Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sierra Leone (suite)

L’industrie de transformation est peu développée, l’exiguïté du marché et la concurrence des produits manufacturés importés de Grande-Bretagne et du Japon faisant obstacle à sa rentabilité. En dehors de quelques huileries, rizeries et scieries dispersées, presque toutes les industries se trouvent concentrées dans l’agglomération de Freetown (industries alimentaires diverses, huileries, savonnerie, cimenterie, raffinerie de pétrole, chaussures et confection, taillerie de diamant). La production d’énergie (les trois quarts fournis par la centrale thermique de Freetown) est faible.

Freetown, la capitale, possède le seul port important, sur une magnifique rade naturelle, bien abritée ; un chemin de fer à voie étroite, datant du début du siècle, traverse le pays de Freetown à Pendembu, avec un embranchement desservant Makeni ; un chemin de fer minier permet l’évacuation du fer de Marampa par le port minéralier de Pepel, sur la rive droite de la Rokel.

Paradoxalement, la richesse minière de la Sierra Leone engendre une situation économique malsaine (déficit vivrier ; balance commerciale déficitaire). Le gouvernement de Siaka Stevens a nationalisé l’exploitation et le commerce du diamant, jusque-là monopole de la Sierra Leone Selection Trust (filiale de la De Beers) en s’assurant dans la National Diamond Mining Company (Diminco) 51 p. 100 du capital ; mais, avec 49 p. 100 du capital de la société mixte nationale, le groupe De Beers conserve la gestion technique et contrôle la commercialisation à l’exportation. L’extraction artisanale clandestine et la contrebande du diamant, que depuis 1957 aucun des gouvernements n’a réussi à supprimer, privent l’État de ressources importantes et contribuent à l’abandon des cultures.

L’État s’est assuré également une participalion majoritaire dans l’exploitation des mines de fer et a créé une société commerciale d’État (National Trading Company).

La Grande-Bretagne reste le premier client de la Sierra Leone (63 p. 100 des exportations en 1970) et le premier fournisseur (30 p. 100 des importations, suivie du Japon, 10 p. 100).

J. S.-C.


L’histoire


Les Africains : agriculture, commerce et sociétés secrètes

La Sierra Leone est traversée par une importante frontière linguistique : au nord et à l’ouest, des peuples de langue semi-bantoue, les Buloms, pêcheurs, les Timnés à la hauteur de Freetown et dans l’immédiat arrière-pays, venus de Guinée avant le xve s., et les Limbas, plus à l’est, arrivés encore plus tôt ; au sud et à l’est, des peuples de langue mandé, les Mendés, immigrés progressivement au cours des xviiie et xixe s., et les Konos, venus aussi du Liberia un siècle plus tôt, pour ne citer que les plus importants. Cette mise en place des populations s’est faite souvent au milieu de conflits intertribaux qui duraient encore dans le premier tiers du xviiie s.

Mais les traits culturels communs sont nombreux, tant dans l’activité économique (culture du riz) que dans le système familial (patrilinéaire) ou politique (chefferies dont les titulaires exercent le pouvoir en commun avec un conseil de chefs subalternes). Malgré l’islamisation apportée manu militari du Fouta-Djalon par les Peuls et les Mandings à partir du début du xviiie s., les sociétés secrètes à prétentions surnaturelles, le Poro des hommes et le Sande des femmes, gardent un rôle important dans le maintien de l’ordre, l’éducation, le mariage.

Vers 1460, le Portugais Pedro de Sintra donne le nom de Serra Leoa (« Montagne du lion ») à la presqu’île montagneuse qui barre le vaste estuaire des petites rivières Mitombo et Maipula. Jusqu’au début du xviie s., les Portugais réussissent à conserver leur monopole commercial (ivoire, cire, peaux, quelques esclaves) ; ils installent des forts et envoient quelques missionnaires. Au cours du xviie s., un partage de la côte s’opère en gros, et malgré quelques empiétements réciproques, entre Français, plus au nord, Hollandais, plus au sud, et Anglais, dont la prépondérance sur l’actuelle côte de Sierra Leone n’est pas vraiment mise en cause par les attaques françaises (1695, 1704, 1794) ou celles des pirates (1730). Le commerce est entre les mains de compagnies à charte, Company of merchants trading to Guinea (1630), Royal African Company (1672), dont le monopole est battu en brèche à partir de 1689 par les commerçants indépendants. Des factoreries fortifiées sont installées à Sherbro, à York, petite île voisine, à Bunce, dans l’estuaire (1672). Des essais de culture sont tentés à la fin du siècle. La traite des Noirs, fournie par des négriers peuls arrivés sur la côte et alimentée du côté européen par des importations directes de rhum antillais, prend son essor à partir du milieu du xviiie s. ; elle atteindra le chiffre de 1 500 par an à la fin du siècle pour l’estuaire.


Abolitionnisme, christianisme, négritude

Proposé par un voyageur naturaliste, Henry Smeathman, le site de Freetown est retenu en 1786 pour l’établissement d’une colonie d’anciens esclaves de Nouvelle-Angleterre ou des Antilles qui vivent en Grande-Bretagne dans la misère. Un premier contingent est amené en 1787 à l’instigation du philanthrope Granville Sharp (1735-1813). Une bande de terre est achetée au chef timné de l’endroit. De graves frictions avec les indigènes n’empêchent pas l’arrivée de nouveaux colons sous les auspices de la Sierra Leone Company, qui projette des établissements commerciaux et agricoles comme alternative à la traite des Noirs. En 1792, le gouverneur Clarkson amène 300 esclaves libérés pour avoir combattu dans les rangs anglais pendant la guerre d’Indépendance américaine et qui végétaient en Nouvelle-Écosse. En 1800, 550 nègres marrons de la Jamaïque sont transportés à Freetown. Mais le pays se révèle moins fertile qu’on le croyait, et la Sierra Leone Company se trouve en difficulté. Aussi, lorsque la traite négrière est abolie en 1807 par le Parlement britannique, la Sierra Leone devient-elle colonie de la couronne (1er janv. 1808), et elle servira de base arrière dans le combat contre les négriers : une cour de vice-amirauté y est établie et rend sa première condamnation pour traite avec libération de la cargaison la même année. Désormais, chaque année, plusieurs centaines de captifs seront libérés à Freetown et en majorité installés dans des villages de colonisation établis sur la presqu’île, cédée par les chefs timnés. À partir de 1819, quand d’autres pays rejoignent l’Angleterre dans sa lutte contre la traite, un tribunal mixte est installé à Freetown ; il fonctionnera jusqu’en 1870.