Peintre et graveur néerlandais (Haarlem ? v. 1590 - La Haye v. 1638).
La vie d’Hercules Pietersz. Seghers est mal connue. On le trouve élève du paysagiste flamand Gillis Van Coninxloo à Amsterdam. En 1612, il est inscrit à la guilde de Saint-Luc à Haarlem*. On note des séjours à Utrecht et à La Haye, mais rien ne prouve qu’il fit le voyage d’Italie, comme on l’a parfois supposé en tablant sur certains sites évoqués dans son œuvre. Tout comme Frans Hals*, il a mené une vie de bohème marquée par une misère constante.
Au début du xviie s., les peintres hollandais, sous l’influence de deux émigrés, l’Anversois Gillis Van Coninxloo (1544-1607) et le Malinois David Vinckboons (1576-1629), se sont mis à pratiquer le paysage avec ardeur. Très tôt, ils réussirent à conférer au genre un caractère spécifiquement national, fondé sur une observation directe et minutieuse. Hercules Seghers, quoique l’un des pionniers du genre, échappe pourtant à cette conception nourrie par des soucis artisanaux. Il est avant tout un visionnaire. Baignés dans une sorte de désolation grandiose, ses paysages représentent des sites meublés de rochers abrupts et d’arbres tordus qui se profilent sur des horizons lointains. Dans ces pages dramatiques, il n’y a guère de place pour l’homme. Seghers, faute de moyens, peignait parfois sur des toiles grossières, et cette rudesse apparente, jointe au caractère insolite de sa vision, n’avait rien pour plaire aux amateurs habitués à la manière lisse de ses confrères. Aussi ses tableaux ne trouvaient-ils acquéreurs qu’à des prix dérisoires. Peu de ses œuvres ont été conservées (musées d’Amsterdam, de Berlin, de Vienne).
La postérité a été plus clémente pour le graveur. Aquafortiste quasi génial, il a élargi les possibilités d’un moyen graphique réduit jusqu’alors à une traduction linéaire du sujet, en l’orientant dans un sens pictural. Il inaugure les fonds teintés et donne aux tailles une force d’expression nouvelle par le jeu des volumes et des ombres. Rembrandt* le suivra dans cette voie. En outre, certaines de ses planches sont imprimées en brun, en jaune, en bleu ou en vert, et parfois il y ajoute même de la couleur au pinceau. Certains de ses procédés n’ont pas été décelés jusqu’à ce jour.
Gravures et tableaux accusent une parfaite identité d’esprit. Ces visions de rêve, sombres et farouches, n’ont aucun trait commun avec les aimables images qui sont le propre des paysagistes hollandais. Seul, un Rembrandt — qui possédait six de ses toiles — pouvait en son temps apprécier ce génie solitaire.
R. A.
L. C. Collins, Hercules Seghers (Cambridge, 1954). / E. Haverkamp-Begemann, Hercules Seghers (Amsterdam, 1968).