Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sexualisation (suite)

La sexualisation chez les Invertébrés

Elle fournit des indications précieuses sur la physiologie de la sexualisation.

Dans les cas d’hermaphrodisme successif, l’animal jeune est mâle ; en vieillissant, il devient femelle (Huîtres, Crépidules, des Polychètes) ; les deux états sexuels se réalisent successivement. Des recherches ont été pratiquées sur un Mollusque Prosobranche, Crepidula fornica, ainsi que chez un Polychète, Ophryotrocha puerilis (v. hermaphrodisme).

Ces cas d’hermaphrodisme successif montrent que le rôle des facteurs génétiques est totalement neutralisé lorsque se produisent des changements de sexe définitifs.

Un cas intéressant est fourni par un Échiurien, la Bonellie (Bonellia viridis), qui présente un dimorphisme sexuel très accusé. La femelle, longue de 30 à 100 cm selon les espèces, présente une structure échiurienne ; le corps, ovale, se prolonge par une trompe épanouie en un pavillon cilié parcouru par une gouttière ciliée. Le mâle nain, long de 1 à 2 mm, possède une organisation rudimentaire. Dépourvu de trompe, il vit en parasite sur la femelle ; il se fixe sur la trompe de la femelle, descend dans le tube digestif et s’installe dans l’utérus, d’où il fécondera les ovules avant leur ponte. Mâles et femelles peuvent provenir d’une même larve. Une larve libre se développe et devient femelle. Chez une larve qui se fixe sur la trompe d’une femelle adulte, le développement s’arrête ; cette larve devient un mâle ; la fixation doit durer au moins 48 heures pour assurer l’apparition d’un mâle. Détachée avant 48 heures et maintenue libre, la larve donnera une femelle ou une femelle intersexuée selon la durée de la fixation. L’organogenèse qui assure la structure mâle se réalise selon un gradient qui part de l’endroit de la fixation, donc de l’extrémité antérieure, comme si une substance diffusait de la trompe femelle, sur laquelle la larve est fixée. Cette substance, tout en inhibant le développement normal, provoque en même temps celui du testicule ; la trompe exerce une double action : inhibition du développement et masculinisation. Des extraits de trompe dissous dans de l’eau exercent, même à concentration très faible, une action masculinisante, alors que les extraits d’autres organes restent sans effet. Des facteurs externes n’ayant pas de rapport avec les gonades et différents de l’action génétique déterminent la sexualisation ; leur action est prépondérante.


Annélides

Les Oligochètes sont hermaphrodites ; expérimentalement, il est prouvé que les gonades n’exercent pas d’action sur l’apparition des caractères sexuels secondaires ; celle-ci est conditionnée par une autre sécrétion endocrine, une hormone de puberté, dont la sécrétion est solidaire de la maturité sexuelle, qui, elle-même, peut être provoquée par une nutrition abondante. Un jeûne prolongé chez les Vers de terre (Allolobophora terrestris, Eisenia fœtida) détermine la régression des gonades. Lors de la reprise d’une nutrition suffisante, la gamétogenèse reprend ; mais, souvent, le testicule devient un ovotestis, c’est-à-dire qu’il contient des ovocytes.

Les Polychètes sont le plus souvent gonochoriques, mais, au cours de la stolonisation, le sexe du stolon varie. Ainsi, chez Syllis amica, les stolons émis sont mâles ou femelles selon le sexe du géniteur ; lors de stolonisations successives, une masculinisation progressive se manifeste, avec un retour toujours possible du sexe initial. Un phénomène analogue se présente chez Autolytus.

Ces observations infirment le rôle primordial du déterminisme génétique.


La sexualisation chez les Insectes

L’irradiation par des ultraviolets de la région polaire des œufs de Drosophila melanogaster détruit cette région, qui renferme le déterminant germinal. L’œuf poursuit son développement et donne des larves qui, après les mues, se métamorphosent en adultes normaux des deux sexes, possédant des ovaires ou des testicules ; mais ces gonades sont agamétiques, c’est-à-dire qu’elles ne possèdent pas de cellules germinales ; elles sont minuscules ; le testicule, privé de spermatogonies, renferme du tissu apical ; l’ovaire comprend des gaines ovariques peu développées, avec des chambres germinatives étroites et dépourvues d’ovogonies. Mais le dimorphisme sexuel somatique de ces adultes est tout à fait normal ; la différenciation somatique des gonades est aussi précoce que celle des cellules germinales et en est indépendante. Le déterminisme sexuel somatique et germinal est génétique et fixé dès la fécondation. Mais ce sexe génétique de l’œuf est-il définitif ? Ne peut-il être modifié ? Diverses expériences répondent à ces questions.

Le dimorphisme sexuel du Papillon Orgyia antiqua intéresse les ailes ; le mâle possède des ailes normales, et la femelle des ailes atrophiées. H. Paul (1937) prélève des disques imaginaux alaires chez des chenilles femelles (intermue 3-4) et les implante dans la région alaire de chenilles mâles de même âge. Ces disques imaginaux femelles se développent totalement en ailes identiques à celles du mâle. Ces ébauches alaires femelles trouvent donc chez les chenilles mâles des conditions qui leur permettent de réaliser un développement correspondant à celui du mâle. Si l’on fait l’expérience inverse, les disques imaginaux alaires de chenilles mâles implantés chez des chenilles femelles se développent totalement en ailes normales sans subir aucune influence de l’hôte. Joseph Bergerard (1958) expérimente sur le Phasme Carausius morosus, espèce parthénogénétique thélytoque constante ; un changement de température entraîne des modifications de sexe. Des œufs placés à 30 °C pendant la période sensible (les trente premiers jours de la vie embryonnaire) engendrent des mâles ; la masculinisation se manifeste successivement sur les caractères sexuels secondaires, les pièces génitales externes, les canaux gonadiques des gonades. Le même traitement, appliqué pendant un temps plus court, produit des intersexués.