Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Senghor (Léopold Sédar)

Homme d’État et écrivain africain (Joal, près de Dakar, 1906).


Léopold Sédar Senghor est élève d’abord des Pères du Saint-Esprit, puis du lycée de Dakar. Il fréquente la khâgne de Louis-le-Grand et prépare en Sorbonne l’agrégation de grammaire, à laquelle il est reçu en 1935. Très tôt, il devient, par son œuvre de poète (Chants d’ombre, 1945 ; Hosties noires, 1948 ; Éthiopiques, 1956 ; Nocturnes, 1961) et d’essayiste (Liberté I. Négritude et humanisme, 1964), l’un des principaux défenseurs et illustrateurs de la négritude*.

Professeur au lycée de Tours et, à Paris, au lycée Marcellin-Berthelot (1935-1948), ce Sénégalais, citoyen français de culture latine et chrétienne, ne peut pas rester insensible au mouvement libéral qui remet en cause les relations de la France avec ses colonies. Au lendemain de la conférence de Brazzaville (janv. 1944), il publie dans la revue Renaissance un article essentiel : « Vues sur l’Afrique noire ou assimiler, non être assimilé », qui exprime l’idéal politique auquel il est toujours resté fidèle.

Il est député aux deux Constituantes (1945-46), puis à l’Assemblée nationale (1946-1958), secrétaire d’État à la présidence du Conseil dans le cabinet Edgar Faure (1955-56), ministre-conseiller du gouvernement de la République française pour les affaires intéressant la Communauté en juillet 1959, mais aussi maire de Thiès (1956) et leader du Bloc démocratique sénégalais (1948) ; ce mouvement s’oppose tant à l’intime collaboration des députés d’outre-mer avec les partis métropolitains (S. F. I. O.) qu’à la tendance centrifuge du Rassemblement démocratique africain, fondé par Félix Houphouët-Boigny*, député de la Côte-d’Ivoire, en 1946 et apparenté au parti communiste jusqu’en 1950.

Peu enthousiasmé par la loi-cadre de 1956, qui, en dotant chaque colonie d’une Assemblée territoriale et d’un Conseil exécutif, encourage la tendance à la « balkanisation », Senghor se prononce cependant au référendum de 1958 pour la Communauté française et devient président de la République du Sénégal en septembre 1960, après l’échec de la Fédération du Mali (20 août 1960). Son autorité, menacée par le complot du président du Conseil Mamadou Dia (1962), reste grande. Elle est fondée d’une part sur une volonté de libéralisme qui, si elle n’évite pas le parti unique, recherche le dialogue avec l’opposition et refuse les répressions sanglantes, et d’autre part sur le prestige intellectuel du président. Grand Prix international de poésie (1963), membre associé étranger de l’Institut de France (1969), docteur honoris causa de nombreuses universités françaises et étrangères, Senghor est toujours et partout homme de médiation et de synthèse. Aux carrefours du christianisme, de l’animisme et de l’islām, des cultures noires (négritude) et occidentales (toutes les grandes civilisations méditerranéennes ont été des civilisations de métissage), des conflits sociaux (le socialisme africain) et économiques (la dégradation des termes de l’échange), il incarne un humanisme universel et optimiste, qui l’apparente aux grands libéraux du xixe s. plutôt qu’aux dictateurs contemporains.

H. B.

➙ Afrique noire / Négritude / Sénégal.

 R. Segal, African Profiles (Londres, 1962). / A. Guibert, Léopold Sédar Senghor (Présence africaine, 1963). / J. Rous, Léopold Sédar Senghor, un président de l’Afrique nouvelle (Didier, 1967). / S. O. Mezu, Léopold Sédar Senghor et la défense et l’illustration de la civilisation noire (Didier, 1968). / E. Milcent et M. Sordet, Léopold Sédar Senghor et la naissance de l’Afrique moderne (Seghers, 1969).

Sennett (Michael Sinnott, dit Mack)

Producteur, metteur en scène et acteur de cinéma américain (Danville, Canada, 1884 - Hollywood 1960).


Sur les conseils de David Belasco, Mack Sennett tente tout d’abord sa chance dans la comédie musicale, espérant faire une carrière de chanteur. Mais, de 1900 à 1907, il ne parvient à décrocher que de petits rôles dans quelques opérettes et apparaît parfois comme chorus-boy dans plusieurs revues. Sa véritable vocation, il la doit très vraisemblablement à sa rencontre avec David W. Griffith*, avec qui il se lie d’amitié. Engagé par la Biograph en 1908, il joue dans certains films de Griffith et collabore même à l’élaboration de leur scénario. Il saisit la chance qu’on lui offre en 1911 quand il se voit appelé à remplacer un metteur en scène souffrant (Frank Powell). Après avoir tourné ses premières bandes, O’Brien l’invincible (One Round O’Brien) et Deux Bons Copains (Comrades), il se lance définitivement dans la grande aventure du cinéma en fondant — avec Charles Bauman et Adam Kessel — la Keystone Company (1912) et en quittant New York pour rallier Los Angeles, où, à raison de deux petits films par semaine, il va bientôt donner ses lettres de noblesse à un genre jusqu’alors peu exploré (en Amérique du moins) : le burlesque. Il s’entoure d’une troupe d’acteurs fidèles, dont les premières vedettes sont Mabel Normand, Ford Sterling et Fred Mace, mais qui s’enrichira au fil des ans des plus grands tempéraments comiques de l’époque (à de rares exceptions près) : « Fatty » Arbuckle, Charlie Chase, Chester Conklin, Ben Turpin, Mack Swain, Polly Moran, Al Saint John, Harold Lloyd, Harry Langdon, Andy Clyde, sans oublier le plus célèbre, Charles Chaplin (qui quittera la Keystone pour la Essanay dès 1914).

Grand découvreur de talents, producteur avisé, réalisateur plein de verve, superviseur attentif (de nombreux metteurs en scène travaillaient sous son contrôle, ainsi qu’une multitude de « gagmen »), Sennett insuffle petit à petit au film comique le sens du rythme et l’indispensable concision qui manquaient parfois aux petites bandes françaises ou italiennes de la même époque. Secondé par un monteur (Al Mac Neil) formé à l’école de Griffith, il va très rapidement rendre célèbres dans l’univers entier ses escouades de policiers (les « Keystone cops ») et ses baigneuses facétieuses (les « bathing beauties », parmi lesquelles Gloria Swanson, Bebe Daniels et Marie Prévost), qui évoluent dans un monde à la fois féerique et réaliste, ponctué de courses-poursuites, de culbutes loufoques et de cascades frénétiques. Cet « âge d’or de la tarte à la crème », comme l’ont surnommé certains historiens du cinéma, se prolongera jusqu’à l’avènement du cinéma parlant, qui mettra un terme à la vogue des acteurs comiques muets et bien souvent, également, à la carrière de leur metteur en scène. Mack Sennett n’échappera pas à la règle. Mais, lorsqu’en 1935 il cessera ses activités, il aura derrière lui une carrière bien remplie de pionnier, d’organisateur et de « coordinateur ». En 1915, en effet, il avait fondé la Triangle avec Thomas H. Ince et David W. Griffith, était passé en 1917 à la Paramount, puis avait fait partie en 1921 des Associated Producers (dont la distribution était assurée par la First National), avant de travailler à partir de 1923 pour Pathé.

J. L.-P.

 M. Sennett et C. Shipp, King of Comedy (New York, 1954). / D. Turconi, Mack Sennett, il re delle comiche (Rome, 1961 ; trad. fr. Mack Sennett, Seghers, 1966).