Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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sécurité sociale (suite)

• La garantie du travailleur contre l’accident retient précocement l’attention. L’horreur de l’accident dans la mine frappe les esprits : un décret de 1813 fait obligation spéciale aux patrons des houillères de fournir à leurs ouvriers blessés des secours médicaux et des médicaments. L’article 1382 du Code civil est le seul à permettre, à cette époque, l’action en dommages et intérêts.

C’est dans un souci patronal d’échapper aux recours et actions en justice qu’il faut voir la naissance des premières caisses de secours, qui sont plutôt des organismes d’assurances à cet égard. Aux mines de Bessèges, une caisse, dont la création remonte à 1843, a d’abord fonctionné grâce aux cotisations ouvrières, aux amendes disciplinaires et à quelques dons ou subventions de la compagnie elle-même. En 1869, la compagnie s’engage à l’alimenter en même proportion que les ouvriers, soit 3 p. 100 des salaires, et les prestations assurées par la caisse sont élargies. En 1882, pour 111 317 individus employés par les mines, les caisses établies par le patronat profitent à 98 p. 100 d’entre eux.

• Le travailleur âgé retient également l’attention des milieux industriels. On peut déceler dans les rangs du patronat, dès le milieu du xixe s., l’idée selon laquelle le salaire proprement dit, résultant des lois de la concurrence*, ne suffit pas à garantir totalement l’existence du travailleur, notamment pendant les périodes d’inactivité dues à la maladie ou à l’âge : il convient d’y pourvoir par d’autres « circuits » que celui du salaire.

Une loi du 18 juin 1850 crée la Caisse nationale de retraites pour la vieillesse, gérée par la Caisse des dépôts et consignations et subventionnée par l’État : elle est créée pour recevoir des épargnes volontaires de particuliers désireux de bénéficier d’une rente viagère. Le second Empire connaît un grand développement des mutuelles, mais ce système demeure facultatif, c’est le régime de la « liberté subsidiée ».

• Une allocation journalière de 0,10 F par enfant est accordée, en 1862, aux inscrits maritimes ayant plus de cinq ans de service. L’entreprise Klein à Vizille crée des allocations en 1884. Ces efforts contribuent certainement à la naissance de la législation de l’entre-deux-guerres généralisant les allocations familiales.


De 1898 à nos jours

Cette seconde période se caractérise par une floraison de textes, les pouvoirs publics prenant la relève des initiatives privées. Trois systèmes doivent être soigneusement distingués.


Les accidents du travail et les maladies professionnelles

• L’accident du travail. Le Code civil (art. 1382 et suivants), si l’on excepte la législation minière, est le seul texte, avant 1898, à s’appliquer aux accidents du travail. Mais le principe selon lequel « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » est littéralement insuffisant à protéger concrètement l’ouvrier accidenté : la responsabilité de l’employeur reposant sur la notion de « faute » (toujours difficile à prouver), et l’absence de faute (le « cas fortuit », la « force majeure ») l’en exemptant, le dommage ne peut pratiquement être réparé dans un grand nombre de cas ; aussi le législateur de 1898 fonde-t-il la responsabilité sur la notion de « risque professionnel », mais plafonne cependant la réparation à hauteur d’un forfait.

La loi de 1898 n’applique la réparation des dommages causés aux travailleurs que dans l’industrie du bâtiment, les mines, les manufactures, les chantiers, les entreprises de transports, les magasins publics, les carrières. Le 30 juin 1899 et le 15 juillet 1914, des lois étendent ce domaine aux exploitations agricoles et forestières, les exploitations commerciales étant inclues le 12 avril 1906, une loi du 2 août 1923 étendant la législation de 1898 à de nouvelles catégories de travailleurs.

La loi du 1er juillet 1938 sépare la question de la réparation de l’accident de celle de la nature de l’activité professionnelle, décidant que la législation des accidents du travail s’appliquerait à « quiconque aura prouvé par tous moyens qu’il exécutait à un titre quelconque, même d’essai ou d’apprentissage, un contrat, valable ou non, de louage de services ».

• La maladie professionnelle. Une loi du 25 octobre 1919 étend le domaine de la loi de 1898 aux maladies professionnelles, sous réserve d’une énumération limitative : ainsi, non seulement l’« accident » proprement dit, mais encore le trouble physiologique trouvant sa source dans l’activité du travailleur sont couverts.

• L’intégration des accidents du travail et des maladies professionnelles dans le cadre d’un plan de Sécurité sociale. La loi du 30 octobre 1946 intègre les maladies professionnelles et les accidents du travail dans un plan général de Sécurité sociale adopté, après la Libération, par l’ordonnance du 4 octobre 1945. La réparation n’est plus due par un employeur, individuellement responsable (et facultativement assuré), mais dans le cadre d’un plan global ; par ailleurs, on dépasse la seule réparation pour réaliser la réadaptation et développer la prévention.


Les risques « non professionnels »

Ce régime veut prévenir les assurés contre les risques (dont est tributaire tout être humain sans exception) constitués par la maladie et l’invalidité, la maternité, la vieillesse et le décès, événements non liés en eux-mêmes à l’exercice d’une profession.

• La vieillesse semble l’un des premiers « risques » couverts : une loi du 25 février 1914 institue une Caisse autonome des retraites. Les retraites des personnels de transports ferroviaires sont organisées par des lois du 21 juillet 1909 et du 22 juillet 1922.

Le premier essai de généralisation de l’assurance vieillesse obligatoire pour tous les salariés est tenté par la loi du 5 avril 1910 sur les retraites ouvrières et paysannes, qui fait un pas vers le caractère obligatoire de l’affiliation à des régimes de prévoyance, l’assuré, l’employeur et l’État contribuant aux versements. Le système cependant est mal toléré par les partenaires sociaux.

• La loi du 5 avril 1928, modifiée par la loi du 30 avril 1930, et deux décrets-lois des 28 et 30 octobre 1935 réalisent enfin, durant l’entre-deux-guerres, les réformes nécessaires. Les risques maladie, maternité, invalidité, vieillesse et décès sont couverts par une cotisation unique. Les caisses demeurent des organismes de création libre.