Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Athènes (suite)

Elle est composée de navires effilés (50 mètres sur 7), un peu hauts sur la mer, mais construits de façon à pouvoir être facilement halés sur le sable des plages (si le bord est en sapin, la quille est en solide chêne) ; ils possèdent un mât à voile carrée, mais au combat ils sont mus par trois rangs de rames (d’où leur nom de trières) actionnées par une chiourme de 170 rameurs (recrutés parmi les plus pauvres citoyens) ; on trouve aussi à bord des officiers (le commandant, ou triérarque, s’est vu imposé par l’État la charge financière de l’armement), pilotes, quartiers-maîtres (chargés de mener la nage), gabiers (chargés de la manœuvre des voiles), soldats (dix hoplites chargés d’intervenir en cas d’abordage) : en tout, l’équipage est de 200 hommes.

La flotte athénienne, très entraînée, est bien supérieure à ses rivales au combat. Sa tactique savante et délicate évite d’utiliser le combat après abordage ; les trières tentent de couler les vaisseaux ennemis en fracassant leurs bords à l’aide d’un éperon qui prolonge leur coque, ou bien de les immobiliser en brisant leurs rames, manœuvre que l’on réussit en se laissant glisser le long de la coque adverse, après avoir au préalable rentré ses propres rames.

Le port d’attache de la marine athénienne est le Pirée, fortifié et relié à la cité même par les « Longs Murs » que fit construire Périclès. Chacune des trois rades, orientées différemment, met à son service ses loges à vaisseaux, ses ateliers et ses arsenaux.


La seconde Confédération athénienne

Quand elle commença à se remettre de sa défaite dans la guerre du Péloponnèse, alors que Sparte était haïe par les cités qu’elle avait à son tour asservies, il parut à Athènes qu’il était temps de reconstruire sa puissance.

D’anciens alliés lui revinrent. Il fallut les unir : en 377 av. J.-C. naquit la seconde confédération, qui n’était plus qu’une simple ligue d’assistance mutuelle ; comme le montre le décret dit « d’Aristotélès », on fit en sorte d’éviter tout ce qui pourrait laisser croire de la part d’Athènes à une nouvelle tentative d’annexer des cités autonomes, on veilla à ne pas aller contre les clauses de la paix du Roi. Délibéraient et décidaient sur chaque question commune l’ecclésia, au nom d’Athènes, et un synédrion composé des représentants de toutes les cités alliées (il siégerait à Athènes, mais ne comprendrait pas de représentants athéniens). La boulê devait faire la liaison entre les deux assemblées, égales en prérogatives. Quant aux finances, elles étaient alimentées non par un « tribut » comme au ve s. av. J.-C., mais par des « contributions » ; ce changement de terme plaisait.

En fait, ce système ne donna pas les résultats escomptés. L’égalité des cités grandes ou petites dans le synédrion permettait à Athènes de faire prévaloir ses vues en coalisant les petits, qu’elle tenait bien en main. Par ailleurs, les confédérés ne possédaient, puisque Athènes était investie du commandement des forces armées, aucun droit de regard sur l’exécutif de la ligue, ce qui laissait beaucoup de latitude aux Athéniens. En cas de conflit, aucune procédure de conciliation n’étant prévue, c’était l’ecclésia qui l’emportait. Très vite, le synédrion n’eut plus rien à faire, l’assemblée légiférait de nouveau pour l’ensemble des territoires qu’elle contrôlait. Athènes passa encore pour ne pas savoir respecter l’autonomie des alliés, car elle ne put se désintéresser de leur politique intérieure. D’autre part, les contributions, allégées par rapport à l’ancien tribut, devaient être exigées avec une plus grande rigueur, cela favorisa les injustices. Les riches Athéniens prêtaient à des taux usuraires aux cités alliées pour qu’elles puissent s’acquitter de leur contribution. Quant aux pauvres, ils votèrent l’installation de clérouquies à Samos.

Pillés par tous, craignant de voir reparaître la colonisation, les confédérés ne songèrent plus qu’à se séparer d’Athènes, d’autant plus qu’elle se laissait entraîner dans les méandres d’une politique continentale : en 357 av. J.-C., sûre d’avoir l’appui de plusieurs villes du littoral asiatique, Chios refusa de payer ce qu’elle devait à la confédération. La guerre des Alliés suivit. Elle fut brève ; en 355 av. J.-C. ne restaient de l’Empire que l’Eubée, peu sûre, quelques îles de l’Égée septentrionale et quelques ports de Thrace, ainsi que Lemnos, Imbros, Skyros et Samos, ses clérouquies.

L’échec d’Athènes de nouveau était patent ; elle n’avait pu bâtir de façon durable une puissance qui s’imposât au monde grec ou plutôt méditerranéen, puisqu’elle tenta de prendre pied en Égypte, en Sicile, et que peut-être certains de ses dirigeants avaient pensé à Carthage. Il faudra attendre l’époque hellénistique pour qu’une cité réalise ce qu’avait désiré son aînée : Rhodes*, dont on voit poindre l’ambition lors de la guerre des Alliés. L’empire d’Athènes sut servir les intérêts de la Grèce. Il lui donna la paix sur mer en en chassant les pirates, rendit plus sûres les marches de l’hellénisme en protégeant les comptoirs lointains des incursions barbares, facilitant ainsi un ravitaillement jusqu’alors problématique et le commerce sous toutes ses formes (imposant en particulier sa monnaie aux cités sujettes). Mais surtout l’Empire permit de répandre partout la culture athénienne, de faire aimer sa littérature, ses arts et son dialecte, qui devint la langue commune des Hellènes, par l’intermédiaire de tous les commerçants qui venaient faire affaire en Attique, participer aux sacrifices, aux processions, aux fêtes du théâtre. Athènes n’aurait pas tant séduit les hommes si elle n’avait pas eu l’ambition de s’imposer au monde.

J.-M. B.

➙ Alcibiade / Cimon / Clisthène / Grèce / Grèce d’Asie / Médiques (guerres) / Périclès / Pisistrate / Solon / Sparte / Thèbes.

 P. Cloché, la Civilisation athénienne (A. Colin, 1927 ; 5e éd., 1956) ; le Siècle de Périclès (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1949 ; 4e éd., 1963) ; la Démocratie athénienne (P. U. F., 1951). / A. Ferrabino, L’Impero ateniese (Turin, 1927). / G. Glotz, la Cité grecque (La Renaissance du Livre, coll. « Évol. de l’humanité », 1928 ; rééd. Albin Michel, 1968). / V. Martin, la Vie internationale dans la Grèce des cités (vie-ive s. av. J.-C.) [institut de hautes études internat., Genève, 1940]. / J. de Romilly, Thucydide et l’impérialisme athénien (Les Belles Lettres, 1947). / C. Mossé, la Fin de la démocratie athénienne (P. U. F., 1962) ; Histoire d’une démocratie : Athènes (Éd. du Seuil, 1971). / Aristote, la Constitution d’Athènes (Les Belles Lettres, 1963). / V. Ehrenberg, Polis und Imperium, Beiträge zur alten Geschichte (Stuttgart, 1965). / S. Accame, L’Imperialismo ateniese all’ inizio del secolo IV A.C. e la crisi della polis (Naples, 1966).