Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Slovaquie

En tchèque Slovensko, partie orientale de la Tchécoslovaquie.


La Slovaquie regroupe environ 31 p. 100 de la population de la République tchécoslovaque sur 38 p. 100 du territoire national.

La langue slovaque, qui se différencie de la langue tchèque, possède sa littérature, son folklore, son théâtre et sa presse. Sur le plan religieux, les Slovaques sont, pour un grand nombre, catholiques, à l’inverse des Tchèques et des Moraves.


L’histoire

Les Slovaques sont parfois classés par les historiens comme un « peuple sans histoire », car, ayant 1939, ils n’ont jamais formé un État indépendant.


Avant l’État de Grande-Moravie

Jusqu’au xe s., l’histoire de la Slovaquie est très proche de celle de la Bohême et de la Moravie. Sur les bords des fleuves Hron et Váh, on trouve des traces d’une occupation par les Celtes datant des ive et iiie s. av. J.-C. Cette civilisation est détruite par des Germains, les Quades et les Marcomans vers 9 et 8 av. J.-C. Voisine du limes danubien, l’actuelle Slovaquie est une zone de contacts avec le monde romain. Des postes avancés sont construits sur la rive gauche du Danube, à Iža, près de Komárno, et à Devín, près de Bratislava. Les contacts se maintiennent pendant les deux premiers siècles, et, en 179, Marc Aurèle mène une expédition dans les confins danubiens. L’influence romaine connaît ensuite un déclin, malgré une tentative de reconquête sous Valentinien Ier (364-375). Lors des grandes invasions, de nombreux peuples, comme les Lombards au vie s., traversent le pays sans s’y fixer. L’arrivée des Slaves*, de la fin du ive au ixe s., va marquer durablement le peuplement. Rien ne distingue alors les Tchèques des Slovaques, et la céramique de type pragois couvre aussi bien la Bohême que l’actuelle Slovaquie.


La Grande-Moravie*

La création de ce grand Empire slave au ixe s. apporte aux populations une civilisation avancée. Des villes apparaissent, comme Nitra, premier centre du christianisme après l’arrivée de Cyrille* et de Méthode. Urbanisée, christianisée, la population slave connaît une période de prospérité.


L’installation de la domination hongroise

Au début du xe s., un peuple de cavaliers finno-ougriens, les Hongrois, détruit la Grande-Moravie et s’empare de la dépression danubienne. Certes, la conquête sera lente : les Carpates ne sont vraiment conquises qu’aux xiie et xiiie s. Mais le xe s. est une date fondamentale : désormais, tout en conservant une langue commune, Tchèques et Slovaques vont suivre une évolution distincte.

La Hongrie intègre la nouvelle région en une marche confinium, puis, pour lutter contre les invasions des Přemyslides tchèques et des Piast polonais, elle la constitue en une unité, que les sources du xie s. appellent tertia pars regni. Mais les villes anciennes déclinent, comme Nitra. La propriété du sol passe au roi de Hongrie (85 p. 100 du sol) ou à l’archevêque d’Esztergom, primat de Hongrie. Il se constitue une nouvelle noblesse. Les petits nobles sont souvent des Slaves, mais ils se trouvent soumis à une magyarisation croissante.


La Slovaquie médiévale

En 1241-42, les Mongols ravagent la Hongrie. Seuls résistent les châteaux forts, à Nitra, à Bratislava et à Komárno. Aux xie et xiie s. se développent des villes nouvelles, parfois avec des privilèges royaux, comme Trnava et Zvolen. Dès le xiie s., les mines de cuivre et d’argent de la Haute-Hongrie sont mises en exploitation par des ouvriers venus d’Allemagne. Les grandes villes minières de Banská Štiavnica et de Banská Bystrica sont les centres de cette intense activité économique.

Après la dynastie des Arpád, la dynastie d’Anjou s’empare du trône de Hongrie. Mais elle éprouve de grandes difficultés à dominer la Haute-Hongrie, que contrôlent de grandes familles de magnats : Matúš Čák de Trenčin à l’ouest, les Omodej à l’est. Matúš reste indépendant jusqu’à sa mort en 1321. En conflit avec l’évêque de Nitra, il pille et brûle la ville en 1311 et en 1317.

Le xive s. voit un grand essor de l’artisanat et des mines, encore renforcé par un nouvel afflux de colons allemands, qui, grâce à un riche patriciat, dominent la vie municipale à Bratislava et dans les régions minières. Le commerce de transit est prospère. La Hongrie du Nord exporte le cuivre vers Nuremberg, vers la Flandre et importe des étoffes. Par Trnava et par Bratislava, elle commerce avec la Bohême ; par Košice, à l’est, elle est en relation avec la Pologne et la Moscovie.

Le xive s. est une grande période d’essor pour l’architecture gothique civile et religieuse. Depuis l’attaque des Mongols, le roi et les seigneurs élèvent de puissants châteaux de pierre. Les influences italiennes se font surtout sentir sur la peinture.

À la fin du xive s. et au cours du xve, la Hongrie et la Bohême ont les mêmes souverains ; Sigismond de Luxembourg, fils de Charles IV, devient roi de Hongrie en 1387. En 1440, c’est Vladislas Ier Jagellon* II qui est roi de Hongrie ; il conserve le trône jusqu’en 1444. L’influence de l’art de la Bohême marque alors l’art de la Hongrie.

La grande vague religieuse du hussitisme n’atteint que faiblement les Slovaques. La noblesse se veut hongroise, étrangère aux réformes religieuses de la Bohême ; elle fournit même des troupes aux croisades, qui tentent en vain d’écraser les révoltés. Les hussites lancent en 1428 et en 1431 des expéditions sur Bratislava et sur Nitra, et pillent les domaines des seigneurs croisés. Certaines garnisons hussites sont installées en avant-postes dans le nord du pays.

Mais la fin du xve s. et le début du xvie sont marqués par d’intenses luttes sociales. Les Fugger*, alliés à une grande famille de magnats, les Thurzó, contrôlent les mines de cuivre et d’argent, et, de 1495 à 1525, en tirent des bénéfices d’un million de ducats. Ils voudraient également diriger tout le commerce et toute la vie économique de la Haute-Hongrie. Après la régence de Jean Hunyadi* (1446-1453) et le règne de son fils Mathias* Corvin (1458-1490), le jeune Louis II Jagellon, roi de Hongrie et de Bohême à partir de 1516, doit faire face à des révoltes paysannes et surtout à l’insurrection des villes minières en 1525 et en 1526. Depuis 1521, le luthéranisme se répand dans les villes allemandes et double le conflit social d’un conflit religieux. La confiscation des biens des Fugger, ordonnée en mai 1525 par la diète de Hongrie, satisfait les jalousies de la noblesse. Mais elle ne désarme pas le mécontentement des mineurs. Après des grèves et des revendications de salaires, les ouvriers de Banská Bystrica s’insurgent et s’emparent de la ville en février 1526. La révolte gagne les autres villes et n’est écrasée qu’en août 1526. Tandis qu’il affronte les troubles sociaux, Louis II de Hongrie doit faire face à un autre danger, plus grave : l’invasion turque. Avec la défaite et la mort du roi à Mohács en 1526, le destin de la Hongrie prend un cours nouveau.