Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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services (suite)

La liberté de localisation de celui qui vend des services vis-à-vis de son client est grande toutes les fois que l’information peut parfaitement voyager sous la forme de plis ou de messages téléphoniques : il est des commerces qui fonctionnent sans boutiques, autour d’un central qui reçoit des appels ou des lettres ; ils assurent l’expédition des articles demandés par la poste ou par le rail sans que leur localisation vis-à-vis de la majorité des demandeurs soit un élément décisif dans leur réussite.

À l’autre extrémité de l’échelle des libertés de localisations, on trouve les services personnels traditionnels, ceux de domesticité. L’employé vit chez ses patrons. Dans d’autres cas, ce n’est pas à la clientèle que celui qui rend les services est lié, mais à certaines données physiques. Les personnels des transports sont disposés en partie en fonction de la demande, aux terminaux des lignes, et en partie le long des axes desservis. La mécanisation fait de nos jours que les services commerciaux et les opérations de chargement et de déchargement sont souvent les plus gros employeurs.

La situation la plus normale, en matière de liens entre offreur et client, est celle pour laquelle la relation face à face est indispensable. Il faut alors qu’un ou l’autre des partenaires se déplace. Il arrive que ce soit le vendeur : on pense aux artisans à domicile de jadis ou aux médecins de famille qui répondent aux appels et courent d’appartement en appartement. Généralement, le temps du spécialiste vaut plus cher que celui de son client, si bien que c’est la solution inverse qui prévaut. La géographie des services est alors commandée par le rythme et la régularité des mouvements.

Il arrive que les déplacements soient irréguliers à la fois dans le temps et dans l’espace, et que la clientèle change fréquemment de fournisseur. Le tourisme entre dans ce cadre : un hôtelier reçoit sans cesse des nouveaux venus, dont beaucoup ne reviendront jamais. La distance, en pareil cas, n’est pas un élément aussi contraignant que pour des relations plus régulières. On a plus d’occasions de visiter des lieux, proches, mais on n’hésite pas à aller au loin pour trouver un cadre plus riche, un climat plus clément, des plages plus ensoleillées : la géographie de ces services est plus marquée par les aménités que par la localisation de la clientèle. Celle-ci choisit son itinéraire en fonction des paysages qu’elle désire voir, des sports qu’elle désire pratiquer, ce qui la lie aux avantages qu’offre le monde naturel ; elle l’aménage aussi pour bénéficier de services confortables et pour visiter monuments et centres historiques, ce qui dénote une relation inverse : c’est alors la répartition des activités tertiaires passées ou présentes qui modèle les cheminements et les régions de séjour. Lorsqu’on compare les grandes zones touristiques européennes, on est frappé de voir combien les traits de leurs équipements se marquent dans le type de leur fréquentation. Les régions les plus tôt lancées, lacs italiens, Alpes suisses, Côte d’Azur française, offrent des ressources si variées qu’elles arrivent à attirer de la clientèle à longueur d’année, mais elles ont peu d’attrait sur les masses de jeunes, d’automobilistes, d’amateurs de grand air et de soleil, qui constituent l’essentiel de la clientèle d’été sur les côtes d’Espagne ou de Balkans. Plus loin, les très grands hôtels à équipements intégrés (piscines, centres commerciaux, salles de spectacle) absorbent sans peine la clientèle des charters pour laquelle ils ont été édifiés.

En matière de relations de services, le cas le plus fréquent est celui où les mouvements se reproduisent de période en période. Le client se déplace plus ou moins souvent en fonction de la nature de ses besoins et de leur urgence. C’est dans ce domaine que les recherches récentes ont apporté le plus de résultats intéressants. Le comportement d’achat des clients semble en effet dicté par un certain nombre de règles simples : on consacre d’autant moins de temps à se déplacer pour obtenir un service que celui-ci est plus insignifiant et que son besoin est plus fréquent. On accepte d’aller plus loin si le besoin est intermittent ou irrégulier et si la satisfaction n’est pas assurée partout dans les mêmes conditions. Pour minimiser les frais, on préfère trouver réunis au même point une variété de services : on amortit ainsi les frais et la fatigue du déplacement sur un plus grand nombre de prestations.

La répartition des activités de services s’explique alors facilement en fonction de celle de la clientèle, des distances qu’elle accepte de parcourir et des seuils au-dessous desquels les établissements ne peuvent pas subsister. Les administrations, les commerces, les écoles, les hôpitaux s’installent en des lieux centraux pour la population desservie. Un service ne peut toucher de clients au-delà d’une certaine distance, la portée-limite, qui correspond au rayon qui entraîne des frais et des pertes de temps qui annulent les avantages que l’on attend de la prestation. En fait, de nouvelles entreprises entrent dans le secteur tant qu’il est possible d’y gagner de l’argent, si bien que le rayon desservi est plus petit : c’est celui qui correspond au seuil de rentabilité pour l’activité considérée. Si la clientèle est uniformément répartie, comme c’est souvent le cas dans les régions agricoles de plaine, les centres qui fournissent un service donné sont disposés régulièrement ; pour toucher tout le monde, les cercles qu’ils peuvent desservir se recouvrent un peu, jusqu’à ne plus laisser de vide dans le tissu ; la plaine est alors divisée par un réseau régulier d’hexagones.

Pour bénéficier des avantages qui naissent de la réunion, en un point, d’activités diverses, les offreurs renoncent souvent à une partie de leur marché potentiel : les aires de marché pour différents services se présentent sous la forme de pyramides emboîtées ; les centres élémentaires ne fournissent que les services les plus ordinaires ; les centres de niveau supérieur y ajoutent une gamme de plus en plus diverse à mesure qu’ils dominent des aires plus grandes.