Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Sénégal (suite)

Le Sénégal de l’arachide

On avait trouvé dans l’arachide un produit d’exportation bien adapté au sol, au climat et aux habitudes africaines de culture et de commercialisation, en même temps qu’il était assuré d’un débouché croissant sur le marché français. De 850 t en 1842, les exportations passèrent à 20 000 t en 1870, à 60 000 t vers 1890 et à 280 000 t en 1914. La culture se développait au Cayor, alimentant le trafic du « chemin de fer de l’arachide », le Dakar-Saint-Louis, construit de 1881 à 1885. Elle gagna le Baol, le Sine et le Saloum. Un véritable front pionnier avança vers l’est, à la rencontre du Ferlo. Les Libano-Syriens, dont les premiers débarquèrent dans les années 90, jouèrent bientôt un rôle prépondérant dans la traite (commercialisation) de l’arachide. Très vite apparurent les inconvénients d’une monoculture développée au détriment des plantes vivrières : épuisement des sols utilisés sans ménagement, instabilité des cours commandés par la conjoncture mondiale ; mais toutes les tentatives pour diversifier l’économie du Sénégal échouèrent.

Les Saint-Louisiens ne devaient jamais retrouver la prospérité des beaux temps de la gomme. Le commerce d’exportation, exigeant des capitaux de plus en plus importants, fut monopolisé par les grandes maisons bordelaises. L’arachide était exportée par Rufisque et Kaolack, tandis que le port de Saint-Louis, d’accès difficile, était progressivement abandonné, surtout après que le fleuve eut cessé d’être la voie d’accès vers le Soudan, le chemin de fer Thiès-Kayes assurant dès 1923 la liaison Dakar-Niger.


Citoyens et sujets

Toutefois, les Saint-Louisiens conservaient leur avance culturelle et leurs privilèges politiques. Ils obtinrent un enseignement primaire de type métropolitain et l’octroi de bourses pour permettre à leurs enfants d’aller poursuivre leurs études en France. La République de 1848 leur avait reconnu, ainsi qu’aux Goréens, la plénitude des droits civils et politiques. Ils furent, ainsi que les habitants de Rufisque et de Dakar, dotés par la IIIe République d’institutions représentatives. Les originaires des quatre communes élisaient les conseils municipaux de leur commune, le Conseil général du Sénégal et un député à la Chambre française. Pour la première fois, en 1914, un Noir, Blaise Diagne (1872-1934), fut élu. Il se fit à Paris le défenseur efficace des droits des citoyens des quatre communes et présida en Afrique au recrutement des troupes noires.

Les habitants de la brousse, sujets français, étaient soumis à l’impôt de capitation, aux réquisitions pour les travaux et pour l’armée, aux peines arbitraires de l’indigénat. Leurs sociétés subissaient une mutation lente, mais profonde par l’introduction de l’économie monétaire. Les Ouolofs se ralliaient totalement et massivement à l’islām, sous la forme de l’adhésion à une confrérie : tidjanisme, introduit par El Hadj Malik Sy, ou mouridisme, créé par Amadou Bamba. De petites chrétientés naissaient chez les Sérères et en Casamance.


Le Sénégal dans l’A.-O. F

De 1902 à 1904, l’Afrique-Occidentale française reçut son organisation. Le siège du gouvernement général fut fixé à Dakar. Le Sénégal n’était plus qu’une des colonies du groupe, administrée par un lieutenant-gouverneur résidant à Saint-Louis. Le Conseil général, qui, en 1894, avait perdu compétence sur les pays dits « de protectorat », fut remplacé en 1920 par un Conseil colonial, dans lequel siégèrent, à côté des conseillers élus par les citoyens des quatre communes, des représentants des chefs de province et de canton nommés par l’Administration. Pour les Saint-Louisiens, le déclin politique suivait le déclin économique.

À partir du début du xxe s., les Européens arrivèrent plus nombreux. Les progrès de l’hygiène et de la médecine, dus en grande partie aux recherches scientifiques effectuées à l’Institut Pasteur de Dakar, avaient permis de juguler les épidémies de fièvre jaune et de choléra, qui avaient été si meurtrières au xixe s.

Achetée sur le marché français au-dessus du cours mondial, l’arachide continua de se développer malgré la crise. L’Administration avait imposé aux paysans d’adhérer à des sociétés de prévoyance, qui distribuaient des semences sélectionnées et constituaient des greniers de réserve.

En 1940, le gouverneur général Pierre Boisson (1894-1948) maintint l’A.-O. F. hors de toute occupation et fit repousser une tentative de débarquement anglo-gaulliste sur Dakar. Il rallia l’A.-O. F. au gouvernement d’Alger en novembre 1942.


Le Sénégal indépendant

Après la Seconde Guerre mondiale, le Sénégal fut entraîné dans le mouvement qui fit des anciennes colonies des territoires de l’Union française et bientôt des États indépendants. La vie politique, ancienne dans les quatre communes, gagna la brousse, après que le député sénégalais Amadou Lamine-Gueye (1891-1968) eut fait accorder la citoyenneté à tous les habitants des colonies. Après l’échec de la fédération du Mali, le Sénégal devint en août 1960 un État indépendant et souverain.

Léopold Sédar Senghor* fut élu président de la République et a été constamment réélu depuis. En mars 1976, le gouvernement fixe à trois le nombre des partis politiques dans le pays, ceux-ci devant appartenir à des courants idéologiques différents. Aussi, à l’Union progressiste sénégalaise (U. P. S.), parti unique jusqu’en 1974, et au parti démocratique sénégalais, autorisé depuis 1974, s’ajoute le Rassemblement national démocratique (R. N. D.), d’inspiration marxiste-léniniste.

La population est passée de 1 700 000 habitants en 1938 à plus de 4,2 millions en 1976. Elle continue de s’accroître de 2,3 p. 100 par an. L’exode rural gonfle les villes, et particulièrement Dakar ; la capitale ne peut fournir emploi et logement à tous, ce qui crée une tension sociale. Les étudiants de l’université constituent aussi un pôle de contestation.

Le Sénégal, où plus de la moitié des enfants est scolarisée, a donné de bons auteurs à la littérature francophone*, au premier rang desquels le président Senghor. Il a conservé le français comme seule langue officielle, mais la scolarisation des débutants dans leur langue maternelle est à l’ordre du jour.

D. B.