Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Séleucides

Souverains hellénistiques (312-64 av. J.-C.) qui ont exercé leur pouvoir sur toute la partie orientale et extrême-orientale de l’empire bâti par Alexandre III* le Grand.


Petit noble de l’entourage d’Alexandre, Séleucos Ier (v. 355-280 av. J.-C.) ne se fit guère remarquer durant l’expédition asiatique ; il fut pourtant le fondateur d’une puissante dynastie. Lorsqu’il légua à son fils un royaume qui s’étendait de l’Inde à la Méditerranée, de la mer Noire au golfe Persique, il y avait beau temps qu’il passait pour le fils d’Apollon, que ses victoires sans nombre lui avaient valu le surnom de Nikatôr (« le Vainqueur »).


Histoire du royaume séleucide

Lors du premier partage de l’empire d’Alexandre (323 av. J.-C.), Séleucos est laissé à l’écart. Ce n’est qu’en 321, à Triparadisos, que, pour avoir débarrassé Ptolémée Ier de Perdiccas, en l’assassinant, il reçoit le gouvernement de la Babylonie. Un conflit avec Antigonos Ier Monophtalmos, alors le plus puissant des diadoques (c’est ainsi que l’on appelle les bâtisseurs du monde hellénistique, successeurs d’Alexandre), l’oblige à quitter sa capitale pour l’Égypte, mais, dès 312, Séleucos peut revenir à Babylone et établir son autorité sur l’ensemble des territoires orientaux conquis par Alexandre. Au contraire de ses compagnons, il n’a pas abandonné l’épouse d’origine bactrienne, Apamée, qu’il a prise aux fêtes de Suse : aussi est-il à même, apparemment, de créer et d’animer un État gréco-iranien, où, comme l’avait souhaité Alexandre, Hellènes et indigènes mêleraient leur vie, leurs traditions et leurs préoccupations et qui serait capable de tenir tête à l’expansion indienne et aux Barbares de l’Asie centrale.

Pourtant, au pouvoir assuré sur l’Orient iranien, il préfère la compétition avec ses pairs : vers 305, il se proclame roi (basileus), revendiquant ainsi l’égalité avec les autres diadoques et manifestant son désir d’intervenir, lui aussi, dans leurs conflits pour la prééminence. Dès 303, pour avoir les mains libres, il abandonne au roi maurya Candragupta (ou Chandragupta, en gr. Sandracottos) les marches orientales du royaume (Gāndhāra, Arachosie, Gédrosie). En 301, il participe à la bataille d’Ipsos, où meurt Antigonos Ier Monophtalmos, et y gagne la Syrie. C’est là qu’en 300 il installe sa capitale, dans la ville d’Antioche*, qu’il crée, sur l’Oronte : site excentrique pour un royaume encore essentiellement continental, mais qui convient bien à qui veut entrer dans le concert des puissances méditerranéennes. L’Orient, d’ailleurs, va être confié à l’administration de son fils Antiochos, qui doit s’installer à Séleucie du Tigre, mais que les circonstances forceront à séjourner plus à l’est, à Bactres sans doute, d’où il mènera plusieurs campagnes pour assurer la sécurité des communications entre l’occident et l’orient du royaume. En 281, Séleucos Ier, par la victoire du Couroupédion, conquiert l’Asie Mineure et veut alors passer en Macédoine pour reconstituer à son profit l’ancien royaume d’Alexandre, mais Ptolémée Kéraunos, son protégé, fils de Ptolémée Ier, l’assassine et se fait lui-même proclamer roi de Macédoine. Antiochos Ier (325-261 ; roi de 280 à 261) est assez fort pour pouvoir succéder à son père malgré une révolte en Syrie, mais le royaume qu’il reçoit paraît déjà trop vaste et trop divers pour que son histoire ne soit plus, désormais, que celle de sa désagrégation progressive.

