Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sélection végétale (suite)

La mutation peut être une variation au niveau des gènes (mutation ponctuelle), à celui de fragments de chromosomes (mutation segmentaire) ou à celui du génome (ploïdie).
— Les mutations ponctuelles peuvent être provoquées par différents agents physiques (rayonnements U. V., X, Y, neutrons et protons...) ou chimiques (radio-isotopes, alcaloïdes, peroxydes et surtout méthane sulfonate d’éthyle). Toutefois, les agents mutagènes n’ont pas d’action spécifique, et les résultats obtenus sont fréquemment délétères.

Bien que modestes au regard des efforts engagés, de nombreux succès ont été obtenus pour l’amélioration de caractéristiques particulières et généralement à déterminisme génétique simple : variétés de Riz à paille plus courte, à grains plus longs ; transformation de la coloration de fruits et de fleurs...
— Les mutations de génomes sont très fréquentes dans la nature, et de très nombreuses espèces cultivées sont des polyploïdes (Pomme de terre, espèces prairiales...).

En changeant les dosages alléliques (ou dosages génétiques), la polyploïdie modifie les fonctions génétiques. Il en résulte fréquemment une augmentation de la taille des cellules (créant un certain gigantisme), un ralentissement du développement général, mais aussi parfois un abaissement de la pression asmotique, qui entraîne une diminution de la teneur en matière riche et une plus grande sensibilité au froid.

La fertilité est généralement diminuée, et, pour cette raison, la polyploïdisation artificielle est essentiellement utilisée chez les espèces principalement cultivées pour leurs organes végétatifs (Betteraves, plantes fourragères) ou celles qui peuvent être reproduites par multiplication végétative (espèces fruitières et ornementales...).

À l’inverse, la voie de l’haploïdie, qui consiste à diviser par deux le nombre des chromosomes, en ne conservant, par exemple, qu’un seul chromosome de chaque paire présente dans l’individu diploïde normal, connaît actuellement un vif intérêt.

L’haploïdie peut être recherchée par différentes techniques portant sur le développement sans fécondation de gamétophytes femelles (ovules ou noyaux du sac embryonnaire, pollinisation par pollen inactivé par N2O-rayon X..., recherche d’embryons jumeaux dont l’un peut être parthéno-génétique).

Mais des résultats encourageants ont également été obtenus chez certaines espèces (Pomme de terre, Tabac, Tomate, Piment...) par développement et culture du gamétophyte mâle (pollen) in vitro.

L’haploïdie pourrait devenir une voie importante de l’amélioration des plantes, car elle représente un puissant moyen d’analyse génétique et une méthode très rapide d’obtention de l’homozygotie par rétablissement de l’état de ploïdie naturel.


Les méthodes de la sélection améliorante

Les méthodes de sélection applicables à une espèce dépendent de divers facteurs.

• Le mode de reproduction (biologie florale). Les plantes peuvent se reproduire :
— par autofécondation (espèces auto-games : Blé, Orge, Avoine, Lin, Pois, Haricot...) ;
— par fécondation croisée (hybridation) [espèces allogames : Betterave, Maïs, Seigle, Luzerne, Choux...] ;
— par un système mixte d’allogamie et d’autogamie ;
— par reproduction végétative (tubercules, greffes... : Pomme de terre, Vigne, arbres fruitiers...).

• L’existence d’un effet de vigueur liée à l’hybridation. Chez la plupart des espèces allogames, mais aussi chez de très nombreuses plantes partiellement ou essentiellement autogames (Sorgho, Féverole), l’hybridation dirigée entraîne l’hétérozygotie génétique, et provoque une augmentation générale de vigueur et un ensemble de caractères favorables.

Ce phénomène, appelé hétérosis, est d’une importance essentielle en amélioration des plantes.

Dans leurs applications pratiques, les techniques de sélection seront aussi influencées par la durée du cycle de reproduction de l’espèce et par le potentiel de multiplication de celle-ci.

• La sélection des plantes autogames
L’objectif habituel d’amélioration est la création de variétés lignées pures. La pureté génétique est due ici à l’homozygotie obtenue par l’autofécondation. Elle s’accompagne de propriétés d’homogénéité et de stabilité qui rendent ces cultivars particulièrement adaptés aux exigences de standardisation et de mécanisation de l’agriculture moderne.

La sélection procède en deux phases.

1. Création de la variation génétique par l’hybridation intervariétale. Disposant de lignées pures préexistantes, sans variation génétique, mais différentes les unes des autres, le sélectionneur va s’efforcer de cumuler les caractères intéressants de variétés complémentaires en les rassemblant dans un génotype hybride.

Le choix des géniteurs est fondamental.

L’hybride de première génération (F1) est homogène, mais renferme la variation à l’état potentiel par sa structure essentiellement hétérozygote. Cette variabilité va « éclater » dans les générations suivantes (F2, F3...), qui donneront alors prise à la sélection.

2. Utilisation, puis élimination de la variation. L’exploitation de la diversité apparue en F2 et l’isolement progressif des types transgressifs sont réalisés par la sélection généalogique, c’est-à-dire par le choix de plantes, puis de descendances maintenues séparées.

Ce choix échelonné est accompagné d’une élimination progressive et automatique de la variation par le jeu du système normal de reproduction par autofécondation de l’espèce. En effet, à chaque génération, la proportion des gènes à l’état hétérozygote est réduite à 50 p. 100, et l’homozygotie est ainsi pratiquement retrouvée après neuf ou dix générations.

À partir de la sixième génération environ, le repérage des familles en cours de sélection s’appuie principalement sur des essais comparatifs tendant à dégager les meilleures lignées par leur comparaison entre elles et à des variétés témoins.

• La sélection des plantes allogames
Avant intervention de la sélection dirigée, les variétés d’espèces allogames sont constituées d’hybrides de hasard, résultant de croisements multiples et aléatoires entre géniteurs soumis à la sélection naturelle.

Ces populations sont hétérogènes, instables et essentiellement adaptées au seul milieu où s’applique cette sélection naturelle (écotypes).

Les objectifs de l’amélioration seront :
— de créer à partir de ces populations des variétés homogènes et pouvant être reproduites, identiques ;
— d’utiliser la variabilité génétique des populations pour isoler les meilleures combinaisons génétiques.

Le premier objectif est obtenu en soumettant les populations (ou des variétés hybrides préexistantes) à un système de consanguinité (autofécondation, croisement frère × sœur) artificiellement imposé. Mais la dépression de vigueur consanguine accompagnant cette reproduction contre-nature pour des plantes allogames rend les variétés lignées pures ainsi obtenues inaptes à la culture.