Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Sicile (suite)

Supportant mal cette hégémonie, Ségeste en 453 av. J.-C., puis Rhegiôn, Leontinoi et peut-être même Catane et Naxos vers 443 av. J.-C. s’allient à Athènes dont le trafic maritime se trouve menacé en Occident par l’impérialisme syracusain. Engageant la lutte dès 427 dans le cadre de la guerre du Péloponnèse, mais contraints à signer la paix générale de 425 av. J.-C., les alliés d’Athènes (et surtout Ségeste) incitent finalement cette dernière à organiser la désastreuse expédition de 414-413 av. J.-C., qui ne peut s’emparer de Syracuse, bien défendue par le chef du parti oligarchique, Hermocratès, ainsi que par le chef de l’armée de secours Spartiate, Gylippos, vainqueur sur les bords de l’Assinaros.


La fin de la Sicile grecque

Acragas et Sélinonte, émancipées en fait de l’hégémonie syracusaine, connaissent alors une grande prospérité. Mais, tandis que la première de ces cités se consacre à la construction du temple colossal de Zeus, la seconde entreprend la conquête de l’ouest sicilien, provoquant l’intervention d’Hannibal. Le chef carthaginois, petit-fils du vaincu d’Himère, prend d’assaut Sélinonte en juin 408 av. J.-C., rase Himère en juillet, puis occupe en 406 av. J.-C. Acragas dont la population se replie alors à Gela.

Contraint par la nécessité de gagner du temps, le nouveau stratège autocrator de Syracuse, Denys Ier l’Ancien (405-367 av. J.-C.), signe la paix de 404 av. J.-C. qui consacre la perte de Gela et de Camarine. Appuyé sur une forte garde personnelle, il restaure la tyrannie, crée une flotte de deux cents navires, une armée dévouée de mercenaires campaniens auxquels il cède la ville d’Entella, fortifie Syracuse, établit le siège de son pouvoir dans l’imprenable réduit d’Ortygie et s’attache le concours fidèle de tous ceux auxquels il distribue les biens de ses ennemis. Il impose alors son protectorat aux communautés indigènes, assujettit de nombreuses cités grecques (Catane, Leontinoi) après avoir rasé Naxos, puis reprend la lutte contre les Carthaginois. Menacé dans Syracuse même en 396-395 av. J.-C., il finit par s’emparer de Solous et de Tauromenion (Taormina) [392 av. J.-C.] et reste en fait seul maître de l’île jusqu’en 375 av. J.-C. Il est alors vaincu à Cronion près de Panorme et perd Sélinonte et Thermae ; puis il s’empare en 373 av. J.-C. d’Éryx et de Drepanum (Trapani) avant de mourir en 367 av. J.-C., maître d’un vaste empire auquel il annexe Crotone et 6 000 km2 de territoires en Italie du Sud entre 390 et 379 av. J.-C. L’Empire syracusain est illustré par la présence de nombreux poètes grecs à la cour de Denys l’Ancien, qui en fait le principal foyer de l’hellénisme au ive s. Mais il se disloque sous la tyrannie de son fils Denys II le Jeune (367-344 av. J.-C.), qu’une guerre intestine oppose à son oncle Dion, disciple et admirateur de Platon. Transformant alors Syracuse en une démocratie censitaire où il établit 60 000 colons grecs, le Corinthien Timoléon (344-337 av. J.-C.) bat en 341 ou en 339 av. J.-C. les Carthaginois sur les bords du Crimisos près de Ségeste et signe avec eux l’accord qui fixe la frontière commune sur l’Halycos. Sa retraite volontaire en 337 av. J.-C., puis sa mort vers 335 av. J.-C. entraînent la reprise des querelles intestines, auxquelles met fin un immigrant, Agathocle, qui restaure la tyrannie à Syracuse (317-289 av. J.-C.) et réussit à mettre fin au siège de la ville par les Carthaginois en portant à deux reprises la guerre en Afrique, d’abord en 310 av. J.-C., puis en 308-307 av. J.-C., et en les contraignant à se replier dans l’ouest de la Sicile par l’accord de 306 av. J.-C. En 304 av. J.-C., Agathocle prend le titre de roi ; il restaure l’hégémonie de Syracuse dans l’île, conquiert Corcyre pour le compte de son gendre Pyrrhos, roi d’Épire, et renoue avec la politique d’expansion de Denys l’Ancien en Italie du Sud, où il occupe Hipponium en 293 av. J.-C. Mais, au lendemain de sa mort, en 289 av. J.-C., son empire se disloque à Syracuse. À Messine, les mercenaires campaniens révoltés massacrent la population locale pour se substituer à elle et appellent désormais Messine « ville des Mamertins ». Détruisant Gela, assiégeant même Syracuse, ils provoquent en 278 av. J.-C. l’appel de cette dernière au roi d’Épire Pyrrhos, qui se fait proclamer « roi de Sicile », mais commet l’erreur de ne pas consolider diplomatiquement sa victoire militaire. Pyrrhos, trahi par les cités grecques, abandonne l’île aux Carthaginois, qui progressent au sud jusqu’à l’Himera, au nord jusqu’au cap Tyndare, tandis que les Mamertins s’établissent solidement dans la partie nord-est jusqu’à Tauromenion.

Syracuse, pressée de toutes parts, se donne en 270 av. J.-C. à un ancien lieutenant de Pyrrhos, Hiéron II (270-215 av. J.-C.), qui prend en 265 av. J.-C. le titre de roi et tente de s’assurer le contrôle du détroit de Messine, sur les bords duquel Carthaginois et Romains rêvent également de s’établir. Le temps de l’indépendance est passé.


La Sicile romaine

Les Romains, menacés d’encerclement par les Puniques (déjà maîtres de la Sardaigne, de la Corse et d’une partie de la Sicile), chargent le consul Appius Claudius d’occuper les rives du détroit de Messine sous le prétexte de sauver les Mamertins, en fait pour engager la première guerre punique* (264-241 av. J.-C.) dans des conditions favorables. Rome impose en effet en 263 av. J.-C. à Hiéron II une alliance de quinze ans et un tribut, remplacés par une alliance perpétuelle en 248 av. J.-C. ; elle occupe Acragas en 262 av. J.-C., s’empare de Panorme en 254 av. J.-C. et détruit la flotte carthaginoise au large des îles Égates en 241 av. J.-C. Les Romains se font céder par Carthage ses possessions en Sicile, où seul Hiéron II conserve une indépendance théorique.

Redevenue le premier marché agricole de l’île, assurant l’approvisionnement régulier des légions romaines, soumise en outre par la loi de Hiéron II à une stricte fiscalité inspirée des règlements de Ptolémée Philadelphe, monarque hellénistique d’Égypte, Syracuse est le siège d’une cour fastueuse illustrée par la présence de Théocrite et d’Archimède*. Mais, s’étant révoltée à la mort de Hiéron II en 215 av. J.-C. et ayant été entraînée par son petit-fils Hiéronymos, puis par Épicydès et par Hippocrate dans la seconde guerre punique (218-201 av. J.-C.) aux côtés de Carthage, Syracuse, admirablement défendue par Archimède, est finalement occupée en 212 av. J.-C. par le consul Marcus Claudius Marcellus à l’issue d’un très long siège au cours duquel le grand savant trouve la mort.