Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Scopas (suite)

Mais l’œuvre qui laisse sans doute le mieux reconnaître le génie scopasique est la Ménade. Célébrée dans la littérature antique, cette danseuse dionysiaque nous est conservée à Dresde par une copie tardive, de taille réduite, mais qui a gardé de la vie du modèle. Fortement cambrée, la poitrine saillante, la tête rejetée en arrière, la danseuse tournoie. La chevelure, répandue sur l’épaule droite, et la tunique, dénudant quasiment tout le flanc gauche, soulignent le mouvement, comme au mausolée. Le visage, quoique mutilé, rappelle les têtes de Tégée.

C’est ici que se mesure le mieux l’apport de Scopas. Le visage, au lieu d’exprimer une sérénité toute classique, s’efforce de traduire le pathétique du personnage, en usant notamment d’un procédé typique : l’œil, profondément enfoncé dans l’orbite, à moitié caché par un lourd repli de la paupière, regarde vers le haut. Le corps perd sa pose intemporelle pour se mouvoir dans l’espace et incarner, dans sa vitalité, toute la signification du sujet. Ces recherches, qui apportent un souffle nouveau à l’art classique (v. Grèce), expliquent l’influence de Scopas sur la plastique hellénistique*.

O. P.

 C. Picard, Manuel d’archéologie grecque. La sculpture, ive siècle, t. III et IV (Picard, 1948 et 1954).

scorbut

Maladie qui est due à la carence en vitamine C, ou acide ascorbique.



Introduction

Le scorbut est bien connu depuis le xiiie s. pour les ravages qu’il provoqua parmi les armées des expéditions lointaines et parmi les navigateurs. Charles Patin, dit aussi Nicolas Venette, en 1671, et James Lind, au milieu du xviiie s., montrèrent les vertus curatives et préventives des fruits frais. La nature carentielle de la maladie ne fut établie qu’en 1928 par Albert Szent-Györgyi, qui isola des oranges et du citron un principe antiscorbutique, l’acide ascorbique, dont la synthèse fut réalisée en 1933 par Tadeus Reichstein.

L’acide ascorbique est un puissant réducteur. Apparenté aux hexoses, il joue dans l’organisme le rôle de transporteur d’hydrogène et intervient dans les processus d’oxydoréduction. Sa molécule et, par suite, ses propriétés sont détruites par la chaleur. L’acide ascorbique est indispensable à la croissance harmonieuse. Il a un rôle primordial, mais encore mal connu, dans le métabolisme et le fonctionnement des glandes endocrines. La corticosurrénale est particulièrement riche en acide ascorbique, et celui-ci semble intervenir, tout comme la glande, dans la lutte contre les phénomènes d’agressions, de stress, de traumatisme. La vitamine C intervient également dans la formation du collagène (substance fondamentale du tissu conjonctif), et sa carence détermine des modifications de tous les tissus conjonctifs.

Les Invertébrés et la plupart des Vertébrés sont capables de faire la synthèse de l’acide ascorbique. L’Homme ne peut la réaliser et doit trouver dans son alimentation les 75 mg quotidiens, indispensables, de vitamine C. Les végétaux chlorophylliens en renferment des quantités très importantes : chou (90 mg pour 100 g), épinards (130 mg), cresson (141 mg). De même certains fruits (oranges, groseille, piment). Il en existe très peu dans les prunes et les pommes. Le lait ainsi que tous les aliments d’origine animale en contiennent très peu.


Signes cliniques du scorbut

L’avitaminose C se présente sous deux aspects très différents, selon qu’elle survient chez les adultes ou chez les nourrissons.


Scorbut de l’adulte

Il survient chez des individus soumis à une alimentation constituée de produits de conserve et dépourvue de fruits et de légumes frais. Le début de la maladie est marqué par une fatigue, des douleurs lombaires et quelques saignements des gencives. Puis rapidement surviennent une gingivite (gencives rouges, œdématisées, saignantes, douloureuses, plus ou moins ulcérées), une haleine fétide, des hémorragies (gencives, os, muscles, peau), une anémie en général modérée et des troubles de l’état général (amaigrissement, torpeur, température entre 38 et 35 °C). Sans traitement, le malade décède par infection surajoutée ou hémorragie. Actuellement, dans les pays développés, l’avitaminose C est fruste dans sa symptomatologie (asthénie, gingivite mineure, purpura des membres inférieurs).


Scorbut du nourrisson

C’est sir Thomas Barlow qui distingua définitivement cette maladie du rachitisme en 1889 et lui donna son nom. Celle-ci s’observe chez des nourrissons soumis à des régimes artificiels (lait pasteurisé, conserves, farines). Elle n’atteint jamais les enfants nourris au sein. Elle survient entre six et dix-huit mois. Dans sa forme typique, elle est rare dans nos pays. Le nourrisson malade présente une gingivite hémorragique, des saignements, une anémie, une altération de l’état général, avec arrêt de la courbe pondérale et surtout des douleurs osseuses intenses en rapport avec des hématomes sous-périostés, traduits par des tuméfactions osseuses palpables (fémur, voûte crânienne, côtes, avec formation du « chapelet scorbutique »). L’os sous-jacent est ostéoporotique (décalcifié) et voit sa croissance diminuée. Non traitée, la maladie évolue vers la mort dans un tableau hémorragique ou infectieux. Traité par la vitamine C, tous les troubles s’amendent rapidement.


Traitement du scorbut

Il doit être préventif. Chez l’adulte, un régime varié et équilibré prévient toute avitaminose. La quantité d’acide ascorbique nécessaire s’élève au cours des infections, des interventions chirurgicales. Il est bon d’administrer la vitamine C chez les dyspeptiques présentant des troubles d’absorption intestinale avec alcalinité du contenu gastrique, qui détruit cette vitamine. Devant un scorbut déclaré, on administre de 300 à 500 mg de vitamine C (voies orale ou intraveineuse, ou intramusculaire). On associe d’autres vitamines (B1, PP, D), car la carence vitaminique est souvent multiple.

Chez le nourrisson soumis à un régime de lait conservé, il suffit d’ajouter à l’alimentation de 2 à 4 cuillerées à café par jour de jus de citron ou d’orange pour prévenir l’avitaminose.

J.-C. D.

➙ Vitamine.

 H. L. Vis, Aspects et mécanismes des hyperaminoaciduries de l’enfance. Recherches sur le kwashiorkor, le rachitisme commun et le scorbut (Maloine, 1964).