Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sexualisation (suite)

Les Crustacés Isopodes ont été l’objet d’expériences. L’implantation de glande androgène chez une femelle d’Armadillidium vulgare provoque l’inversion sexuelle. Chez deux Isopodes oniscoïdes, Porcellio dilatatus et Helleria brevicornis (P. Juchault et J. J. Legrand, 1964), l’implantation de glandes androgènes de Porcellio (après 4-5 mues) et de Helleria (après 2-3 mues) détermine la masculinisation de jeunes femelles et les transforme en mâles fonctionnels. La glande androgène est donc devenue fonctionnelle, et l’hormone mâle se substitue à l’impulsion génétique. Chez un autre Isopode, Asellus aquaticus (Marie-Louise Balesdent, 1965), le sexe est fixé et stabilisé dès l’état embryonnaire. Il ne peut plus être modifié, même par l’implantation d’une glande androgène à une très jeune femelle.

Tout comme chez les Insectes, les neurohormones interviendraient également dans les changements de sexe. Au niveau du pédoncule oculaire d’Anilocra physodes, Isopode hermaphrodite successif, est sécrétée une androstimuline. L’implantation de ce pédoncule chez Anilocra stimule, si la sécrétion est assez élevée, la glande androgène, et la phase mâle se maintient. Si le taux de la sécrétion diminue, la glande androgène régresse et la phase femelle apparaît progressivement.


Hydraires

Paul Brien réalise des greffes longitudinales en parabiose entre deux polypes de Hydra fusca adultes de sexe différent. La parabiose est suivie de régulation, ce qui donne un polype simple, dont une moitié mâle, l’autre femelle. La masculinisation se généralise aux deux faces ; l’état physiologique mâle domine et remplace l’état physiologique femelle. La dominance mâle peut être incomplète ; la face femelle présente alors tous les degrés d’intersexualité. L’état physiologique mâle se propage sur la face femelle comme si une substance sexuelle gonotrope était élaborée par la paroi de la colonne gastrique capable d’être en gamétogenèse et se répandait dans la paroi femelle. La sexualisation est encore épigénétique.


Conclusions

La sexualisation des cellules germinales résulte de l’intervention de cellules somatiques : cellules des glandes androgènes, cellules interstitielles des gonades. Plus ou moins précoce, elle se marque de plus en plus et s’établit définitivement.

A. T.

➙ Chromosome / Dimorphisme sexuel / Fécondation / Femelle / Gamète / Génital / Hermaphrodisme / Hormone / Intersexualité / Jumeaux / Mâle / Ovaire / Reproduction / Testicule.

 M. Aron et P.-P. Grassé, Précis de biologie animale (Masson, 1935 ; nouv. éd., 1966). / É. Wolff, les Changements de sexe (Gallimard, 1946). / V. Dantchakoff, le Sexe. Rôle de l’hérédité et des hormones dans sa réalisation (P. U. F., 1949). / K. Ponse, la Différenciation du sexe et l’intersexualité chez les Vertébrés (Rouge, Lausanne, 1949). / M. Caullery, Organisme et sexualité (Doin, 1951). / G. Bacci, Sex Determination (Oxford et New York, 1965). / P. Brien, Biologie de la reproduction animale. Blastogenèse, gamétogenèse, sexualisation (Masson, 1966). / C. Houillon, Introduction à la biologie, t. IV : Sexualité (Hermann, 1967). / J. Rostand et A. Tétry, la Vie (Larousse, 1962 ; nouv. éd., 1970). / J. Savel, Biologie animale, t. I : Cytologie, Reproduction (C. D. U., 1970).

sexualité

Ensemble des comportements affectifs et physiologiques faisant intervenir la fonction sexuelle.



Introduction

Dans la mythologie qui s’est constituée autour de la psychanalyse depuis ses origines, la sexualité semble être la principale « découverte » d’une science qui lui serait exclusivement consacrée. Freud* serait l’Asmodée de la psychologie : celui qui soulève les toits des maisons pour faire surgir les désirs cachés d’une sexualité pervertie. Il faut, quand il s’agit de sexualité, faire justice de cette mythologie : car, s’il est vrai que dans la Vienne du début du siècle, Freud, en commençant d’élaborer la théorie rigoureuse de la sexualité humaine, s’est heurté à la rigidité d’une éducation puritaine, la situation n’est plus la même maintenant que la psychanalyse s’est largement répandue. Toutefois, pour évaluer correctement la portée de la théorie freudienne, il faut pouvoir replacer dans son contexte historique la découverte d’une sexualité qui, de traverser la totalité des actes de la vie, apparaissait nécessairement comme la « grande affaire » de cette science naissante. Il n’en va plus de même aujourd’hui, au point que certains voient dans la pensée freudienne une pensée répressive, rigide, brimant la sexualité sur le plan théorique et la remettant dans l’ordre d’où elle pourrait s’échapper sur le plan pratique et thérapeutique. L’impact de la psychanalyse n’est plus centré sur la sexualité : pour autant, la théorie qu’elle en donne est la seule base valable pour penser dans sa totalité le sujet, son histoire, ses contradictions.

La sexologie

Depuis quelques années, on assiste à une apparente libéralisation de l’opinion en ce qui concerne les questions sexuelles. La sexualité n’est plus un tabou, comme en témoignent les abondantes publications de vulgarisation sur ce sujet. Celles-ci répandent dans le public le modèle d’un comportement sexuel « normal ». Ces normes sont présentées comme étant le résultat d’observations scientifiques. En effet, la sexualité tend de plus en plus à être récupérée par la médecine, bien que la sexologie ne soit pas encore l’objet d’un enseignement médical officiel en France. Mais à la suite du premier congrès mondial de sexologie réuni à Paris en juillet 1974, une société française de sexologie clinique s’est créée.

En dehors du célèbre rapport Kinsey sur le comportement sexuel de l’homme (1948) et de la femme (1953) et de l’enquête du docteur Pierre Simon sur le comportement sexuel des Français (1972), les travaux les plus célèbres, dans le domaine de la sexologie, sont ceux de William H. Masters, gynécologue, et de Virginia Johnson, qui, en 1966, publièrent le résultat de leur étude du comportement sexuel de couples de volontaires en laboratoire (les Réactions sexuelles). Ils y distinguent ainsi quatre phases : excitation, plateau, orgasme et résolution. À partir de leurs observations, ils proposèrent une méthode de traitement des difficultés sexuelles du couple, méthode qui fait fortune aux États-Unis. Ils envisagent les troubles sexuels comme des troubles de la communication entre partenaires d’un couple, et pensent qu’il faut les traiter ensemble plutôt que séparément. Masters et Johnson estiment également que le traitement doit être conduit par un couple de thérapeutes, homme et femme, qui confrontent leurs opinions. La thérapie purement verbale se compose d’entretiens au cours desquels le couple de patients exprime ses difficultés. Le couple de thérapeutes leur propose une série d’exercices à faire chez eux — visant à faire disparaître leurs inhibitions et leurs angoisses devant leur propre corps et le corps de l’autre par des explorations et des attouchements — ce dont ils viennent rendre compte à la séance suivante.

En admettant que la sexualité puisse être l’objet d’une science, on voit que celle-ci n’en est encore qu’à ses balbutiements.

A. D.