Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Sienne (suite)

Les édifices religieux et civils ont servi de cadre au développement de l’école siennoise de peinture. Les débuts en ont été modestes et marqués par la soumission aux règles byzantines. L’impulsion vint de Duccio*, avec sa fameuse Maestà de la cathédrale (1308-1311), aujourd’hui au musée de l’Œuvre de la cathédrale, où il sut rajeunir le langage byzantin par une vision fraîche, un accent d’humanité propre au génie italien. Après lui, l’école siennoise s’engagea plus résolument dans la voie gothique, se distinguant du giottisme florentin par le raffinement linéaire et la préciosité des tons. Pendant tout le trecento et au début du quattrocento, elle devait offrir, avec l’élégance aristocratique qui lui est propre, une version particulièrement brillante du style alors commun à l’Europe gothique. Parmi les maîtres les plus anciens — sans doute aussi les plus grands — figurent Simone Martini*, dont on admire la Maestà (1315) au Palais public ; son disciple Lippo Memmi, dont la première grande œuvre est la Maestà peinte à fresque au palazzo del Popolo à San Gimignano (1317) ; Pietro Lorenzetti*, au style plus tendre, auteur de fresques à San Francesco, à Santa Maria dei Servi et surtout à Assise ; Ambrogio Lorenzetti*, qui a laissé, avec la décoration à la fois allégorique et descriptive de la sala della Pace (1337-1339) au Palais public, le plus important cycle profane de la peinture du trecento. La suite de l’école comprend Barna († 1381) et Bartolo di Fredi († 1410), qu’on trouve confrontés dans la collégiale de San Gimignano, narrateurs incisifs et brillants comme Spinello Aretino (v. 1350-1410), qui a représenté la vie du pape Alexandre III dans la sala di Balia du Palais public de Sienne ; Taddeo di Bartolo (1362 ou 1363-1422), auteur assez vigoureux des fresques de la chapelle, dans le même édifice ; et aussi Lippo Vanni, Andrea di Bartolo, Paolo di Giovanni Fei, etc. La production de cette époque encourt déjà le reproche d’une certaine monotonie, née de l’exploitation de formules. Mais la peinture siennoise a aussi son reflet dans l’art des enlumineurs, et dans un grand ouvrage entrepris vers 1369 : le pavement historié du duomo, en marbres assemblés selon les cartons de nombreux artistes.


La Renaissance du quattrocento

Dans cette ville d’aspect médiéval, l’apport de la Renaissance est moins négligeable qu’on ne l’a souvent dit. Il a été pour une large part le fait d’étrangers à Sienne. C’est cependant un Siennois, Iacopo* della Quercia, qui donna le premier élan. Ses bas-reliefs de la Fonte Gaia (1409-1419) rompent déjà par leur vigueur avec la tradition gothique. En 1417, il reçut la commande des fonts baptismaux pour le baptistère du duomo. Avec ses bronzes, — statuettes et bas-reliefs consacrés à la vie de saint Jean-Baptiste —, cet ouvrage collectif marque plus nettement l’irruption de la Renaissance. Au travail personnel de Iacopo, à celui de son élève Turino di Sano et du fils de ce dernier, Giovanni Turino (v. 1385-1455), s’ajoute la contribution des Florentins Ghiberti* et Donatello*. La vigueur donatellienne a inspiré Lorenzo di Pietro, dit il Vecchietta (v. 1412-1480), auteur du tabernacle de bronze du duomo ; Giacomo Cozzarelli (1453-1515), dont on voit une Pietà aux figures de terre cuite dans l’église de l’Osservanza remaniée par lui-même, à proximité de la ville ; Antonio Federighi († 1490), qui collabora avec il Vecchietta à la décoration sculptée de la loggia della Mercanzia, édifice de transition commencé en 1417 par Sano di Matteo, et éleva lui-même dans un style plus classique la loggia del Papa (1462). On attribue à l’architecte florentin Bernardo Rossellino (1409-1464) la conception du palais Piccolomini, élevé à partir de 1469 pour une sœur du pape Pie II.

La peinture mit beaucoup plus de temps à se détourner de la tradition gothique. Les innovations ne furent accueillies qu’avec timidité chez des attardés tels que Sano di Pietro (1406-1481), monotone et peu inventif ; Giovanni di Paolo († 1482), représentant original du gothique fleuri, comme le délicieux Sassetta*, dont l’ingénuité va de pair avec un sentiment très personnel de la lumière ; et même Neroccio de’ Landi (1447-1500), très raffiné dans l’arabesque des contours. D’autres s’en sont tenus à un compromis : Vecchietta, moins avancé comme peintre que comme sculpteur ; Matteo di Giovanni († 1495), d’une belle âpreté dans le Massacre des Innocents, thème traité par lui à Sant’Agostino, à Santa Maria dei Servi et dans le pavement historié de la cathédrale ; Bernardino Fungai (v. 1460-1516), dont le Couronnement de la Vierge, à l’église des Servi, dénote quelque influence de Signorelli*. La Renaissance florentine a trouvé plus d’écho chez Domenico di Bartolo († v. 1446), principal auteur d’un cycle de scènes hospitalières à l’hôpital Santa Maria della Scala ; chez Francesco di Giorgio Martini*, artiste à vocation universelle, architecte et décorateur à Cortone et à Urbino, connu à Sienne comme un peintre à l’intellectualisme délicat.

À la jonction des xve et xvie s., la peinture apparaît surtout l’affaire des étrangers venus à Sienne. Pandolfo Petrucci, dit il Magnifico, confia la décoration de son palais à l’Ombrien Pinturicchio (1454-1513) et à Signorelli, dont les fresques, aux sujets tirés de l’Antiquité, sont aujourd’hui dispersées. Conteur prolixe et charmant, le premier a également peint entre 1503 et 1508 la vie de Pie II dans la Libreria Piccolomini de la cathédrale. Le second commença en 1497 les fresques représentant la vie de saint Benoît dans le cloître de Monte Oliveto Maggiore, non loin de Sienne. À partir de 1505, cette suite fut complétée par le Piémontais Giovanni Antonio Bazzi, dit le Sodoma (1477-1549). À la vigueur de Signorelli s’oppose la facilité pittoresque du Sodoma, qui s’établit à Sienne après avoir étudié Léonard* à Milan et qui y a laissé des ouvrages d’une douceur capiteuse : une Adoration des Mages à Sant’Agostino (1518), les fresques de la chapelle Santa Catarina à San Domenico (1526).