Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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service national (suite)

• En marche vers le service universel. La défaite de 1870 a révélé la nécessité de disposer à la mobilisation du plus grand nombre possible d’hommes instruits. Aussi est-ce à cette époque que remonte l’idée nouvelle d’ajouter au concept d’armée - instrument de défense permanent du pays (qui demeure) celui d’armée - cadre, où les citoyens viennent s’instruire en temps de paix et les réserves se ranger en cas de guerre. Une telle idée ne pouvait qu’aboutir au service militaire universel. Si l’opposition de Thiers réussit à faire retarder encore l’égalité devant le service, l’Assemblée adopte pourtant en 1872 le principe d’un service étalé sur vingt ans, personnel et obligatoire (bien qu’il comporte de nombreuses dispenses, notamment pour les ministres des cultes), mais encore inégal puisque le sort départage ceux qui font cinq ans (en fait de quarante à cinquante mois) de ceux qui se contentent d’un an (en fait de six à dix mois) de service actif. En outre est créé un volontariat (ou engagement conditionnel) d’un an réservé aux titulaires de certains diplômes (env. 6 000 hommes) moyennant versement d’une somme de 1 500 F. Avec la loi de 1889 ramenant à trois ans la durée du service actif, l’inégalité persiste en faveur de certains privilégiés (soutiens de famille, étudiants..., dits « libérés conditionnels »), qui ne font qu’un an, mais les dispenses sont supprimées et, pour la première fois, toute la classe est incorporée.


De la loi de 1905 à la fin de la guerre d’Algérie

Durant les soixante premières années du xxe s., dont près de la moitié furent sous des formes très diverses des années de guerre, la physionomie de l’armée française reste dominée par son recrutement, qui en fait l’expression par excellence de la nation armée. Fondée sur le service militaire universel et sur l’emploi systématique des réserves, c’est une armée d’effectifs qui reflète en tout temps l’état moral et social du pays. Jusqu’en 1959, les lois qui se succèdent ne font qu’aménager, au gré des circonstances, les principes de base affirmés par la loi du 21 mars 1905, qui marquent la réalisation la plus parfaite de l’armée nationale :
— le service militaire est national : nul ne peut être admis dans les armées françaises s’il n’est Français (les étrangers ne peuvent servir la France que dans des corps spéciaux [v. Légion étrangère]) ;
— le service est un honneur : aussi les individus qui ont subi certaines condamnations sont-ils soumis à un régime particulier ;
— le service est personnel, nul ne pouvant s’y faire remplacer ; il est obligatoire pour tous, sauf incapacité physique.

Sa durée est égale pour tous, chacun devant être formé dans le rôle qui lui est dévolu dans l’armée mobilisée. Tout le contingent est incorporé : les jeunes gens de faible constitution sont classés dans une catégorie spéciale, dite « service auxiliaire », une allocation est versée aux parents des recrues classées soutien de famille, les étudiants ne bénéficient plus que de la faveur d’obtenir un sursis d’incorporation pour ne pas interrompre leurs études, enfin la formation d’officiers et de sous-officiers de réserve est organisée au cours même du service actif.

Symbole de l’unité nationale, tenue jusqu’en 1945 en dehors de la politique par le retrait du droit de vote aux militaires en service, l’armée constitue une sorte de domaine réservé qui appartient en commun à tous les Français. Personne ne se prive de la critiquer, chacun cependant y reconnaît quelque chose de soi-même. Voyant passer dans ses rangs la totalité de la jeunesse du pays, elle joue un rôle social et humain que Lyautey* a été le premier à souligner. Dans son célèbre article sur le rôle social de l’officier, qui inspirera plusieurs générations de cadres, il écrit en 1891 : « Notre vœu c’est que, dans toute éducation, vous introduisiez [...] cette idée nouvelle qu’à l’obligation légale du service militaire correspond l’obligation morale de lui faire produire les conséquences les plus salutaires au point de vue social. »

Ces principes, consacrés par la victoire de 1918, ne seront pratiquement pas remis en cause. Seules varieront désormais la durée du service actif ainsi que certaines modalités d’exécution comme la création de la disponibilité, de l’affectation spéciale, de la présélection du contingent. C’est avec ce système de recrutement que la France affrontera la Seconde Guerre mondiale. Elle le rétablira en 1946 et, après la guerre d’Indochine, menée par les seuls militaires de carrière, l’appliquera dans toute son ampleur durant la guerre d’Algérie, où, à partir de 1956, le contingent ayant accompli un service actif de dix-huit mois sera jusqu’en 1962 maintenu plusieurs mois sous les drapeaux au titre de la disponibilité.


Du service militaire au service national

Les exigences des fabrications d’armement, celles qui étaient nées du maintien d’un niveau de vie acceptable pour les populations civiles avaient apporté en 1914-1918 la première brèche au principe d’une mobilisation trop exclusivement militaire, et il avait fallu rappeler des milliers d’hommes du front.

À cette expérience répond, dans la loi de recrutement de 1928, le système des affectations dites « spéciales », qui, dans le cadre de l’armée mobilisée, dont les affectés spéciaux font toujours partie, permet de satisfaire aux besoins civils de la défense, au fonctionnement des administrations ou au maintien de la vie économique du pays. Aux affectations spéciales, la loi du 11 juillet 1938, portant organisation de la nation en temps de guerre, ajoute la réquisition temporaire ou permanente des personnes, fondée soit sur des qualifications (dans ce cas, elle est individuelle), soit sur l’appartenance à un service ou à une entreprise dont la marche est jugée indispensable à la défense ou aux besoins du pays (dans ce cas, la réquisition est collective).

Depuis 1945, les expériences de la Seconde Guerre mondiale, et notamment celles des bombardements aériens, la menace peu à peu généralisée de l’emploi de l’arme nucléaire, les cataclysmes de tous ordres (tremblements de terre, raz de marée...) qui, périodiquement, bouleversent l’opinion mondiale ont encore considérablement accru la nécessité de protéger les populations, à laquelle répond en France la création, en 1951, d’un Service national de la protection* civile.