Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sicile (suite)

Aussi le secteur tertiaire demeure-t-il très important (37 p. 100 de la population active). Les transports sont un élément essentiel pour la vie économique de l’île. L’activité des ports pétroliers (Augusta) et l’incessant mouvement entre Messine et Reggio di Calabria alimentent un fort trafic maritime. Mais il y a aussi le maintien des voies ferrées et l’extension du réseau routier (l’autoroute Messine-Catane est ouverte et sa prolongation est en construction) qui sont sources d’emplois. Les administrations publiques et privées ont des effectifs souvent pléthoriques. Les petits commerces, les marchands ambulants, les employés de maison sont nombreux. Le tourisme est en plein essor. À côté de stations réputées comme Taormina, la Sicile offre une grande variété de centres d’intérêt, de la montée à l’Etna à la visite des sites archéologiques (Ségeste, Sélinonte...) et à celle des nombreux monuments de l’époque arabe ou normande. Ce tourisme culturel se double d’un tourisme balnéaire fort agréable. Enfin, il y a la découverte des gros villages et des villes. Les vraies cités sont rares à l’intérieur, à part Enna (29 000 hab.), Caltanissetta (60 000 hab.) et Raguse (60 000 hab.). Sur la côte, des agglomérations se succèdent. Certaines sont de simples marchés et centres administratifs, comme Trapani (70 000 hab.), Agrigente (50 000 hab.) ou Syracuse (110 000 hab.) ; le tourisme est toujours pour elles un apport précieux. D’autres ont des fonctions plus diversifiées. Catane (400 000 hab.) est une grande ville commerciale qui s’industrialise. Messine (258 000 hab.) vit de la fonction administrative et universitaire et des échanges avec le continent. Palerme (651 000 hab.), enfin, est la capitale, à la fois somptueuse et sordide, de la Sicile. Ville au passé prestigieux, tassée dans la conque d’Or, elle vit des mille et une formes du commerce, de l’administration, du tourisme, accessoirement de l’industrie. Ses quartiers misérables attestent que la Sicile n’est pas encore sortie de son sous-développement séculaire, mais on y observe aussi les germes d’une Sicile moderne.

E. D.

➙ Mezzogiorno / Palerme.

 R. Rochefort, le Travail en Sicile (P. U. F., 1961). / F. Milone, Sicilia. La natura e l’uomo (Turin, 1966). / A. Pecora, Sicilia (Turin, 1968).


L’histoire


Populations et civilisations primitives

L’homme, qui apparaît dès la fin du Pléistocène lors de la glaciation würmienne, décore de gravures et de peintures rupestres au Paléolithique supérieur la grotte du Genovese dans l’île de Levanzo à l’ouest de Trapani. De nombreux autres sites, datant soit du Paléolithique supérieur (San Teodoro), soit du Mésolithique (Termini Imerese, Corrugi di Pachino), attestent de la continuité du peuplement de l’île à l’époque préhistorique et d’une civilisation assez avancée qui s’épanouit au Néolithique avec l’arrivée des Sicanes, peut-être chassés d’Ibérie au IIIe millénaire par les Ligures. Habitant dans de petites cabanes, pratiquant l’inhumation individuelle, vivant de la pêche, de la chasse et de l’élevage, les Sicanes auraient fabriqué les belles armes d’obsidienne et de basalte ainsi que les fines céramiques grises décorées d’incisions géométriques retrouvées en particulier à Matrensa ou à Stentinello. Ils auraient occupé d’abord l’ensemble de l’île et sans doute donné naissance au peuple des Élymes, établis dans la région de Ségeste ; puis ils se seraient repliés dans sa partie occidentale sous la pression des Sicules, dont la langue paraît bien être un idiome italique et qui seraient donc d’origine indo-européenne et parents des Latins. Pourtant, certains anthropologues font des Sicules des Méditerranéens proches parents des Sicanes qui auraient envahi l’Italie et fait des emprunts linguistiques à ses populations avant de refluer en Sicile du fait de l’arrivée d’envahisseurs venus du nord, à l’âge cuprolithique, c’est-à-dire vers 2500-1900 av. J.-C. selon Paolo Orsi (1859-1935), entre 1500 et 1000 av. J.-C. selon Biaggio Pace (1889-1955). Cette première période sicule coïncide avec l’introduction du cheval et le début de l’industrie du cuivre ; elle produit de nombreuses céramiques peintes et des tombeaux creusés dans le roc, notamment sur les sites de Castelluccio et de Monte Tabuto. Au cours de la seconde période, c’est-à-dire entre 1900 et 1200 ou entre 1000 et 800, les Sicules entrent en contact avec le monde mycénien, dont l’influence apparaît dans les techniques de fabrication des armes de bronze, dans la forme des poteries, qui ne comportent pas de décoration colorée, dans celle des tombes circulaires creusées dans le roc et à voûte arrondie (nécropole aux cinq mille tombeaux de Pantalica près de Syracuse).

Entre le xiie s. av. J.-C. et le viiie s. av. J.-C. — ou au viiie s. av. J.-C., selon la chronologie retenue —, l’originalité de la culture sicule s’estompe du fait de la colonisation grecque, qui diffuse l’usage du fer, impose une céramique protocorinthienne de style géométrique et simplifie le dessin des sépultures.

Enfin, entre le viiie s. av. J.-C. et le milieu du ve s. av. J.-C., la colonisation grecque achève d’assujettir à l’influence hellénique les Sicules de la quatrième période, qui restent pourtant fidèles à la pratique de l’inhumation à l’heure où leurs potiers s’efforcent de reproduire les thèmes et les techniques de leurs concurrents corinthiens ou athéniens, notamment de ceux qui produisent les vases attiques à figures noires.


La colonisation phénicienne et la colonisation grecque


L’établissement des colonies

Durant la seconde moitié du ixe s. av. J.-C., les Phéniciens fondent de nombreux comptoirs commerciaux sur tout le pourtour de l’île. Mais, du fait de la colonisation grecque au viiie s. av. J.-C., ils se replient vers l’ouest, où leurs établissements de Panorme (Palerme), de Solous (Solunte) et de Motyé survivent jusqu’à la conquête romaine au iiie s. av. J.-C. grâce à la présence toute proche de leurs alliés Élymes et à celle de leurs parents carthaginois.