Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

shintō (suite)

Le shintō, étant une philosophie de la vie, célébrait avec éclat toutes les manifestations heureuses, surtout celles qui étaient inhérentes à la nature : quelle meilleure façon de révérer les kami des floraisons que d’aller admirer les pruniers et les cerisiers en fleur ? L’admiration de toutes les manifestations créatrices de l’univers était (et est encore) un acte essentiel de la vie du fidèle shintō (et de celle de tout Japonais).

En revanche, le bouddhisme s’occupait beaucoup plus du devenir de l’âme individuelle après la mort (tout au moins dans les formes japonaises du bouddhisme) que de la vie même des individus. Il prônait en outre une philosophie active et altruiste, imprégnée du sentiment de l’impermanence de toute chose, qui permettait d’expliquer tout ce que les kami ne pouvaient révéler, étant donné leur nature. Bouddhisme et shintō se complétaient donc dans une certaine mesure, et il se trouva de nombreux moines pour prendre avantage de ces constatations et déclarer que, dans le fond, les kami n’étaient guère autre chose que des incarnations temporaires des divinités bouddhiques, créant ainsi plusieurs sortes de syncrétismes plus ou moins ésotériques auxquels adhérèrent volontiers les gens du peuple, pour qui les « dieux étrangers », apparemment puissants, ne pouvaient leur nuire pourvu qu’on leur rendît les hommages nécessaires.

Si le bouddhisme influença de cette manière le shintō, celui-ci en retour donna une teinte typiquement japonaise au bouddhisme. Lorsque le chan (tch’an) chinois, lui-même évolué du dhyāna indien, pénétra au Japon à la fin du xiie s., il s’imprégna de philosophie shintō et perdit nombre de ses caractères chinois pour devenir le zen, sorte de shintō bouddhisé, mettant l’accent sur l’esthétique et l’amour de la nature, identifiée avec la « nature de Bouddha » qui se trouve en chacun des êtres et qu’il appartient à chacun de redécouvrir.

Cependant, dès le début du xviie s., avec l’avènement au pouvoir d’une dynastie autocratique de shōgun (ou chefs militaires) qui favorisaient le confucianisme, dont les théories, fondées sur les « relations » hiérarchisées, favorisaient l’établissement de leur autorité, le shintō parut faiblir, en même temps d’ailleurs que le bouddhisme. Mais là aussi, la nature japonaise fut plus forte que la philosophie étrangère, et le confucianisme ne tarda pas à devenir à son tour une sorte de shintō. On vit même une réaction se produire tendant à préserver le shintō de toute influence extérieure : il se replia sur lui-même, redevenant ce qu’il avait été à l’origine, une religion populaire aux nombreuses sectes (presque autant que de kami) mêlée de rites villageois, de fêtes rituelles (matsuri) auxquels s’ajoutait un vague culte des esprits des défunts. Le culte impérial était alors une sorte de « standard » du culte shintō, centré sur la fédération de l’empereur considéré comme d’origine divine.

Lors du renversement du shōgunat et de la restauration du pouvoir impérial en 1868, l’empereur Mutsuhito, désirant renforcer les liens qui l’unissaient à son peuple, sépara officiellement le shintō des autres cultes, faisant de celui-ci une sorte de « religion d’État » et réglementant le nombre des sectes. C’est ainsi qu’il y eut, à côté du shintō « impérial » (kokka-shintō), un « shintō des sectes » (kyōha-shintō) et un « shintō populaire » (minzoku-shintō).

Mais, devant l’impossibilité de proposer un dogme commun à l’ensemble des sectes, l’empereur se résolut à ériger le « shintō impérial » en culte d’État, national et laïque, laissant le peuple continuer ses pratiques au sein des innombrables sectes qui s’étaient créées au cours des temps. C’était le shintō national, dans lequel l’empereur, descendant direct du kami Amaterasu Ōmikami, érigeait ce kami au-dessus des autres et lui vouait un culte particulier dans son sanctuaire d’Ise, promu au rang de « sanctuaire national ». La parfaite dévotion et la totale soumission à l’empereur, kami sur terre, étaient donc exigées de tout Japonais, fût-il bouddhiste (les deux confessions, d’ailleurs, étant donné leur nature, ne s’excluaient pas). Cette dévotion exclusive au chef de la nation fut exploitée politiquement par les diverses factions qui se succédèrent au pouvoir, prônant la supériorité du peuple japonais (en tant que d’origine divine) et de son empereur divin sur tous les autres peuples. Les militaires au pouvoir s’en servirent pour fanatiser le peuple, exiger de lui une soumission aveugle. Après le désastre de 1945, et l’affirmation de la bouche même de l’empereur qu’il n’était pas d’origine divine, la doctrine du shintō national fut abandonnée, n’étant plus observée que par la famille impériale, et le peuple retourna à ses croyances traditionnelles au sein des sectes. C’est cet ensemble de sectes, de kami innombrables, de sanctuaires, de matsuri, de fêtes et de coutumes populaires qui constitue l’essentiel du shintō.

L. F.

➙ Bouddhisme / Japon.

 M. Revon, le Shintoïsme (Leroux, 1907). / J. M. Martin, le Shintoïsme, religion nationale (Geuthner, 1924-1927 ; 2 vol.). / M. Anesaki, History of Japanese Religion (Londres, 1930). / R. Tsunoda, Sources of Japanese Religion (New York, 1958 ; 2 vol.). / J. Herbert, Aux sources du Japon, le shintō (A. Michel, 1964). / J. M. Kitagawa, Religion in Japanese History (New York, 1966). / I. Hori, Folk Religion in Japon (Chicago et Londres, 1968). / R. Sieffert, les Religions du Japon (P. U. F., 1968). / E. Rochedieu, le Shintoïsme (Garnier, 1969). / L. Frédéric, le Shintō, esprit et religion du Japon (Bordas, 1972).

Shlonsky (Abraham)

Poète israélien (en Ukraine 1900 - Tel-Aviv 1973).


Né dans une famille de culture juive hassidique aux tendances libérales, Abraham Shlonsky (ou Shlonski) est, en 1913, envoyé en Palestine, où, pendant un an, il étudie au lycée Herzlia de Tel-Aviv. Au début de la Première Guerre mondiale, il retourne dans sa ville natale et termine ses études secondaires dans un lycée de Iekaterinoslav (auj. Dniepropetrovsk). Trois ans après la révolution de 1917, il quitte la Russie et, après un court séjour en Pologne, s’établit en Palestine avec un groupe de « haloutzim » (pionniers). Pendant quelques années, il mène la vie d’un « haloutz », travaille comme ouvrier dans la construction des routes et dans le bâtiment. Il est également membre du kibboutz En-Harod.