Très vite, la Bithynie, le Pont, la Cappadoce vont devenir des royaumes complètement indépendants ; les Galates, dont les invasions ont ravagé l’Asie Mineure, vont s’installer sur les hauts plateaux de Phrygie. Plus à l’est, l’Arménie, la Médie Atropatène affirment leur autonomie, ainsi que la Bactriane, qui prend en main sa défense, négligée par un souverain trop lointain. Les Romains, à la suite de l’intervention malheureuse d’Antiochos III Mégas (roi de 233 à 187) en Grèce, chassent définitivement en 188 (paix d’Apamée) les rois séleucides de l’Asie Mineure, en les repoussant à l’est du Taurus, au profit surtout de la dynastie des Attalides, qui tenait le royaume, jadis vassal, de Pergame*. Les Parthes*, à la fin du iie s., ont conquis, sous la conduite de la dynastie arsacide, l’essentiel de l’Iran*, la Babylonie et la Perside. Il ne reste guère alors aux rois d’Antioche que la possession de la Syrie ; encore ont-ils perdu tout pouvoir sur le peuple juif. Leur puissance s’effondre en 83, quand le roi d’Arménie* Tigrane le Grand, appelé par les Antiochéniens eux-mêmes, las de l’anarchie dont semblait se satisfaire leur souverain, fait annexer la région. Si le jeune Antiochos XIII Asiatikos (« l’Asiatique », roi de 69 à 64), fils de Cléopâtre Séléné, est remis en selle par la guerre de Lucullus en 69, son règne n’est pas de tout repos ; il doit lutter contre son cousin Philippe II, est capturé par Sampsikéramos, un dynaste arabe d’Émèse, puis est remis à Pompée* à son arrivée en Syrie. C’est la fin : en 64 la Syrie devient province romaine.

Les difficultés de la dynastie proviennent sans aucun doute de la politique même de son fondateur, qui a préféré entrer dans la complication de la politique méditerranéenne, dans le cycle des guerres, dont le monde hellénistique semble friand, mais qui l’épuisent (très dures ainsi furent les guerres de Syrie qui opposèrent durant plus d’un siècle les Lagides* aux Séleucides pour la possession de la Syrie du Sud, la Syrie Creuse, ou Cœlésyrie). Mais elles tiennent aussi à la médiocrité des rois, qui ne surent, le plus souvent, être à la hauteur de leur tâche. Pour un Antiochos III, qui mérite son surnom de Mégas (« le Grand ») par les victoires de sa magnifique « anabase » (dans une expédition de sept ans [212-205], il réussit à imposer de nouveau tribut à l’Arménie, à garantir par ses victoires sur les Parthes la libre circulation entre l’Orient et l’Occident, à s’entendre avec Euthydème, qui tenait la Bactriane, à toucher l’Inde, où le roi Sophagasénos le reconnaît pour suzerain), combien de souverains ou de prétendants au trône ont subordonné toute leur action à leur seul intérêt personnel ! Les conflits dynastiques ont été la plaie de la dynastie. Le règne de Séleucos II Kallinikos (246-226) en est un exemple net : dès la mort d’Antiochos II en 246, aux deux enfants nés d’un premier mariage du roi avec Laodice, Séleucos et Antiochos (dit Hierax, « l’Épervier »), qui vivaient avec leur mère en Asie Mineure, s’opposait le fils d’une princesse lagide, Bérénice, qui reçut à Antioche l’appui de son frère Ptolémée III Évergète. Il fallut à Séleucos II cinq ans de guerre pour chasser de Syrie les Lagides, qui, jusqu’à l’avènement d’Antiochos III, conserveront la possession du propre port d’Antioche, Séleucie. Mais, pour vaincre, Séleucos II avait dû s’appuyer sur la bonne volonté de son frère Antiochos Hierax, qu’il avait laissé administrer l’Asie Mineure, et ce dernier entendait bien tirer bénéfice de son attitude, soutenu d’ailleurs par sa mère. Aussi, en 241, Séleucos II se trouva-t-il dans l’obligation, malgré la menace que représentaient les Parthes qui s’introduisaient en Iran, de rétablir son autorité sur l’Anatolie : la guerre fratricide se termina à Ancyre par la défaite de Séleucos II, qui dut reconnaître le partage du royaume. Pourtant, les forces d’Antiochos Hierax avaient été usées par la guerre, et ses mercenaires galates, notamment, ne le suivaient plus ; c’est le moment que choisit Attalos Ier de Pergame pour l’attaquer ; bientôt, Antiochos ne fut plus qu’un proscrit, et, vers 227-226, il fut assassiné.