Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

services (suite)

Les informations ne sont pas toujours neutres. Elles sont indispensables à la définition d’une politique. Elles autorisent la formulation d’ordres : le rôle des administrations est d’effectuer ce double mouvement en sens inverse, de réunir ce qui doit guider le pouvoir en l’éclairant sur la situation réelle et d’exécuter les opérations qu’il juge alors indispensables. Les administrations sont à la fois des expressions de l’autorité et les rouages indispensables d’un réseau de collecte des informations.

Tous les services rendus aux personnes ne sont cependant pas d’une nature aussi complexe que le traitement de l’information et les actions administratives qui caractérisent les économies avancées. Dans le monde traditionnel, les services les plus demandés étaient domestiques : au lieu d’effectuer elle-même des tâches ménagères, la famille les confiait à un personnel servile ou salarié. C’est encore aujourd’hui un secteur important d’activité, mais il est en déclin relatif. Tenir un appartement, une maison, s’occuper des enfants et des vieux dans le cadre d’une famille placent en effet dans une situation de dépendance qui est très mal supportée de nos jours. Les services personnels prennent donc une forme différente ; en Amérique du Nord, on est frappé par la prolifération des entreprises qui effectuent les travaux d’intérieur pénibles ou qui livrent des plats préparés. Aux heures des repas, ce sont de véritables flottes de voitures aux couleurs des traiteurs qui sillonnent les rues, répondant aux appels téléphoniques qui viennent de la ville entière. Lorsqu’un Américain veut être bien servi, il va passer quelques jours à l’hôtel, mais l’augmentation des coûts de la main-d’œuvre rend de plus en plus difficile la relation personnalisée. Dans un domaine voisin, les familles se soulagent fréquemment du soin des handicapés ou des personnes âgées en les confiant à des institutions spécialisées. Les malades entrent à l’hôpital : on ne se soigne plus à domicile.

Une bonne partie des activités tertiaires est constituée par des prestations qu’il est difficile de faire payer ; c’est vrai de beaucoup de services d’information, de la radio ou de la télévision par exemple. Ce l’est également en partie de l’éducation et de la santé, et totalement de l’administration et de la police. Ainsi s’introduit fréquemment une distorsion dans la structure des prestations disponibles. Dans les nations capitalistes, tous les services qu’il est possible de vendre directement sont assurés dans de bonnes conditions, mais il y a fréquemment pénurie au niveau de ceux dont le financement est assuré par l’autorité publique. Or, ce sont ceux qui donnent aux sociétés très groupées des villes l’ambiance de sécurité et d’urbanité indispensable à la qualité de la vie ; cela se traduit par la dégradation du climat social dans le cœur des grandes cités. Dans les pays d’économie socialiste, la situation est un peu à l’inverse. On est frappé de la place faite aux institutions scolaires, à tous les services aussi qui permettent l’épanouissement du corps ; on remarque l’importance des bibliothèques, la multiplicité des boutiques de disques et des librairies dans des environnements où les magasins sont rares et souvent de qualité médiocre. Ce qu’on ne peut financer que sur fonds publics est ici mieux assuré. Certaines convergences se dessinent cependant dans les très grandes villes ; le problème de la sécurité par exemple est mal réglé dans les métropoles socialistes comme dans les villes nord-américaines.

La géographie des services est en transformation rapide, car la part faite à ce secteur dans l’ensemble d’une économie augmente avec le progrès technique, comme on le sait depuis les travaux de Colin Clark et de Jean Fourastié. Les économies traditionnelles ont une agriculture inefficace, si bien que la presque totalité de la population doit s’y employer et que les besoins de produits manufacturés et de services sont sacrifiés. Au fur et à mesure que la productivité du travail augmente dans le secteur primaire et dans le secteur secondaire, la structure des consommations se modifie. Les besoins alimentaires sont mieux couverts, mais ils sont peu élastiques par rapport au revenu, si bien qu’on arrive très vite à saturation et que le progrès de la productivité permet de libérer une main-d’œuvre qui s’emploie dans d’autres secteurs. La gamme des produits manufacturés peut s’allonger presque indéfiniment, puisqu’il est possible de créer de nouveaux besoins et qu’il faut élaborer des équipements de plus en plus complexes. Avec le temps, cependant, l’élasticité de la demande par rapport au revenu diminue. Il n’y a plus qu’un secteur où la demande n’est pas encore satisfaite : c’est celui des services. La variété de ceux qui sont demandés est susceptible de s’accroître au fur et à mesure que la société fait plus de place aux activités intellectuelles ou artistiques ; elle augmente aussi du fait de l’étendue croissante des systèmes économiques, qui mobilisent plus de monde pour le transport et surtout pour l’élaboration, le traitement ou la manipulation de l’information. Comme la productivité est restée longtemps stationnaire dans presque toutes les branches de services, qu’elle n’a commencé à augmenter qu’avec la révolution électronique et que beaucoup d’activités ne sont pas encore touchées, on voit les effectifs employés dans le tertiaire se gonfler : ils représentent près des deux tiers des travailleurs aux États-Unis.


La répartition des services

Pour la comprendre, il importe de mettre en évidence les liens spatiaux qui se nouent entre les clients et ceux qui les pourvoient. Il arrive que ces liens soient très distendus : c’est le cas pour les mass media, qui livrent l’information grâce à des réseaux qui arrosent la totalité de l’espace, radio, télévision, cinéma par exemple, si bien qu’une localisation périphérique, comme celle de Hollywood par rapport aux États-Unis, peut se révéler satisfaisante. Pour la presse, liée à une infrastructure d’acheminement et de vente des journaux, la liberté est moins grande : la rédaction est assez indépendante, mais l’impression doit se faire au nœud du réseau qui permet de toucher le public.