Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sénoufos

Groupe ethnique réparti en Côte-d’Ivoire, au Mali et en Haute-Volta, et s’étendant depuis le sud de Ségou, au Mali, jusqu’au nord de Bouaké, en Côte-d’Ivoire.


Les Sénoufos sont des agriculteurs sédentaires. Le village, parfois entouré d’un mur d’enceinte (contre les invasions des Mandés), rassemble des maisons cylindriques ou rectangulaires, faites de terre battue ou d’argile séchée, et serrées les unes près des autres.

Le sol est partout exploité, et les Sénoufos pratiquent l’alternance des cultures. La culture du riz est assez développée (l’excédent en est exporté) ; elle oblige à des travaux d’irrigation et de drainage pendant la saison sèche. Les Sénoufos cultivent aussi le mil (aliment de base), l’igname, le maïs ; le manioc et la patate restent des cultures d’appoint. La culture du coton a été mal accueillie ; par contre, celle de l’arachide progresse. Les Sénoufos élèvent quelques moutons et quelques chèvres.

L’artisanat est essentiellement masculin ; sous l’influence des Mandés et de l’islām, le tissage du coton se développe. Les Sénoufos travaillent le cuivre, mais ils sont surtout célèbres par leurs sculptures sur bois, les kpembélé (masques rituels, statuettes de génies, sièges, chaises, portes) exécutées par un groupe de professionnels.

La cellule familiale peut aller du couple à la famille étendue. Son chef est un médiateur ; il représente les ancêtres, et c’est ce qui lui confère son autorité. Chaque famille porte le nom d’un animal sacré.

Les chefferies des Sénoufos restent fermement établies, bien qu’elles aient abandonné leurs prérogatives coutumières.

La circoncision n’est pas généralisée. Le mariage sénoufo, légalement polygame, se célèbre pendant une durée variable, allant parfois jusqu’à plusieurs mois, pendant lesquels s’échangent visites et cadeaux dans les familles respectives. De plus en plus, une certaine somme d’argent est réclamée par la famille de la fiancée.

La propriété de la terre est traditionnellement collective et sacrée ; les habitants n’en ont qu’un droit d’usage ; cependant, un individu peut s’approprier une terre s’il défriche lui-même une parcelle réputée occupée par les génies bandéguélé.

La vie religieuse des Sénoufos est associée à l’organisation initiatique, le lô-poro. Les rites initiatiques se déroulent sur vingt et une années, pendant trois phases pour un individu. Les mariages ne sont possibles que si le mari est parvenu à un certain stade de l’initiation. Le panthéon des Sénoufos est formé de deux dieux principaux : l’un, koulo-tyolo, le démiurge ; l’autre, ka tyéléo, la déesse mère. Le premier agit sur les humains par des médiateurs invisibles. Il y a quelques divinités inférieures agissant directement sur les hommes et de petits génies (bandéguélé).

J. C.

 B. Holas, les Sénoufo (P. U. F., 1957 ; nouv. éd., 1966) ; Sculptures Sénoufo (Impr. A. Bontemps, Limoges, 1964).

Sens

Ch.-l. d’arrond. de l’Yonne ; 27 930 hab. (Sénonais) 34 990 dans l’agglomération].



La situation

Sans la splendeur de la cathédrale Saint-Étienne, on aurait de la peine à croire, devant cette petite ville paisible, à son importance passée. L’essor de la ville fut contrarié par la réorganisation féodale de la France. Sur le plan local, sa position était bonne, au contact du Gâtinais et de la Champagne sénonaise, tout près de la forêt d’Othe, sur l’Yonne, qui a de tout temps offert une route vers le sud-est et les pays de la Saône : cela suffisait à appeler une vie locale active, autour d’un marché. Mais pour tenir une place plus grande, Sens était désormais mal situé, à la jointure de plusieurs provinces : la ville fut tour à tour champenoise et française avant de se trouver rattachée au département de l’Yonne et à la Bourgogne.

La cathédrale domine un vieux quartier enserré de boulevards et remarquable par ses églises et ses maisons à colombages. Au-delà, la poussée urbaine est restée longtemps modeste, à l’image d’une sous-préfecture qui était aussi un marché agricole, mais que l’industrie avait désertée depuis la fin de l’activité drapante. La bonneterie, tard venue, ne tenait qu’une place timide. Il a fallu la décentralisation, facilitée par la proximité de l’autoroute, pour que la ville double de population par rapport à l’avant-guerre. L’agglomération compte une demi-douzaine d’établissements importants, surtout dans le domaine de la mécanique. L’essor récent renforce de plus en plus l’emprise parisienne, dans l’orbite de laquelle Sens est placé, hors de la sphère d’activité proprement bourguignonne.

P. C.


L’histoire

Sens s’élève sur l’emplacement de la ville d’Agedincum, qui était alors la capitale des Sénons. D’abord alliée des Romains en 57 av. J.-C. contre les peuples de la Belgique, les Sénons, auxquels César avait imposé un roi, Cavarinus, se révoltèrent bientôt contre Rome (54) et s’allièrent aux Carnutes et aux Trévires pour lui résister.

César décida de les châtier, mais, grâce à l’intervention des Éduens, il s’abstint de ravager leur territoire ; toutefois, il se fit livrer leur chef et chargea ses légions d’occuper Agedincum. Les Sénons n’en adhérèrent pas moins à la ligue formée par Vercingétorix et envoyèrent un contingent à Alésia. Après la défaite de Vercingétorix, le chef sénon, Drappès, tenta encore, mais vainement, de fomenter un soulèvement.

Au ive s., Agedincum prit le nom de la tribu qui peuplait la ville, Senones, et devint le chef-lieu de la ive Lyonnaise. L’époque gallo-romaine y vit l’édification de riches monuments : temples, thermes et amphithéâtre. En 356, l’empereur Julien, de passage à Sens, fit restaurer ses fortifications et y soutint un siège contre les envahisseurs barbares.

Après l’introduction du christianisme au iiie s., Sens devint le siège d’un évêché, puis d’un archevêché, qui revendiqua sur Lyon la primatie des Gaules et qui fut la métropole de Paris jusqu’en 1622 ; de nombreux conciles se tinrent à Sens, dont celui de 1140, qui vit la condamnation des doctrines d’Abélard ; sous les Mérovingiens, de grandes abbayes y furent fondées (Saint-Pierre-le-Vif, Sainte-Colombe).

La ville fut prise par les Normands en 887. Le duc de Bourgogne, Richard le Justicier, la délivra en 895 et la cité appartint dès lors au duché de Bourgogne. Sens subit encore l’assaut des Hongrois en 937, puis des Saxons en 959.

En 1015, le roi Robert II le Pieux vint y assiéger le comte Rainard II, coupable d’avoir offensé l’archevêque. Vaincu, ce dernier dut céder le comté de Sens au roi et à l’archevêque, mais en en gardant l’usufruit sa vie durant. À sa mort, en 1055, le comté de Sens revint au roi Henri Ier, qui le réunit au domaine royal.