Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Athènes (suite)

Le désir de liberté est tel chez tous les citoyens qu’ils refusent la moindre entrave. Les freins constitutionnels destinés à conserver le régime, comme l’eisangélie ou l’accusation en illégalité, sont peu à peu négligés ; on voudrait parfois, en créant des commissions, voler au secours des lois, mais le plus souvent en vain. Quant à la boulê, si elle possède des pouvoirs étendus pour reconstruire l’empire d’Athènes, elle a perdu les droits qu’elle avait en matière de politique intérieure : l’assemblée peut légiférer sans que le conseil ait réfléchi ou proposé un projet. On ne respecte plus l’esprit des institutions.

La cité pourtant ne sombrera pas, il y a toujours en elle une étonnante faculté de redressement. En cas de crise, elle est capable de faire taire les inimitiés qui l’affaiblissent. Elle saura ainsi trouver la gloire en résistant à Philippe, braver le vainqueur en demandant à Démosthène de prononcer l’éloge aux morts de la guerre : cela sauvera son honneur à défaut d’autre chose.


L’Empire athénien

Si excellentes qu’aient été les institutions d’Athènes, elles ne pouvaient à elles seules faire de la cité attique la ville la plus prestigieuse du monde grec : son empire fit aussi sa grandeur.


Ligue de Délos

Au cours des guerres médiques*, les cités grecques s’étaient unies sous l’hégémonie de Sparte pour lutter contre les Perses. Déçues par les Spartiates, elles se décidèrent à demander aux Athéniens, dont la victoire à Salamine les avait galvanisées, de prendre la tête d’une nouvelle ligue de défense, qui groupa très vite la plupart des îles de l’Égée et de la côte asiatique. Elle était dirigée par un conseil, ou synode, qui se réunissait à Délos. Les « Athéniens et leurs alliés » décidaient à la majorité de la politique commune, Athènes ayant la responsabilité de l’exécution des décisions. L’arme de la ligue était sa flotte, ce qui explique que les rapports entre les associés aient vite évolué.

En effet, il était prévu que chaque cité contribuerait de son mieux à l’effort de guerre. Les petites cités ne pouvaient fournir de navires ; aussi leur demanda-t-on de verser à la caisse des fonds qui serviraient à armer des trières (Aristide, surnommé « le Juste » à cette occasion, calcula ce qui devait être payé par chacune). Par ailleurs, bien des alliés préférèrent verser de l’argent plutôt que de combattre, même s’ils en avaient la possibilité matérielle. La flotte de la coalition cessa vite ainsi d’être fédérale, elle fut entièrement athénienne, mais les alliés en faisaient les frais.

Les Perses une fois vaincus et les buts de la ligue semblant atteints, certains voulurent s’en retirer, mais Athènes imposa le retour des séparatistes. L’empire naquit alors de ce que les alliés avaient renoncé à se battre en personne contre l’ennemi perse, de ce qu’Athènes refusait de perdre la puissance dont l’avait investie la ligue de Délos.


Formation du premier Empire athénien

Naxos fut la première des cités à quitter l’alliance et à être forcée d’y revenir. Elle n’y retrouva pas la place qu’elle y avait occupée : elle n’était plus liée qu’à Athènes, son vainqueur, et non plus à la ligue ; au lieu de posséder une flotte mise à la disposition de ses alliés, elle devrait payer un tribut à Athènes. Dans cette affaire, Athènes pouvait prétendre agir au nom de la ligue et dans son intérêt, Naxos repentie trouvait d’ailleurs dans l’Empire une place semblable à celle de beaucoup d’autres qui, volontairement, eux, avaient préféré combattre les Mèdes en finançant la puissance athénienne.

C’est lors de la révolte de Thasos que les ambitions d’Athènes se dévoilent : quand l’île est prise par Cimon*, Athènes réclame cette fois le versement d’une indemnité de guerre ainsi que l’abandon des territoires que l’île possédait sur le continent, et où elle compte à son tour s’installer. Dans une opération menée sous le couvert de la ligue, Athènes a en fait cherché son intérêt personnel, les alliés n’en tirent aucun profit. Bientôt, seules conserveront le statut qu’elles avaient dans la ligue de Délos des cités comme Chios, Mytilène, qui continuèrent encore un certain temps à fournir volontairement des vaisseaux à Athènes, gardant ainsi le privilège de l’« autonomie » dans ce qui était devenu un empire.

Le sort de chacune des cités dépendait des termes de la capitulation qu’elle avait signée avec Athènes. Mais chacune était vassale du peuple athénien, elle avait juré d’obéir à ses volontés contre promesse de sa protection. Cette vassalité était considérée par Athènes comme une juste punition quand elle avait trahi (ou comme une précaution nécessaire), mais elle n’hésita pas à incorporer à son empire des cités qui n’avaient jamais fait partie de la ligue de Délos, et sur lesquelles elle n’avait aucun droit, sinon celui du plus fort : Karystos en Eubée, Égine, Mêlos furent annexées, le cynisme manifesté au cours de cette dernière entreprise fit scandale, mais Athènes n’en avait cure.


Organisation de l’Empire

L’Empire ne conserve pas les institutions de la ligue, le synédrion n’existe plus : les cités ayant, au fur et à mesure que se ratifiaient les traités inégaux, juré obéissance à Athènes, c’est l’ecclésia qui légifère pour l’ensemble de l’Empire. D’ailleurs, dès 454, avait été rapporté à Athènes le trésor fédéral, jusqu’alors déposé sous la protection de l’Apollon délien.

Non contente de diriger sans contrôle la politique d’ensemble de son empire, Athènes s’immisce de plus en plus dans la vie intérieure des cités. À Érythrées, dès 465 av. J.-C., elle envoie une garnison et des surveillants (épiscopoi) chargés de rédiger pour la ville une nouvelle constitution et d’en vérifier le fonctionnement. Par la suite, elle créera des commissions pour enquêter sur l’état d’esprit des habitants, mettant parfois à la tête de telle ou telle cité peu sûre des magistrats qu’elle délègue spécialement.