Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sélection animale (suite)

Première expérience. Les deux progéniteurs, ou parents, diffèrent par un seul caractère (expérience de monohybridisme)

Croisement d’une Souris grise sauvage GG de race pure avec une Souris albinos aa.

La Souris grise a un œil coloré noir ; la Souris albinos, dépourvue de pigments, est blanche avec un œil rose (couleur du sang des vaisseaux du fond de l’œil, qui apparaît par transparence). Le croisement donne à la première génération filiale (F1) des Souris grises identiques à l’un des parents. Le gris qui se manifeste est dominant ; l’albinos qui est caché est récessif ou dominé ; c’est la loi de dominance (première loi de l’hérédité).

Deux individus de la F1 croisés entre eux produisent une deuxième génération filiale (F2) non uniforme, composée de Souris grises et de Souris albinos ; si les croisements intéressent un grand nombre d’individus, une relation numérique se manifeste dans la F2, qui comprend trois individus gris pour un albinos. Étudions le comportement des Souris de la F2 ; les Souris albinos croisées entre elles redonnent toujours des albinos ; la race est pure et reproduit l’un des grands-parents. Parmi les Souris grises de la F2, le tiers d’entre elles (le quart de la totalité de la F2) appartient à une race pure, grise, identique à l’autre grand-parent ; en effet, croisées entre elles, elles produisent uniquement des Souris grises. Les deux tiers restants de Souris grises de la F2 (la moitié des individus de la F2) croisées entre elles se comportent comme les hybrides de la F1. Les deux caractères (ou les allèles) oppositifs G et a se séparent l’un de l’autre ; la moitié des gamètes recevra le caractère gris (allèle G), et l’autre moitié le caractère albinos (allèle a) ; il y a disjonction, ségrégation ou divorce des caractères ; c’est la loi de la disjonction des caractères (deuxième loi de l’hérédité).

Le croisement des hybrides entre eux engendre quatre combinaisons possibles :
gamète porteur de G × gamète porteur de G = GG ;
gamète porteur de G × gamète porteur de a = Ga ;
gamète porteur de a × gamète porteur de G = aG ;
gamète porteur de a × gamète porteur de a = aa.

L’hybride de GG correspondra à une Souris grise homozygote, car les deux allèles sont semblables (race pure). L’hybride Ga (ou aG) est une Souris grise hétérozygote, les deux allèles sont différents (race impure), semblable aux hybrides de la F1. L’hybride aa donne une Souris albinos homozygote (race pure).

Un homozygote possède en double dose le gène d’un caractère donné ; il produit des gamètes tous identiques, porteurs de ce gène. Un hétérozygote possède en dose simple les gènes de deux caractères oppositifs ; il donne deux catégories de gamètes, les uns porteurs du gène d’un caractère, les autres porteurs du gène du caractère opposé.

En résumé, lors d’un croisement entre deux individus différant par un seul caractère (monohybridisme), les hybrides de la F1 sont tous semblables entre eux en raison de la dominance de l’un des gènes par rapport à l’autre gène. À la F2, les caractères parentaux se disjoignent, et la descendance hétérogène comprend :
— un quart d’individus identiques à l’un des grands-parents ;
— un quart d’individus identiques à l’autre grand-parent ;
— la moitié d’individus identiques aux hybrides de la F1.

Ces résultats, d’une portée générale, s’appliquent à de nombreux caractères.

Une petite différence se manifeste dans certains croisements, où l’un des caractères n’est pas nettement dominant. Par exemple, un Muflier (Antirrhinum majus) à fleurs rouges croisé avec un Muflier à fleurs blanches donne une F1 composée d’hybrides à fleurs roses (et non rouges). La F2 comprendra un quart de Muflier à fleurs rouges, un quart de Muflier à fleurs blanches et une moitié de Muflier à fleurs roses. La dominance intermédiaire permet de distinguer immédiatement les hybrides hétérozygotes roses des hybrides homozygotes rouges ou blancs.


Deuxième expérience. Les deux progéniteurs, ou parents, diffèrent par deux caractères (expérience de dihybridisme)

Croisement d’une Souris grise à marche rectiligne GGRR avec une Souris albinos valseuse aavv qui se déplace en tournant sur elle-même.

La F1 se compose de Souris grises à marche rectiligne GaRv ; le gris et la marche rectiligne sont donc deux caractères dominants. Les dihybrides de la F1 recroisés entre eux donnent une descendance variée comprenant des Souris grises à marche rectiligne, des Souris grises valseuses, des Souris albinos à marche rectiligne, des Souris albinos valseuses ; deux phénotypes reproduisent ceux des grands-parents, et deux combinaisons sont nouvelles. Si la F2 est suffisamment nombreuse, une constante numérique apparaît : 9 Souris grises à marche rectiligne, 3 Souris grises valseuses, 3 Souris albinos à marche rectiligne, 1 Souris albinos valseuse.

Ces résultats s’expliquent grâce à la ségrégation indépendante des caractères ; l’hybride GaRv de la F1 forme quatre sortes de gamètes : GR, Gv, aR, av. Lors de l’accouplement, quatre types de spermatozoïdes peuvent féconder quatre types d’ovules ; d’où seize combinaisons possibles, ainsi que le montre le tableau.

La première et la dernière combinaison correspondent aux génotypes des grands-parents ; ce sont des Souris de race pure. Les quatorze autres génotypes comprennent deux homozygotes GGvv et aaRR de race pure ; la Souris grise valseuse GGvv, phénotype créé, se maintiendra par croisement entre GGvv ; la Souris albinos à marche rectiligne aaRR correspond également à un phénotype créé qui se maintiendra par des croisements entre aaRR. Les douze autres génotypes sont homozygotes pour un caractère et hétérozygotes pour l’autre caractère (GGRv, GaRR, aaRv, Gavv) ou hétérozygotes pour les deux caractères (GaRv). Un même phénotype correspond donc à des génotypes différents, qui ne sont décelables que par l’observation de la descendance.