Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Slovaquie (suite)

Mais la situation se détériore après 1941. L’État slovaque a été contraint d’entrer en guerre contre l’U. R. S. S., ce qui provoque de nombreuses désertions sur le front et le mécontentement des cadres dirigeants de l’armée. En même temps, la pression allemande fait disparaître les dernières illusions d’indépendance. En 1942, l’Allemagne contrôle 51 p. 100 des entreprises slovaques.

Le gouvernement tchécoslovaque de Londres pourrait utiliser ce mécontentement. Mais il reste fidèle au tchécoslovaquisme et se donne pour programme la restauration de l’État dans la situation et les frontières d’avant 1938.

À la fin de 1943, un Conseil national slovaque est créé par différents groupes : protestants du parti démocrate, socialistes et communistes. Certains de ces communistes sont des délégués de la direction du parti à Moscou, comme Karol Šmidke ; d’autres sont des communistes locaux, comme l’avocat Gustáv Husák ou le poète Laco Novomeský. Le Conseil a confié la direction militaire au colonel Jan Golian.

En août 1944, lorsque les Russes approchent des Carpates, l’insurrection slovaque éclate. Aux forces de la résistance intérieure se joint la plus grande partie de l’armée régulière, avec le général F. Čatloš. Beneš envoie de Londres le général R. Viest pour prendre la tête de l’insurrection. Mais, dès le 29 août, les Allemands pénètrent en Slovaquie et, en deux mois, ils réoccupent le pays, s’emparant le 27 octobre de Banská Bystrica, capitale de l’insurrection. La répression est brutale. Seules subsistent des unités isolées de partisans, qui aident, au printemps de 1945, les troupes soviétiques à libérer la Slovaquie.


La République tchécoslovaque de 1945 à 1948

Par le programme du gouvernement publié à Košice, en Slovaquie orientale, le 5 avril 1945, Beneš abandonne le tchécoslovaquisme. Le Conseil national slovaque aura le pouvoir législatif pour la Slovaquie ; l’exécutif sera exercé par les commissaires slovaques. À l’origine, le parti communiste souhaite utiliser à son profit l’autonomie slovaque, mais les élections de 1946 sont pour lui une déception ; il n’obtient que 30 p. 100 des voix, alors que le parti démocrate (Jan Ursiny, Josef Lettrich) rassemble 62 p. 100 des suffrages. Dès lors, le parti communiste se montre méfiant envers l’autonomie slovaque.

En novembre 1947, il profite des désaccords entre l’aile catholique et l’aile luthérienne du parti démocrate pour réaliser un coup d’État. Par des manifestations ouvrières et paysannes, il impose le remaniement du Conseil des commissaires slovaques. Le parti démocrate perd la majorité par l’entrée de spécialistes et de membres de petits partis. Mais les communistes ne contrôlent pas avant février 1948 la situation en Slovaquie.


La période stalinienne

Le triomphe du parti communiste tchécoslovaque en 1948 entraîne un déclin rapide des institutions slovaques. Klement Gottwald* introduit dans le pays un modèle stalinien centralisé. La Constitution de mai 1948 enlève aux organismes slovaques tout pouvoir réel, ne leur laissant plus qu’un vague droit de contrôle sur les affaires scolaires et l’organisation de la santé. Les commissaires slovaques sont désormais nommés et remplacés par le gouvernement de Prague. Le 26 juillet 1948, le parti communiste slovaque perd toute autonomie.

Gottwald est très méfiant envers les Slovaques. Il accorde une pleine confiance à Viliam Široký (1902-1971), qui, dès septembre 1948, critique le « nationalisme bourgeois » slovaque. Il est hostile aux communistes slovaques qui ont émigré à Londres pendant la guerre, comme démentis, ou aux hommes de la résistance intérieure, comme Gustáv Husák (né en 1913). Dès mars 1950, des attaques sont lancées contre Clementis, qui est ministre des Affaires étrangères ; en avril 1950, la liste des « nationalistes bourgeois slovaques » est prête. Le IXe Congrès du parti communiste slovaque les exclut de leurs fonctions en mai 1950. Clementis est condamné à mort avec Slánský et tous deux sont exécutés en 1952. En avril 1954, c’est la condamnation des « nationalistes bourgeois » : Husák est condamné à la prison à vie, Novomeský à seize années. Tout le passé de la Slovaquie est condamné avec eux. Le mouvement communiste Dav de l’entre-deux-guerres, l’insurrection slovaque de 1944 ne peuvent être que trahisons puisque leurs chefs étaient des traîtres.


La lutte des Slovaques contre Novotný

En 1960, la Constitution nouvelle qu’a fait adopter Antonín Novotný* aggrave encore l’impuissance des organes slovaques, qui n’existent plus que sur le papier. Après 1963, les Slovaques entreprennent la lutte contre Novotný. Clementis et les autres condamnés étaient profondément populaires, et les Slovaques voient dans leur condamnation une forme d’oppression nationale. Dès le début de 1963, écrivains et historiens critiquent la déformation du passé. À Prague, une commission spécialement constituée par le parti, la Commission des Barnabites, réclame la réhabilitation des « nationalistes bourgeois ». En avril 1963, Novotný doit accepter le remplacement du premier secrétaire du parti slovaque, Karol Bacílek, par Alexander Dubček*. Toutefois, en juin 1963, dans un discours prononcé à Košice, Novotný réaffirme la justesse des condamnations prononcées pour le nationalisme bourgeois. Mais, le 21 septembre 1963, il doit se séparer de son Premier ministre, Široký, détesté par les Slovaques, et le remplacer par Jozef Lenárt (né en 1923), qui est le président du Conseil national slovaque. En août 1964, le vingtième anniversaire de l’insurrection slovaque est marqué par des cérémonies officielles et par le rétablissement de la vérité historique.

Le mécontentement des Slovaques n’est pas seulement politique ; le déséquilibre économique subsiste. L’économie slovaque a fait des progrès — en 1965, elle présente 20,7 p. 100 du total de l’économie tchécoslovaque (contre 13 p. 100 en 1948) —, mais les revenus slovaques de 1968 sont l’équivalent du revenu tchécoslovaque en 1958. Des critiques s’élèvent contre la gestion trop centralisée de l’économie.