Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Séfévides (suite)

Toutefois, lui aussi se révéla incapable de bien gouverner et, si ses armées remportèrent des succès, par la suite, cela fut le fait du génie militaire d’un aventurier qui devint bientôt son généralissime, puis, plus tard roi sous le nom de Nādir Chāh : « le dernier grand conquérant asiatique ». Nādir (1688-1747), qu’à cette époque on appelait Ṭahmāsp Qulī, réorganisa l’armée et élimina en 1729 Achraf, le successeur de Maḥmūd. Plus tard, en 1732, prétextant avec raison les faiblesses que l’armée du roi avait montrées face aux armées ottomanes qui occupaient l’ouest de l’Iran depuis 1726-27, il le remplaça par son fils ‘Abbās III. Quatre ans plus tard, il fit aussi déposer ce dernier, alors très jeune enfant, et devint roi le 8 mars 1736. Ainsi prit fin, après plus de deux siècles de règne, l’histoire d’une des plus importantes dynasties de l’Iran.

C. A.

➙ ‘Abbās Ier le Grand / Iran / Ispahan.

 L. L. Bellan, Chāh ‘Abbās I, sa vie, son histoire (Geuthner, 1933). / L. Lockhart, The Fall of the Safavī Dynasty and the Afghan Occupation of Persia (Cambridge, 1958). / M. M. Mazzaoui, The Origins of the Safawids (Wiesbaden, 1972).

Seghers (Hercules)

Peintre et graveur néerlandais (Haarlem ? v. 1590 - La Haye v. 1638).


La vie d’Hercules Pietersz. Seghers est mal connue. On le trouve élève du paysagiste flamand Gillis Van Coninxloo à Amsterdam. En 1612, il est inscrit à la guilde de Saint-Luc à Haarlem*. On note des séjours à Utrecht et à La Haye, mais rien ne prouve qu’il fit le voyage d’Italie, comme on l’a parfois supposé en tablant sur certains sites évoqués dans son œuvre. Tout comme Frans Hals*, il a mené une vie de bohème marquée par une misère constante.

Au début du xviie s., les peintres hollandais, sous l’influence de deux émigrés, l’Anversois Gillis Van Coninxloo (1544-1607) et le Malinois David Vinckboons (1576-1629), se sont mis à pratiquer le paysage avec ardeur. Très tôt, ils réussirent à conférer au genre un caractère spécifiquement national, fondé sur une observation directe et minutieuse. Hercules Seghers, quoique l’un des pionniers du genre, échappe pourtant à cette conception nourrie par des soucis artisanaux. Il est avant tout un visionnaire. Baignés dans une sorte de désolation grandiose, ses paysages représentent des sites meublés de rochers abrupts et d’arbres tordus qui se profilent sur des horizons lointains. Dans ces pages dramatiques, il n’y a guère de place pour l’homme. Seghers, faute de moyens, peignait parfois sur des toiles grossières, et cette rudesse apparente, jointe au caractère insolite de sa vision, n’avait rien pour plaire aux amateurs habitués à la manière lisse de ses confrères. Aussi ses tableaux ne trouvaient-ils acquéreurs qu’à des prix dérisoires. Peu de ses œuvres ont été conservées (musées d’Amsterdam, de Berlin, de Vienne).

La postérité a été plus clémente pour le graveur. Aquafortiste quasi génial, il a élargi les possibilités d’un moyen graphique réduit jusqu’alors à une traduction linéaire du sujet, en l’orientant dans un sens pictural. Il inaugure les fonds teintés et donne aux tailles une force d’expression nouvelle par le jeu des volumes et des ombres. Rembrandt* le suivra dans cette voie. En outre, certaines de ses planches sont imprimées en brun, en jaune, en bleu ou en vert, et parfois il y ajoute même de la couleur au pinceau. Certains de ses procédés n’ont pas été décelés jusqu’à ce jour.

Gravures et tableaux accusent une parfaite identité d’esprit. Ces visions de rêve, sombres et farouches, n’ont aucun trait commun avec les aimables images qui sont le propre des paysagistes hollandais. Seul, un Rembrandt — qui possédait six de ses toiles — pouvait en son temps apprécier ce génie solitaire.

R. A.

 L. C. Collins, Hercules Seghers (Cambridge, 1954). / E. Haverkamp-Begemann, Hercules Seghers (Amsterdam, 1968).

Ségovie

En esp. Segovia, v. d’Espagne, en Vieille-Castille, au nord-ouest de Madrid ; 42 000 hab.


De son passé romain, la ville conserve un aqueduc, l’un des plus beaux de l’Empire. Lors du repeuplement chrétien du xie s., Ségovie devient une cité de la laine. D’anciens noyaux de peuplement industriel sont encore marqués, dans la banlieue, par de belles églises romanes comme San Millán et San Lorenzo.

L’art roman de Ségovie se recommande par la beauté de ses clochers et l’importance des galeries à portiques. Dans le cas le plus simple, celles-ci ne bordent que le côté sud de l’église : la Trinidad. Ailleurs, elles se prolongent le long de la façade occidentale, comme à San Esteban, à San Lorenzo et à San Juan de los Caballeros. Parfois, les galeries règnent en bordure des deux grandes faces : San Millán. Enfin, au terme de leur évolution, elles s’étendent sur trois côtés : San Martín. Une église romane du début du xiiie s., la Vera Cruz, présente une disposition rare, au sujet de laquelle on a proposé diverses explications. De plan polygonal, elle enserre un corps central à deux étages, crypte et chapelle.

Les bénéfices procurés par le commerce de la laine expliquent le nombre et la beauté des maisons anciennes, qui s’échelonnent du xiie au xvie s. d’une manière continue. Celles de l’époque romane appartenaient aux chanoines et se situent près de l’emplacement de l’ancienne cathédrale. L’époque gothique se signale par des tours puissantes — celles des palais d’Hércules (xiiie s.), des Lozoya (début du xive s.), des Arias Dávila (xve s.) — qui illustrent les luttes des factions. La Casa de los Picos, dont la façade est hérissée de pointes de diamant, date des environs de 1500.

Mais Ségovie fut aussi résidence royale. Jean II (1406-1454), qui en appréciait le séjour, agrandit l’Alcázar, dressé au-dessus du confluent de l’Eresma et du Clamores. Son fils Henri IV (1454-1474) acheva d’en faire, avec la tour de l’Hommage et des décors mozarabes, une résidence aussi forte qu’agréable. Malheureusement, ce témoin de la vie dramatique des derniers Trastamare, ayant souffert d’un grave incendie en 1862, a été trop radicalement restauré par la suite.