus classiques ont suivi d’autres voies depuis 1945. Ils présentent des aspects variés. Souvent, il y a eu dédoublement d’usines existant en territoire tchèque et morave, ainsi pour le textile, le bois, la papeterie et la cellulose, l’exemple le plus probant étant la fondation à Partizánske d’un doublet de l’entreprise Bat’a de Gottwaldov, fabriquant surtout des articles de caoutchouc.

Une industrie énergétique locale a été développée, d’abord grâce à l’utilisation sur place du lignite à médiocre teneur de Nováky et de Handlová (utilisé par la carbochimie et les centrales donnant environ 2 TWh), mais surtout par la construction de petites centrales au fil de l’eau sur les rivières carpatiques et d’un escalier d’une vingtaine de centrales de puissance moyenne sur la rivière Váh, fournissant à lui seul plusieurs térawatts-heures.

La création de combinats de types nouveaux a été due précisément à la proximité de l’énergie électrique, comme à Žiar nad Hronom, le plus important de ces combinats, qui transforme en alumine les bauxites de Hongrie (du Bakony), matière première dont manque la Tchécoslovaquie.

De nombreux combinats et usines d’importance moyenne ont été créés : textiles, bois, cimenteries, mécanique lourde et légère, à partir d’anciennes petites industries artisanales et manufacturières (cimenterie de Nitra).

Un développement a été imprimé au tourisme dans les Hautes et les Basses Tatry, qui a créé sur place de nombreux emplois.

La première centrale nucléaire tchécoslovaque a été construite au nord-est de Bratislava ; le « combinat sidérurgique » de Slovaquie orientale, autour de Košice, utilise des minerais de fer voisins, mais surtout soviétiques (Krivoï-Rog), et du coke du même pays.

Bratislava*, qui s’est beaucoup accrue, fait figure de capitale.

Ce décollage industriel provoque deux séries de phénomènes sociaux qui comptent parmi les plus caractéristiques de l’Europe orientale.

Les mutations industrielles sur place, au village, accompagnées de vastes migrations pendulaires, affectent les jeunes, une partie de la population féminine, d’autant plus que, dans la République tchécoslovaque, la Slovaquie a le plus faible pourcentage de terres collectivisées et que les coopératives agricoles ne retiennent qu’une faible partie de la population.

Des migrations définitives ont profité aux villes les plus industrialisées, les unes rénovées, les autres agrandies par des villes nouvelles de moyenne importance (à part Košice) : les unes au milieu de bassins (Poprad), d’autres en bordure de la plaine pannonienne (Nitra), certaines très rapprochées et formant une véritable rue de villes neuves et d’usines, comme dans la vallée du Váh (fibres synthétiques, armes légères, tissus, appareillage électrique, etc.).