Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Shaw (George Bernard) (suite)

« Les choses me viennent à l’esprit sous forme de scènes, avec action et dialogue, sous forme de moments, progressant à partir de leur propre vitalité » (à H. A. Jones, 2 déc. 1894)

Malgré le succès à la scène d’Henry Arthur Jones (1851-1929), de sir Arthur Wing Pinero (1855-1934), disciple de Scribe et de Sardou, des pièces de Maugham et, naturellement, de la comédie étourdissante de Wilde ou de Noël Coward (1899-1973), l’idée de théâtre non commercial, de critique sociale suit son cours en Angleterre (H. Granville-Barker [1877-1946], J. Galsworthy [1867-1933]...). Surtout quand Ibsen s’y fait connaître aux environs de 1890 et que ses pièces sociales et didactiques, se développant selon la logique réelle des choses et non des conventions, suscitent des remous et la ferme intervention de Shaw en sa faveur dans The Quintessence of Ibsenism.

Comme Auden, O’Casey, Synge ou T. S. Eliot, Shaw participe à l’évolution du théâtre contemporain. Ses écrits et ses Préfaces réaffirment sans trêve sa volonté de parvenir uniquement au réel, ce qui s’accompagne dans son esprit de la soumission stricte à la pièce des acteurs et des metteurs en scène. Il méprise le théâtre conventionnel selon lui, « doctrinaire jusqu’à la plus extrême limite du dogmatisme », si bien que « le dramaturge [...] empêtré dans les théories de conduite [...] ne peut même pas exprimer sa solution conventionnelle clairement, mais la laisse vaguement comprise » (Lettre à H. A. Jones du 2 février 1894). Il ne cache pas son horreur des « nice » pièces, avec des « nice » robes, des « nice » salons et des « nice » gens, mais également des « soi-disant pièces à problèmes [qui] dépendaient pour leur intérêt dramatique de conclusions prévues d’avance » (Préface de Three Plays for Puritans). Pour lui, rien ne saurait remplacer « l’activité et l’honnêteté intellectuelles ». La nécessité de faire de son théâtre le support de ses idées et de consacrer auxdites idées tout leur développement communique aux pièces de Shaw une dimension très particulière — spécifiquement shawienne — avec, par exemple, Back to Methuselah, en cinq parties, et, le plus souvent, des Préfaces de belle longueur également. « Le dramaturge sérieux reconnaît dans la discussion non seulement l’épreuve principale, mais aussi le centre d’intérêt réel de sa pièce » (Quintessence...), affirme Shaw. Il en découle que, dans son œuvre dramatique, tout se subordonne à la discussion, les événements et même la psychologie des personnages — ni bons, ni mauvais, en respect des principes du réalisme —, moins importante que la nécessité du discours. Ceux du troisième acte de Man and Superman, entre « Don Juan » et le Diable, constituent à cet égard un exemple fameux. L’étincelante et vigoureuse réthorique de Shaw demeure un modèle du genre. « Trouvez toujours de façon rigoureuse et exacte ce que vous voulez dire et ne le faites pas à la pose », écrivait-il à R. Golding en 1894. La sincérité — et nul ne met en doute la sienne — ne suffit pas à assurer la pérennité et le succès, surtout à qui bouscule idées et situations établies. Shaw trouve dans son humour, héritier du « wit » du xviiie s., un précieux allié à sa cause, un humour marqué de son sceau personnel, jouant brillamment de l’anachronisme parfois et du paradoxe le plus souvent, permettant à la longueur, à l’intelligence, à la critique de passer et conférant à son art, même quand il irrite, une tonicité à l’abri des modes et du temps.

D. S.-F.

 G. K. Chesterton, George Bernard Shaw (Londres, 1909 ; nouv. éd., 1949). / E. R. Bentley, Bernard Shaw (Londres, 1947 ; 2e éd., 1950). / H. Perruchot, la Haine des masques. Montherlant, Camus, Shaw (la Table ronde, 1955). / M. Shenfield, Bernard Shaw (New York, 1962 ; trad. fr., Hachette, 1967). / M. Meisel, Shaw and the 19th Century Theater (Princeton, 1963). / S. Weintraub, Private Shaw and Public Shaw. A Dual Portrait of Lawrence of Arabia and G. B. Shaw (Londres, 1963). / J. F. Matthews, George Bernard Shaw (New York, 1969). / G. E. Brown, George Bernard Shaw (Londres, 1970).

Les principales œuvres de G. B. Shaw

Romans

1879-1883

Immaturity (éd. en 1930). An Unsocial Socialist (Un socialiste peu sociable), publié en 1884. Cashel Byron’s Profession (la Profession de Cashel Byron), publié en 1885-86. The Irrational Knot (le Lien irrationnel), publié en 1885-1887. Love among the Artists (l’Amour chez les artistes), publié en 1887-88.

Critiques et essais

1885

Critique littéraire pour The Pall Mall Gazette.

1886-87

Critique d’art pour The World.

1888-1890

Critique musicale pour The Star (réunie en 1937 sous le titre de London Music in 1888-89 as heard by Corno di Bassetto).

1889

Fabian Essays in Socialism (Essais fabiens), éd. par G. B. Shaw.

1890-1894

Critique de musique pour The World (réunie en 1932 sous le titre de Music in London, 1890-1894, 3 vol.).

1891

The Qintessence of Ibsenism (la Quintessence de l’ibsénisme).

1895

The Sanity of Art.

1895-1898

Critique dramatique pour The Saturday Review (réunie en 1900 sous le titre de Our Theatres in the Nineties).

1896

An Essay on going to Church, dans The Savoy.

1898

The Perfect Wagnerite (le Parfait Wagnérien).

1900

Fabianism and the Empire (le Fabianisme et l’Empire).

1904

The Common Sense of Municipal Trading.

1914

Common Sense about the War, dans The New Statesman.

1928

The Intelligent Woman’s Guide to Capitalism and Socialism (Guide de la femme intelligente en présence du capitalisme et du socialisme).

1931

What I really wrote about the War.

1932

The Adventures of a Black Girl in Her Search for God (les Aventures d’une jeune négresse à la recherche de Dieu) [nouvelle].

1944

Everybody’s Political What’s What ? (Manuel politique pour tous).

1949

Sixteen Self Sketches (Mon portrait en 16 esquisses) [autobiographie].