Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

seconde (suite)

La seconde solaire

La rotation apparente journalière du Soleil fut de tout temps le repère temporel de la vie humaine ; les calendriers sont des conventions de numérotation des jours successifs et ils constituent une échelle de temps sur laquelle on situe la date des événements. Au moyen d’horloges, on subdivise la durée d’un jour en 24 h de 60 mn, et les minutes en 60 s, soit 86 400 s par jour. Les astronomes se chargent de maintenir leurs horloges en accord avec la rotation apparente du Soleil et des astres ; eux seuls peuvent fournir la seconde solaire exacte, qui résulte donc de la subdivision de l’échelle de temps naturelle déduite d’observations astronomiques. La durée qui sépare deux passages successifs du Soleil au méridien est le jour solaire ; cette durée n’est pas constante pour plusieurs raisons, la principale étant qu’elle résulte non seulement de la rotation diurne de la Terre autour de son axe, mais encore de la révolution annuelle de la Terre autour du Soleil sur une orbite elliptique, donc avec une vitesse qui n’est pas uniforme. Aussi les astronomes observent-ils non pas le Soleil, mais des étoiles, ce qui leur donne le temps sidéral, d’où l’on déduit le temps solaire moyen. Le jour sidéral est plus court que le jour solaire, d’une petite quantité qui fait un jour de plus par an. L’échelle de temps ainsi obtenue est le temps universel TU ; une petite correction de déplacement du pôle terrestre donne un temps corrigé TU1, une autre correction saisonnière de la rotation terrestre fournit le temps TU2 ; la subdivision de ce temps TU2 donne la seconde solaire.


La seconde des éphémérides

La durée de la seconde solaire, qui résulte de la rotation de la Terre autour de son axe, souffre des irrégularités de cette rotation, découvertes en 1870 par Simon Newcomb (1835-1909). Celui-ci avait remarqué que la position de la Lune et des planètes s’écartait de plus en plus des positions calculées d’après la théorie de la gravitation universelle, et que ces écarts pouvaient s’expliquer par un ralentissement des horloges réglées sur la rotation de la Terre. Or, une partie de l’énergie cinétique de rotation de la Terre se transforme en chaleur par frottement des marées océaniques. La durée du jour croît de 0,001 64 s par siècle ; par l’accumulation de ces retards, le temps universel TU a pris 3 h de retard depuis le début de l’ère chrétienne, par rapport à une échelle de temps qui eût été uniforme. À ce lent ralentissement se superposent d’autres irrégularités inexpliquées, donc imprévisibles. Abandonnant le repère de temps naturel de la rotation de la Terre, les astronomes (Union astronomique internationale, 1952) ont choisi la révolution annuelle de la Terre autour du Soleil, plus précisément l’année tropique, qui est la durée séparant deux passages successifs du Soleil dans la direction du point vernal (intersection de l’écliptique et de l’équateur céleste dans la direction du Soleil à l’équinoxe de printemps). La durée de l’année tropique varie légèrement suivant une loi connue ; c’est pourquoi la définition de la seconde des éphémérides spécifie à quelle date on considère cette durée. La théorie d’ensemble qui prévoit la position des astres du système solaire permet de déterminer une échelle de temps naturelle, dite temps des éphémérides TE, par l’observation de ces astres, en particulier de la Lune, et la seconde des éphémérides s’obtient par subdivision des années de cette échelle TE. On pense que cette échelle est uniforme, avec une approximation d’environ 10–9, limitée par la précision des observations et les approximations des théories. Le progrès par rapport au temps de la rotation diurne de la Terre est d’un facteur 100 environ. Le temps des éphémérides et la seconde des éphémérides ont perdu de leur intérêt (sauf en astronomie) lorsque les étalons atomiques de fréquence et les horloges atomiques, inventés par les physiciens, ont autorisé la définition actuelle de la seconde, qui sert à établir maintenant l’échelle de temps atomique international TAI.


La seconde atomique

L’avènement de la seconde atomique a mis fin à la prédominance immémoriale du temps astronomique, remplacé par le temps des phénomènes quantiques régis par la loi de Planck. Les états d’énergie d’un atome ou d’une molécule forment une suite discontinue de niveaux, avec des intervalles ΔE ? ; à la transition entre deux niveaux, l’énergie ΔE se manifeste sous forme d’une radiation électromagnétique de fréquence ν telle que
ΔE = 
(loi de Planck ;
h = 6,626 2 × 10–34 J.s).

Les premiers étalons atomiques de fréquence utilisaient deux états de vibration de la molécule d’ammoniac NH3 ; puis on a utilisé une transition hyperfine des atomes d’hydrogène H, de césium Cs, de thallium T1 ou de rubidium Rb. En spectroscopie, une transition est dite « hyperfine » lorsqu’elle résulte d’un changement du couplage magnétique entre le cortège électronique et le noyau d’un atome ; une telle transition ne peut exister que si le noyau possède un moment magnétique non nul. Déjà, en 1964, des étalons atomiques de fréquence à césium étaient en usage depuis plusieurs années ; par comparaison à la seconde des éphémérides, la fréquence de la transition de cet élément avait été évaluée à 9 192 631 770 ± 20 hertz en 1958, et le Comité international des poids et mesures, habilité par la Conférence générale, avait sanctionné cette valeur afin d’assurer la cohérence des mesures physiques de temps ; la définition atomique de la seconde ne fut adoptée formellement qu’en 1967, lorsque l’étalon de fréquence à césium eut prouvé sa supériorité sur tous les autres pour servir à la définition de l’unité de temps.


L’étalon atomique de fréquence à césium

Il existe quelques étalons de laboratoire sans cesse améliorés, et des centaines d’étalons commerciaux presque aussi exacts, fonctionnant sur le principe suivant. Des atomes de césium sont projetés en jet dans le vide sur une trajectoire qui serait rectiligne s’ils n’étaient déviés à deux reprises par des champs magnétiques ; chacune de ces déviations magnétiques sépare les atomes qui sont dans un des deux états différents de la transition hyperfine de l’état fondamental (ou état normal, celui de plus basse énergie, le plus stable, des états du cortège électronique). D’autre part, au moyen d’un oscillateur à quartz et d’un synthétiseur de fréquence, on produit une radiation électromagnétique dont la fréquence est celle de la transition du césium, et l’on fait agir cette radiation sur les atomes du jet, entre les deux déviateurs magnétiques. Si la fréquence de la radiation coïncide exactement avec celle de la transition, cette transition se produit par résonance, avec un effet détectable après la seconde déviation magnétique. On règle la fréquence de l’oscillateur à quartz de façon à rendre maximal cet effet de résonance, l’atome de césium servant, en quelque sorte, de contrôleur de l’accord entre la fréquence de l’oscillateur à quartz et la fréquence de définition. Dans les appareils commerciaux, cet accord se fait automatiquement : l’oscillateur à quartz est alors maintenu en permanence sur une marche exacte et constitue une horloge quasiment parfaite. Le gain de précision par rapport à la seconde des éphémérides est un facteur 100, soit un facteur 10 000 par rapport à la seconde solaire. De plus, la seconde exacte est disponible immédiatement, et non plus après des mois ou des années d’observations astronomiques et de calculs.