Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Athos (mont) (suite)

République de moines, « Jardin de la Vierge »

La « Sainte Montagne » est la dernière de ces colonies monastiques que l’Orient chrétien a multipliées de l’Égypte à l’Asie Mineure. C’est une république de moines, autonome sous le protectorat politique de la Grèce et la haute juridiction canonique du patriarcat de Constantinople. Cette république confédérale est à l’image de l’Église orthodoxe : les représentants de vingt grands monastères quasi souverains forment, dans la petite ville de Karyaí, la « sainte communauté », qui désigne chaque année un comité exécutif de quatre membres.

Cet État purement masculin, ou plutôt « Jardin de la Vierge », est interdit à toute autre présence féminine, afin que l’éros s’intériorise et que l’homme naisse à l’éternité.


Le monachisme athonite

Le monachisme athonite est purement contemplatif. Mais la contemplation, toujours unie au travail manuel le plus humble, est conçue comme la forme suprême de l’action. Elle protège le monde et prépare sa transfiguration. Certains moines deviennent des « pères spirituels » au service des hommes.


Les types de vie monastique

Il en existe trois, avec progression possible de l’un à l’autre.
— Dans les monastères « idiorrythmiques », chaque moine suit « son propre rythme » et vit à part. Seuls les principaux offices sont célébrés en commun.
— Dans les monastères « cénobitiques » (communautaires), l’accent est mis sur la vie commune, l’obéissance, la psalmodie, les très longs offices, souvent nocturnes. Il n’y a pas de « règle » proprement dite, mais des indications et des exemples qui varient avec chaque communauté.
— La voie « hésychaste » (du gr. hêsykhia, « silence » de l’union avec Dieu) est pratiquée par des ermites et par de petits groupes de disciples autour d’un maître spirituel librement choisi. L’hésychasme est une méthode rigoureuse, qui utilise l’invocation du Nom de Jésus sur les grands rythmes corporels, permet d’unifier l’intelligence et le « cœur », et transforme le moine en stavrophore (« porteur de l’Esprit »), ressuscité dès ici-bas par les « énergies divines » qui rayonnent du Christ transfiguré (« lumière thaborique »).


L’Athos, cœur de l’orthodoxie

Depuis ses origines (ce sont les édits de Constantin Monomaque, au milieu du xie s., qui en constituèrent la charte), le monachisme athonite a assuré un ministère d’unité et d’universalité, devenant le centre spirituel d’une orthodoxie qui s’organisait en Églises presque indépendantes. Tous les pays orthodoxes envoyaient sur la Sainte Montagne moines et pèlerins ; tous accueillaient des missionnaires athonites. Les Bénédictins eurent un monastère à l’Athos jusqu’au xiiie s. Au xixe s. et jusqu’en 1914, l’afflux des moines russes fut immense.

Les renouveaux qui ont sauvé l’Église orthodoxe, l’un autour de 1300, l’autre autour de 1800, sont tous deux partis de l’Athos. Au xive s., saint Grégoire Palamas réalise une grandiose synthèse, inséparablement théologique et mystique. À la fin du xviiie s., saint Nicodème l’Hagiorite (du gr. ághion oros, « sainte montagne ») rassemble une vaste anthologie de textes spirituels, la Philocalie (mot à mot : « amour de la beauté »). L’un et l’autre ont porté témoignage d’une expérience spirituelle capable de rénover l’Église et d’illuminer la culture (comme on peut l’observer aussi bien dans la « renaissance » des Paléologues que dans l’œuvre d’un Dostoïevski).

Les monastères

Meghístis Lávras, Vatopedhíou, Ivíron, Khiliandharíou, Dhionyssíou, Koutloumoussíou, Pandokrátoros, Xiropotámou, Zoghráfou, Dhokhiaríou, Karakállou, Filothéou, Símonos Pétras, Aghíou Páulou, Stavronikíta, Xenofóndos, Ghrighoríou, Esfighménou, Aghíou Pandeleímonos, Konstamonítou.


La crise actuelle

Les révolutions du xxe s. ont tari le recrutement slave et roumain, et cet affaiblissement numérique se traduit par des phénomènes de sclérose et parfois de démoralisation.

Mais la crise est aussi psychosociale, par inadaptation croissante d’un monachisme lié à une société agraire et traditionnelle. L’Athos, menacé, réagit trop souvent par la méfiance et le refus devant le monde contemporain.

Pourtant, quelques monastères grecs connaissent un renouveau, et la tradition hésychaste persiste au « désert ». Un des plus grands spirituels orthodoxes du xxe s. fut un moine athonite, le starets Sylvain, mort en 1938 en priant pour le salut universel.

En 1963, les fêtes du millénaire ont rassemblé sur la Sainte Montagne, autour du patriarche œcuménique Athênagoras Ier, les patriarches ou les représentants au plus haut niveau de toute l’orthodoxie. Des liens ont été renoués entre les monastères non grecs et leurs Églises, et celles-ci, depuis, ont pu envoyer quelques moines : renouveau timide, malgré les obstacles politiques, d’un service d’universalité.

O. C.


L’art

La communauté monastique du mont Athos a accumulé depuis des siècles des trésors artistiques inestimables, dans le domaine de l’architecture, mais surtout de la peinture et des arts mineurs. Malgré les ravages du temps, un grand nombre de ces trésors ont été conservés, particulièrement pour certaines périodes. Beaucoup restent encore inconnus.


Architecture

Les bâtiments monastiques se présentent comme de petites forteresses et sont situés dans un paysage grandiose. Ils sont entourés de hautes murailles flanquées de tours-donjons et munies d’entrées fortifiées. Le katholikon, église principale, et le réfectoire sont au centre d’une cour sur laquelle donnent, adossés contre le mur d’enceinte, les corps des cellules, avec portiques à l’étage, et les annexes. Dans la cour se trouve la phiale, édicule circulaire à coupole reposant sur des colonnettes. L’arsenal, avec une tour fortifiée, est en dehors de l’enceinte. Cet aspect est modifié par des constructions plus récentes (xviie s.), qui déterminent une orientation des bâtiments vers l’extérieur, avec fenêtres et balcons au-dessus des murailles, et qui les font ressembler aux constructions civiles contemporaines de Macédoine. Des portails classiques ont été parfois ajoutés aux xixe et xxe s., tandis que s’élevaient les grands bâtiments et les églises des couvents russes.