Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Slaves (suite)

Après 1905, les nationalistes tchèques (Karel Kramář [1860-1937]), polonais (Roman Dmowsky [1864-1939]) ou bulgares (Stefan Savov Bobčev [1853-1940]) espèrent un moment utiliser la Russie, alliée de la France amie et en marche vers la monarchie constitutionnelle, dans leur combat contre les Empires centraux. Ces bourgeois, liés aux jeunes milieux industriels et bancaires concurrencés par les intérêts germaniques, réunissent à Prague en 1908 et à Sofia en 1910 des congrès slaves sans lendemain. Cette initiative est condamnée par les libéraux « réalistes » (T. G. Masaryk*), les socialistes occidentalistes ou partisans de la Fédération balkanique interethnique et les gouvernements en place, aux intérêts contradictoires.

Malgré la nouvelle euphorie antiturque de 1912, en 1913 (deuxième guerre balkanique), en 1914 et dans l’entre-deux-guerres, les Slaves se trouvent dans les deux camps en présence. Ce n’est qu’en 1941, après que le IIIe Reich eut écrasé les États slaves de 1918, hétérogènes sur le plan national et ethnique, que la résistance prendra la forme du rapprochement slaviste, sous le signe de l’antinazisme socialisant : Comité de tous les Slaves à Moscou, comités interslaves, meetings et congrès slaves de 1941 à 1948. En 1948, la rupture entre l’U. R. S. S. et la Yougoslavie portera un coup fatal au panslavisme et au sud-slavisme, qui représentaient alors, et pour la première fois, un élément de la politique d’État des « démocraties slaves ».

V. F.

 J. Bidlo, les Slaves d’hier et d’aujourd’hui (en tchèque, Prague, 1912). / L. Niederle, Manuel de l’antiquité slave (Champion, 1923-1926 ; 2 vol.). / L. I. Strakhovsky, A Handbook of Slavic Studies (Cambridge, Mass., 1945). / A. Mousset, le Monde slave (Soc. d’éd. fr. et internat., 1946). / E. Beneš, Où vont les Slaves ? (trad. du tchèque, Éd. de notre Temps, 1948). / H. Kohn, Panslavism, its History and Ideology (Notre-Dame, Indiana, 1953, 2e éd., New York, 1960 ; trad. fr. le Panslavisme, son histoire et son idéologie, Payot, 1963). / S. Kolejka, les Programmes slaves et les idées de solidarité slave au xixe et au xxe siècle (en tchèque, Brno, 1964). / R. Portal, les Slaves. Peuples et nations (A. Colin, 1965). / J. Fisera, Agriculture et industrie à la recherche d’un équilibre, Yougoslavie, Tchécoslovaquie, Pologne (thèse, Paris, 1968). / V. C. Fisera, le Mouvement socialiste et les slavismes, des origines à 1945 (thèse, Paris, 1973).

Slodtz (les)

Famille de sculpteurs français.


Sébastien Slodtz (Anvers 1655 - Paris 1726) apparaît comme disciple de Girardon et reçoit dès 1686 des commandes importantes : Hannibal, pour les jardins des Tuileries, et Aristée et Protée, grand groupe monumental dans le parc de Versailles. Il manifeste dans cet ouvrage, dont Girardon a donné l’esquisse, une souplesse dans le travail du marbre qui l’égale aux meilleurs et le range parmi les artistes qui apportèrent à l’art du relief, à la fin du siècle, plus de liberté par rapport au classicisme antérieur ainsi qu’un goût du mouvement et de l’expression ressortissant à l’influence du baroque. Il collabora aussi à la sculpture du dôme des Invalides et de la chapelle de Versailles. Il décora plusieurs églises parisiennes, fit le grand maître-autel à baldaquin de Saint-Germain-des-Prés. Enfin, il fut employé dans l’administration des Menus Plaisirs, surtout pour les pompes funèbres, et il ouvrait là une voie féconde à ses fils.

Il avait épousé la fille du célèbre ébéniste Domenico Cucci, qui lui donna de nombreux enfants, dont nous ne retiendrons que les trois fils sculpteurs. L’aîné, Sébastien Antoine (Paris 1695 - id. 1754), est surtout un dessinateur, un créateur de formes, disciple d’Oppenordt* et rival de Meissonnier ; il a compté dans la mise au point du style rocaille*. Sa charge de dessinateur de la chambre et du cabinet du roi, qu’il transmit à ses deux frères, lui conférait un rôle prédominant dans les fêtes et les spectacles de la Cour.

Sébastien Antoine travaillait en étroite collaboration avec son frère cadet, Paul Ambroise (Paris 1702 - id. 1758). Celui-ci, sculpteur statuaire, fit partie de l’Académie royale sur un morceau de réception, la Chute d’Icare (Louvre), où se révèle l’influence du baroque chez un homme qui, pourtant, ne connut pas l’Italie. Parmi les nombreux décors d’églises qu’il exécuta, le plus complet reste celui de Saint-Merri à Paris, avec une ample gloire rayonnante, une chaire ornée de palmiers exubérants et, dans la chapelle de la Communion, deux beaux anges en bas relief au grand envol d’ailes et de draperies.

Le plus doué, le plus complexe aussi des fils de Sébastien, fut le dernier, René Michel, dit Michel-Ange (Paris 1705 - id. 1764). Dès 1728, il fut pensionnaire à l’Académie de France à Rome, protégé par son directeur, Nicolas Vleughels, dont Slodtz devait sculpter un buste saisissant (musée Jacquemart-André) ainsi que le tombeau à Saint-Louis-des-Français. Dans la Ville éternelle, le jeune Slodtz s’engoua à la fois de l’Antiquité et du grand maître du baroque, le Bernin*, dont il devint l’émule. Il prolongea pendant presque vingt ans son séjour outre-monts et occupa une place prépondérante dans la sculpture romaine. Il y laissa des chefs-d’œuvre : la Transverbération de sainte Thérèse (à Santa Maria della Scala), qui tentait de traduire en bas relief le chef-d’œuvre du Bernin ; le colossal saint Bruno de Saint-Pierre-du-Vatican, qui essaie de concilier la vitalité baroque avec une recherche de grâce et de profondeur. Il sculpta à Rome plusieurs monuments funéraires qui témoignent de sa maîtrise et constituent peut-être le meilleur de son œuvre ; dans le tombeau de Gregorio Capponi (San Giovanni dei Fiorentini), il fait pressentir le retour à l’antique. Rentré en France en 1746, il se heurta aux cabales de Caylus, protecteur de Bouchardon*, qui craignait un rival, et eut du mal à s’affirmer. La mise en scène berninienne du mausolée de Languet de Gergy, à Saint-Sulpice, reçut des critiques. À la suite de ses frères, il se cantonna finalement dans les tâches absorbantes des Menus Plaisirs, avec, semble-t-il, l’amertume de ne s’être point imposé comme le grand sculpteur du règne de Louis XV.

F. S.

 F. Souchal, les Slodtz, sculpteurs et décorateurs du Roi, 1685-1764 (De Boccard, 1967).